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mobilisation sociale
L es conflits sont inhérents à la vie en société. Dans la séquence 4, vous avez étudié la dynamique de la
stratification sociale. L’analyse marxiste montre que les classes sociales sont indissociables de la lutte
des classes, elle-même moteur du changement social. Marx a étudié la difficile condition ouvrière du
XIXe siècle et a démontré que les rapports de domination et d’exploitation issus du mode de production
capitaliste déboucheraient sur une lutte des classes sonnant le glas de l’ère capitaliste.
La société industrielle va être marquée par d’importants conflits sociaux qui peuvent être analysés
comme de véritables conflits de classe au sens marxiste du terme. En effet, le mouvement ouvrier va
être au cœur de ces conflits qui naissent dans la sphère du travail et opposent ouvriers et patronat.
Progressivement les relations du travail vont être réglementées.
Plus récemment, les conflits du travail et le mouvement ouvrier connaissent un véritable déclin sym-
bolisant la crise du syndicalisme. Pour autant, les conflits opposant employeurs et salariés n’ont pas
disparu mais connaissent de profonds changements au moment même où naissent des mouvements
collectifs hors de la sphère du travail.
Dans un premier chapitre sera étudiée l’évolution des conflits sociaux dans la sphère du travail et dans
un second chapitre sera étudiée la diversification des objets et des formes de l’action collective.
Cette étude prend appui sur le cas français
Exercice 1 Document 1
Questions
Expliquez la phrase soulignée : « Les grèves sont minoritaires ».
En quoi consiste la victoire de la classe ouvrière mentionnée ici ?
Quels facteurs ont contribué à la victoire des grévistes en 1936 ?
« Le rôle du mouvement ouvrier qui s’efforçait de fondre les pauvres et les exclus dans la masse des exploités pour en faire des acteurs centraux de la société
industrielle a été triple.
D’abord, il a participé à la formation d’une communauté de vie, d’un cadre d’intégration sociale. Les banlieues rouges ont construit tout un appareillage de
mouvements, d’organisations et d’associations qui ont assuré l’intégration des travailleurs. Tout autant que des forces critiques, les partis de gauche et les
syndicats, notamment le parti communiste et ses satellites, ont joué un rôle «social» à partir des communautés de vie ouvrières et populaires.
Puis le mouvement ouvrier a été un acteur essentiel de la formation de l’État-providence, il a participé à la construction d’un ensemble de droits sociaux à
partir des conditions de travail et des luttes dans l’entreprise.
Enfin, le mouvement ouvrier a forgé une conscience de classe. Il a porté une conscience fière du travail industriel, il a transformé les plus défavorisés en acteurs
collectifs, il s’est identifié au progrès et aux versions utopiques de l’avenir.
Il a intégré les ouvriers dans la nation. Quand les ouvriers de Renault étaient l’»avant-garde» des luttes ouvrières, ils combattaient le capitalisme et le pouvoir
patronal, mais ils défendaient aussi l’État contre le capitalisme libéral. Avec la crise de la société industrielle, tous ces éléments se sont décomposés. »
Questions
Quels sont les trois rôles que les auteurs attribuent au mouvement ouvrier ?Illustrez vos réponses.
En utilisant le passage souligné, vous expliquerez pourquoi les ouvriers ont joué « un rôle central »
historique.
Les conflits sociaux dans la société industrielle s’appuient sur une lutte organisée et efficace qui s’inscrit
dans une perspective historique du mouvement ouvrier (revendications, défense des acquis), la lutte
étant entérinée par le droit (document 2).
Dans les années 50-60, les conflits du travail portent sur les conditions de travail et les conditions salaria-
les. Les syndicats, autorisés en 1884, véritables porte-parole des salariés, jouent un rôle déterminant.
Les grèves, légalisées en France en 1864, représentent la forme privilégiée des conflits. Il faudra cepen-
dant attendre 1950 pour que la grève ne soit plus considérée comme une rupture du contrat de travail.
Les trente glorieuses feront de ce type de mobilisation un instrument légitime de régulation sociale.
Partout en Europe, les grèves se multiplient dans les années 60-70.
Exercice 3 Document 3
Questions
Comment a évolué la réglementation du droit de grève ?
Pourquoi les salariés peuvent-ils être couverts par des conventions collectives de branche sans
nécessairement être syndiqués ou avoir participé à une grève ?
Exercice 4 Document 4
« Lorsque l’opposition entre salariés et employeurs est reconnue par les deux parties, cela favorise un règle-
ment pacifique des conflits par la mise en place de règles et d’instances pour encadrer et gérer les conflits
ouverts, c’est-à-dire l’institutionnalisation des conflits. Des lois fixent le cadre juridique du droit de grève et
des conventions collectives interprofessionnelles. Une organisation concentrée de syndicats d’employeurs
et de salariés n’évite pas les grèves, mais débouche sur des accords plus stables car légitimés par tous.
Question
Pourquoi peut-on dire que le droit de grève est « institutionnalisé » ?
Les syndicats vont progressivement acquérir une certaine légitimité, tant auprès des travailleurs que des
patrons. Véritable porte-parole des grévistes, leur premier rôle sera d’endiguer la violence des conflits
et de diminuer les risques encourus par les grévistes.
En 1936, ils participeront aux accords de Matignon avec les patrons et l’État.
Après la seconde guerre mondiale, ils deviendront les partenaires obligés de toutes les négociations. Ils
participent alors directement à la gestion des conflits, mais aussi à la gestion des institutions mises en
place pour protéger et défendre les travailleurs (protection sociale et tribunal des prud’hommes).
2. Le droit du travail
Les grandes avancées sociales ont été obtenues grâce à des négociations entre les pouvoirs publics,
les entreprises et les syndicats (document 3).
Le droit du travail va permettre l’amélioration progressive des conditions de travail (diminution de la
durée du travail, sécurité…) et l’association des travailleurs au fonctionnement des entreprises et des
branches.
Les comités d’entreprises en France (1946) permettent l’information et la consultation des repré-
sentants salariés.
Au niveau des branches, des conventions collectives (conditions de travail, rémunération, qualification)
sont négociées et signées par les syndicats de salariés (1950).
Les lois Auroux (1982) rendent obligatoires les négociations collectives chaque année dans les entre-
prises.
Lors de conflits du travail déclarés, des procédures de conciliation, de médiation, et d’arbitrage sont
créées pour en faciliter la résolution.
Les difficultés économiques et le chômage vont remettre en cause les instances et les règles issues de
l’institutionnalisation des conflits, considérées comme des rigidités défavorables à l’emploi.
Ce document vise à illustrer le déclin des conflits traditionnels (sous forme de grèves) qu’on peut relier
à leur institutionnalisation.
Questions
Que signifie la donnée correspondant à 2004 ?
Calculez la diminution en % du nombre de grèves en France entre 1975 et 2004.
En quoi le graphique peut-il illustrer un effacement des conflits du travail ?
Exercice 6 Document 6
Éléments explicatifs
Exercice 7 Document 7
Questions
Pourquoi peut-on parler d’un « éclatement » du monde ouvrier ?
Expliquez la phrase soulignée.
Question
Quelles explications de la crise du syndicalisme ce sondage fournit-il ?
Exercice 9 Document 9
« Qu’est-ce qui fait que des gens décident de se syndiquer ? Mancur Olson […] avait répondu dans les années 1960 en ramenant l’acte
d’engagement à un comportement d’homo œconomicus. Les gens se syndiquent, disait-il, parce qu’ils y ont un intérêt économique. Et
de soulever aussitôt ce paradoxe devenu fameux : chacun a individuellement intérêt à ce que l’action collective existe car c’est large-
ment elle qui produit des biens communs, mais personne n’a intérêt à s’y impliquer lui-même car l’engagement individuel est coûteux.
Tout individu est donc tenté par le comportement de free rider, de passager clandestin. […] C’est pourquoi, […] les organisations et
notamment les syndicats ont intérêt à l’existence d’incitations, voire de contraintes à l’adhésion. […] La fermeture des professions aux
seuls syndiqués (closed-shop), l’obligation de l’adhésion collective dès lors que le syndicat est habilité à négocier (union shop) ont été
mises en œuvre dans les syndicalismes anglo-saxons ; l’application des conventions collectives aux seuls syndiqués est la règle dans
les pays nordiques ; la syndicalisation couplée à l’accès à des services de l’économie sociale est également pratiquée aux Pays-Bas, en
Belgique, en Autriche. »
Jean-Marie Pernot, Syndicats : lendemains de crise ?
Questions
Expliquez la phrase soulignée.
Quelle est l’hypothèse de départ de Mancur Olson ?
Comment l’analyse d’Olson peut-elle expliquer le déclin du syndicalisme ?
Le contexte de croissance économique et de plein emploi semble favoriser les luttes sociales. Les acteurs
se battent alors pour une répartition plus équitable des fruits de la croissance.
Inversement, le contexte de crise et de dégradation du marché du travail inhibe la lutte collective. La
crainte de perdre leur emploi rend les salariés plus prudents. Ainsi la grève de décembre 95 a essen-
tiellement été le fait du secteur public. Enfin depuis le début 80, les emplois précaires se développent
et constituent une main-d’œuvre moins syndiquée et moins revendicative.
La structure des emplois s’est profondément modifiée, le nombre d’ouvriers ayant considérablement
diminué dans des secteurs traditionnellement impliqués dans les conflits et fortement syndiqués (sidé-
rurgie, automobile…). L’éclatement de la classe ouvrière et le déclin du mouvement ouvrier ont diminué
la mobilisation collective.
Inversement, le nombre d’emplois tertiaires a fortement augmenté mais concerne une main-d’œuvre
féminine et traditionnellement moins syndiquée.
3. La crise du syndicalisme
Aujourd’hui environ 8 % des salariés sont syndiqués, contre environ 30% au début des années 50.
Cette crise du syndicalisme provient tout d’abord des mutations précisées précédemment mais elle
s’explique aussi par des comportements plus utilitaristes des individus. L’institutionnalisation des syn-
dicats a également éloigné les responsables syndicaux de « la base ».
Cependant, paradoxalement, les syndicats français demeurent puissants, notamment dans le secteur
public. Ils conservent une capacité de mobilisation considérable même s’ils sont concurrencés, comme
nous l’avons vu précédemment, par des coordinations ou des collectifs.
La montée des valeurs comme l’individualisme entraîne le repli des individus sur leurs propres intérêts.
« Le paradoxe de l’action collective », mis en évidence par M. Olson, peut se résumer ainsi : « personne
ne participe à une action à laquelle chacun aurait intérêt que tous participent ». Autrement dit, dans
certaines situations, chaque membre du groupe confrontant les coûts et les avantages d’une action
collective, se rend compte qu’il n’a pas intérêt à participer lui-même mais que les autres le fassent à
sa place.
Exemple Pourquoi ferais-je grève et perdrais-je une journée de salaire alors que je profiterai de toute façon des
résultats du mouvement ?
Exercice 10 Document 10
L’éclatement des mouvements sociaux
Femmes
1993 - Manifestation de femmes devant l’Assemblée nationale pour réclamer la parité politique.
1994 - Le délit de harcèlement sexuel est inscrit dans le nouveau code pénal.
1998 - Le principe de la parité est introduit dans la Constitution.
2003 - Naissance de « Ni putes ni soumises », créé suite à la Marche des femmes contre les ghettos et
pour l’égalité après que Sohanne, 19 ans, a été brûlée vive dans un local à poubelles.
Antiracisme
1983 - À la suite d’affrontements à Lyon, un mouvement de jeunes Beurs entame une grève de la faim,
puis une marche pacifique à travers la France pour dénoncer la violence raciste. 100 000 personnes les
accueillent à leur arrivée à Paris.
1984 - Création de SOS-Racisme. Lancement en 1985 de la campagne « Touche pas à mon pote ».
2005 - Appel des « Indigènes de la République » et création du CRAN (Conseil représentatif des asso-
ciations noires) pour lutter contre les discriminations des personnes issues des colonies « anciennes ou
actuelles ».
Questions
En quoi ces nouveaux mouvements sociaux se différencient-ils des conflits du travail traditionnels
étudiés précédemment ?
Quels sont les thèmes communs à ces différents mouvements ?
Trouvez d’autres exemples de ce type de mouvements sociaux ne figurant pas dans ce document.
En quoi ces mouvements sociaux peuvent-ils contribuer au changement social ?
Caractéristiques
C’est à partir des années 60 que se développent ces nouvelles formes d’action collective. Ces mouve-
ments sont multiples et variés : mouvements noirs au États-Unis, mouvements des étudiants en 68,
mouvements pacifiques, écologiques, luttes féminines, régionales, mouvements antinucléaires, mou-
vements homosexuels, liberté sexuelle…
Ils ne concernent plus la production et l’économie, mais portent sur des valeurs (liberté individuelle,
identité de certains groupes sociaux). Ils proviennent d’inspirations plus générales : environnement,
paix dans le monde, droits de l’homme…
Les modes d’action diffèrent. Ces mouvements s’organisent de manière décentralisée, en assemblée
générale, en rupture avec les syndicats. Les formes de protestation sont peu institutionnalisées : ce sont
des « sit-in », des occupations de locaux, des grèves de la faim. Le but étant essentiellement d’alerter
l’opinion.
Éléments d’analyse
Au cœur de son analyse, le concept « d’historicité » définie comme étant la capacité d’un groupe à
orienter les choix de la société, son image, son devenir. Les groupes vont essayer d’influencer l’histoire
dans un sens qui leur soit favorable .
Alain Touraine considère que l’analyse marxiste était valable dans la société industrielle du début du
siècle. L’ordre économique dominait et la maîtrise de l’historicité reposait sur la détention des moyens de
Dans la société postindustrielle d’aujourd’hui, le contrôle de l’historicité ne repose plus sur les moyens
de production, mais sur la maîtrise des projets scientifiques (accumulation des connaissances, du
savoir..).
La classe dirigeante est celle des technocrates qui s’approprient le savoir ; elle définit l’historicité selon
ses propres intérêts. Ainsi, les dirigeants d’EDF, sous prétexte de confort domestique, imposent le tout
nucléaire pour assurer la croissance de leurs entreprises.
Les nouveaux mouvements sociaux correspondent à la contestation de la classe dominée pour échapper
au contrôle de la classe dominante. Pour Touraine, le mouvement antinucléaire serait le mouvement le
plus achevé qui succéderait au mouvement ouvrier.
De nombreuses critiques ont été formulées à l’encontre de l’analyse de Touraine. En effet, pourquoi
caractériser ces mouvements de « nouveaux », alors que certains d’entre eux existaient dès le milieu
du XIXe siècle (mouvements féministes) ? De toute façon faut-il rechercher le mouvement social le
plus achevé qui prendrait le relais du mouvement ouvrier ou constater la multitude des mouvements
sociaux ? R. Inglehart, sociologue américain, donne une interprétation différente de ces différents
mouvements.
2. Analyse d’Inglehart
Exercice 11 Document 11
Assiste-t-on à une montée du post-matérialisme ?
Questions
Caractérisez les types de revendications des NMS par rapport à ceux des conflits sociaux traditionnels.
Quelle interprétation de ces nouveaux enjeux le texte ci-dessus fournit-il ?
Que signifie le chiffre entouré ?
Dans quelle mesure ce tableau confirme-t-il l’analyse de Ronald Inglehart ?
Pour cet auteur les valeurs des sociétés modernes deviennent de plus en plus « post-matérialistes ».
Avec la période de prospérité qui a suivi la seconde guerre mondiale, les besoins matériels (alimentation,
logement, habillement..) sont pour l’essentiel satisfaits. Les revendications seraient plus qualitatives
que quantitatives en réponse à l’aspiration de valeurs post-matérialistes (qualité de la vie, défense de
l’environnement, épanouissement de la personnalité, réalisation de soi, égalité des sexes…). Plus géné-
ralement, cette évolution des valeurs provient des mutations structurelles :développement économique
mais aussi hausse du niveau d’instruction, essor des classes moyennes. Ces nouveaux mouvements
sociaux s’accompagnent d’un recul des antagonismes de classe.
Cependant, une enquête récente sur l’activité manifestante de la France des années 80, montre que la
mobilisation à visée « matérialiste » (salaire, emploi…) en demeure bien la composante essentielle. Il
n’y aurait donc pas substitution mais juxtaposition de différents mouvements sociaux.
Questions
Pourquoi la mobilisation de ces groupes a-t-elle longtemps été considérée comme « improbable » ?
Quel est l’enjeu commun à la mobilisation de ces différents groupes ?
Question
Quelles sont les revendications et l’issue de la mobilisation des « enfants de Don Quichotte » ?
Exercice 14 Document 14
Des organisations et des individus en réseau
« En France, les organisations antimondialisation les plus actives sont toutes récentes : SUD, associations
de « sans et, bien sûr, ATTAC. Elles illustreraient un « nouveau type d’engagement » caractérisé par le
pragmatisme, la recherche d’efficacité qui suppose des actions locales aux objectifs limités, le refus de la
délégation et la participation active des militants. Leurs « luttes transversales » les amènent à coopérer
et à rechercher l’extension de leurs actions et alliances au-delà du cadre national : « Pensez globalement,
agissez localement ».
Les facteurs de réussite des mobilisations antimondialisation sont l’emploi intensif de l’outil de communica-
tion et de propagande internet et les « contre-experts » (anciens membres de la Banque mondiale, ingénieurs
agronomes, etc.). Des contre-sommets sont organisés par les protestataires en marge des réunions officielles
des instances internationale (Seattle en 1999. Nice en 2000). L’influence des « Nouveaux mouvements
sociaux » des années 1970 se voit dans l’aspect festif et coloré des manifestations. »
D’après Xavier Crettiez et Isabelle Sommier, La France rebelle.
Question
Quelles sont les caractéristiques de ces organisations contestataires ?
Ces différents documents permettent de recenser les nouveaux thèmes, les nouveaux acteurs et les
nouvelles stratégies en jeu.
Mobilisations contre la mondialisation « libérale » : ATTAC et pour une autre mondialisation (on parle
aujourd’hui « d’alter mondialistes »).
Vers des stratégies médiatiques : appel aux médias pour créer de l’émotion et mobiliser l’opinion
publique.
Organisations en réseau.
Conclusion
Document 15