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La disette de 1812

1811 fut une année de récolte plus que médiocre dans le département de la Charente-Inférieure :
le mauvais temps et les inondations ravagèrent les cantons les plus productifs. la situation de
l'arrondissement de La Rochelle dont les terres étaient surtout en vignobles, était catastrophique ;
les besoins étaient de 219100 hectolitres de froment alors que la récolte n'était que de 43714 d'où
un déficit de 175381 hectolitres. Pour l'ensemble du département il manquait 1 million
d'hectolitres... Le déficit n'était pas simplement local. Les départements de la Vendée, de la
Vienne, des Deux-Sèvres qui habituellement comblaient celui de la Charente-Inférieure
subissaient le même dommage. Les prix du blé montèrent en flèche et les boulangers ne
voulurent point acheter ; ils laissèrent s'écouler vers l'extérieur ou accaparer par des spéculateurs
une grande partie de cette précieuse denrée. Aussi de la fin du mois de mai 1812, on manque de
blé et de farine et les boulangers de La Rochelle font du pain de farine de fèves et de haricots.
Les maires sont chargés de visiter tous les greniers et de dresser un état des besoins de leur
commune. En voici les résultats pour quelques communes :

Angoulins : M. Bérigaud, maire, et M Seignette possèdent des grains nécessaires à leur nourriture
et à celle des vignerons métayers et domestiques... Le boulanger est encore approvisionné de
1625 kg de farine de très médiocre qualité : dès que cette farine aura été convertie en pain et
distribuée aux habitants, la commune sera dans la détresse la plus déplorable. L'espoir de scier
bientôt l'orge et de la faire immédiatement sècher au four arrête les plaintes arrachées par la
misère.

Châtelaillon : les habitants des campagnes passent des heures entières chez les boulangers des
villes à disputer un morceau de pain de farine de fèves et de haricots pour soutenir l'existence de
leur famille...
Le nommé Texier avait chez lui 20 boisseaux de froment en excédent de sa consommation
lesquels furent requis par M. le maire d'Angoulins et de Châtelaillon et versés dans les magasins
du boulanger d'Angoulins. Cette mesure parvint à assurer la subsistance des malheureux jusqu'à
la récolte de l'orge et procura des effets très satisfaisants.

Aytré : Le maire a acquis la certitude que non seulement les habitants n'ont pas leur provision de
blé nécessaire jusqu'à la récolte mais que les 4/5 sont forcés de passer des journées entières à la
porte des boulangers de La Rochelle pour saisir un morceau de pain... Les maladies ont ruiné
cette commune et la misère la plus affreuse achève d'y répandre la désolation. c'est une des plus
malheureuses de l'arrondissement.

La Jarne : Le maire et l'adjoint n'ont vu partout que le spectacle de la disette la plus absolue. Les
propriétaires sont dépourvus comme les pauvres qar la quantité de blé qu'ils n'ont cessé d'avancer
à leurs travailleurs. le four public était réduit, le 17 juin, à un sac de minot, les habitants sont dans
une véritable angoisse sur la suite de ce dénuement et le peu d'espoir d'y mettre promptement un
terme.

par Jean Joguet


Une église disparue : Saint-Nazaire d'Angoulins
Au cours de l'année 1875, M. l'abbé Mongis, curé d'Angoulins/mer se promenant le long de la
falaise de la presqu'île du Chay eut son attention attirée par des "ondulations ou sinuosités
rentrantes se détachant en brun sensiblement rougeâtre sur le ton uniforme et gris pâle de toute la
côte dans sa coupe verticale" (BSSNLR). Ces sinuosités rougeâtres étaient formées de terre
arable remplissant des cavités "trapézoïdales". D'une de ces fosses, parmi un fouilli de
coquillages, il tira un tibia humain. Les années suivantes, sous les auspices de la Société des
Sciences Naturelles de La Rochelle qui connaissait bien la presqu'île puisque le pointe du Chay
est un gisement fossilifère renommé, des fouilles furent entreprises dont l'abbé Mongis rendit
compte (idem). Cette étude imprécise, accompagnée d'un plan qui ne vaut mieux, apporte
cependant quelques données positives. La nécropole s'étendait sur une longueur d'environ 400 m,
de la falaise du Chirat au delà de la voie ferrée ; sa largeur, compte tenue de la partie emportée
par la mer, serait d'une centaine de mètres. Dans ce vaste cimetière grossier et primitif, mais qui
semble s'améliorer vers l'intérieur, les fosses alternent, renfermant tantôt un squelette, tantôt
deux, mélés à des ossements d'animaux, à des débris de coquillages et à des poteries grossières.
Folkloriste surtout, l'abbé Mongis recueillit les traditions légendaires du pays d'Aunis, dont celle
du serpent Rô transfixé au Pont de la Pierre et inhumé à la Pointe du Chay sous la garde de sept
chevaliers pétrifiés. la nécropole retrouvée fit parler les vieilles gens. On lui raconta la légende du
puits des Mazureaux et de ses dames blanches, celle d'une ville engloutie appelée Montmorion.
D'autres lui dirent qu'anciennement la presqu'île du Chay se nommait île Bazauges et que les
rochers du petit Coivre cachaient une énorme cloche sonnant à la veille de grands malheurs. et
l'abbé Mongis de penser que ce pourrait être le cimetière de l'antique Monmeillan dont parle
Amos Barbot. Mais, nulle part, malgré le toponyme "Bazauges" et la cloche, on ne voit évoquer
la tradition ou la légende d'une église ayant existé en ce lieu. Il y en eut pourtant une qui
s'appelait Saint-Nazaire d'Angoulins. De fondation ancienne et imméroriale, elle n'apparait dans
le cartulaire de St-Cyprien de Poitiers qu'au Xe siècle, au moment de la disparition d'une grande
partie de ses biens notament plusieurs centaines d'aires de salines (AHP, tome III, p.316-320). En
1002, l'église elle même et l'autre plus récente dédiée à Saint-Pierre, sont données par Guillaume
V de Poitiers a l'abbaye de Bourgueil fondée par sa mère "Ecclesias siquidem duas eodem loco
perpetualiter delegamus, quae sunt in Pago Pictavensi in territorio Alniensi in loco qui dicitur
Ingolinus super fractam ripam. Est autem una ex his ecclesiis in honore sancti Nazarii, altera vero
in honore sancti Petri." (Besly, Histoire des Comtes de Poitou, p.356). Quel vimère vint donc
frapper la côte au point qu'Angoulins fut caractérisé par ces mots "super fractam ripam" ? On ne
sait, mais aux alentours de l'an mil, les cataclysmes devinrent plus fréquents, comme le note un
certain Martin donateur de salines à l'abbaye de Saint-Maixent "mundi termino appropinquante,
ruinisque ejus crehescentibus..." (AHP tome XVI p.98). L'église Saint-Nazaire dût en subir le
choc, car la charte de 1002 est la dernière qui la cite. En 1068, lorsqu'Isembert de Châtelaillon
établit les moines de Saint-Cyprien à Angoulins, il leur donne une seule église, Saint-Pierre, celle
qui existe actuellement (AHP, tome III, p.312). Au début de mes recherches sur Angoulins,
précisément sur ses origines chrétiennes, me souvenant de l'île Bazauges et de la nécropole, je
pensais qu'il y avait eu primitivement un centre maritime de population dont Saint-Nazaire était
l'église ; au XIe siècle, l'agglomération se serait déplacée pour se regrouper autour de la nouvelle
église Saint-Pierre, au carrefour des vieux chemins de Châtelaillon et de Cramahé. Hypothèse
séduisante, mais tenue en réserve pendant, plusieurs années sans pouvoir y apporter la moindre
preuve. Cependant le souvenir de Saint-Nazaire était demeuré dans les actes notariés, car son
nom désignait un lieu dit ou plutôt le précisait. Dans une déclarationdes domaines de Noël Raoul,
datée de 1636, on lit en effet : "Plus de deux tierces parties d'une escluse située en la mer en lad.
paroisse d'Angoulins proche et joignant au port de Vinaigre, d'autre part à la mer et d'un bout à la
côte appelée Saint Nazaire" (ADCM, 1 J 92). le port Vinaigre dont il est question existe encore
aujourd'hui sous le nom de Petit Port ; il est protégé par la pointe rocheuse dite de "Vinègre" sur
une carte de La Favollière datée de 1677 (Passerat, Etude sur les cartes des côtes de Poitou et de
Saintonge, HT pp 112-113). La côte Saint-Nazaire se trouve donc au Sud et c'est sa falaise qui
porte les traces de sépultures décrites par l'abbé Mongis. A l'Ouest du port Vinaigre existe un lieu
dit appelé "Chirat", dont le nom évoque un mas de pierres. Sans autres preuves, j'y plaçais les
ruines de Saint-Nazaire ou d'anciennes constructions d'autant plus que l'abbé Mongis y faisait
remonter les limites de sa nécropole. Or, dans un acte notarié du 21 janvier 1536, une bourgne ou
écluse à poissons est ainsi décrite : "... située et assize au Chérat tenent d'un cousté à la falaize de
la mer, d'un bout aux terres vulgairement appelées les terres de feu Pierre Baillou, d'autre bout au
chiron nommé Sainct Nezère..." Quelques mois plus tard, à lo'ccasion d'une nouvelle transaction,
on lit avec plus de précision : "une bourgne autrement escluze sytuée et assize sur la ryve de la
mer au lieu nommé le chirat de Sainct Nazaire, tenant d'une part à la bourgne ou escluze de Pierre
Mousse, d'autre part à la falaize de la mer et d'autre part audit chirat de Sainct Nazaire..."
(ADCM, Gaschet). En 1536, il y avait donc, distinct de la falaise, un promontoire appelé chiron
ou chirat de Saint-Nazaire portant les ruines de cette église. Un siècle plus tard, ce promontoire
disparu la falaise devenait par extension côte Saint-Nazaire. Aujourd'hui, il n'existe qu'un lieu dit
nommé le Chirat, surplombant le port Vinaigre et la côte qui rappelle par ses amas de rochers la
"fractam ripam" de l'an mil. De l'église, on ne pourra sans doute rien trouver mais le site lui
même mérite d'être fouillé. Il y a, d'après des fouilles sommaires de Gabet et Fontaine, des traces
d'occupation gallo-romaine. Puissent ces quelques notes les aider et même les diriger vers ce
"chirat" qui tire son nom des ruines de l'église disparue !

par Jean Joguet


Le four banal
Le 26 septembre 1597, Antoine Courault, baron de Chatelaillon et seigneur d'Angoulins,
affermait à Etienne Dupuy, greffier des tailles royales de la dite paroisse, pour la durée de un an à
partir du 1er octobre "le four à bans et contraintes sur les tenanciers d'Angoulins appartenant
audit seigneur et oultre le droit de pouvoyr coupper rousches au marays dudit seigneur et aultres
marays limitrophes et communaulx..." Etienne Dupuy, le futur fermier, était une personnalité à
Angoulins ; à la fin du XVIe siècle, nous le voyons acquérir de nombreux biens et passer de
nombreux actes devant le notaire de la châtellenie.
A cette époque, il n'y avait pas de four banal, ou plutôt, il n'y en avait plus. Aussi "ledit seigneur
promet faire oedifier et construire à ses despens audit bourg en lieu convenable et ce dans le
temps et durée de troys moys prochains et plustost sy faire se peut..." un four et, en attendant,
Etienne Dupuy pourra se servir de celui qu'il possède dans sa maison "sous ledit tiltre de banyer".
Et il sera "tenu faire fournées convenablement... les jours de mardy, jeudy, sabmedy de chascune
sepmaine... il aura le droit de prendre la 1/16e partie de toutes les pastes qui se fournairont audit
four bannier durant ledit temps d'ung an..." Le bail est fait pour la somme de cinquante écus.
Ce four, nous le retrouvons lors de la visite des biens de la seigneurie d'Angoulins ; il se trouvait
face à l'entrée principale de la maison de Jousseran. En 1672, il avait soixante-quinze ans, et
comme tous les vieillards, il avait besoin de renouveau, d'autant plus que son service était quasi-
journalier et que les successeurs de Louis Berne ne l'avaient guère entretenu ; en 1741, son état
n'est guère meilleur et ce four qui "convient à cuire trente-trois boisseaux de paste est" jugé "très
vieux et caduc... il est hors d'estat de cuire les pastes des tenanciers de ladite chatelanie..."
En 1775, il appartenait, comme la seigneurie d'Angoulins, au domaine royal et c'est l'Intendant de
La Rochelle qui le fait réparer et remettre à neuf. De cette affaire, j'ai longuement parlé en
novembre 1954 et je n'y reviendrai point, mais ma curiosité est grande de savoir où il peut bien
être.

Le four banal (2)


Un petit dossier des Archives départementales nous livre, ce mois-ci, un des aspects de la vie
d'Angoulins à la fin du XVIIIe siècle. Il n'existait à cette époque, de boulanger que dans les villes
; dans les campagnes, il y avait un fournier chargé d'enfourner les pâtes que chacun apportait.
C'était en quelque sorte un fonctionnaire qui cuisait le pain de la paroisse ; le four était commun
ou plutôt "banal" car il appartenait au seigneur et c'était une obligation pour les manants de s'en
servir.
Source de revenus pour le seigneur c'eétait pour lui un devoir de l'entretenir. En 1775, le four
banal d'Angoulins tombait en ruine et le Domaine royal à qui il appartenait maintenant, se
chargea de le rendre convenable à sa destination d'établissement public. le 2 avril, une lettre de
Paris prescrit à l'intendant M. de Montyon, de faire visiter promptement le four et le bâtiment du
fournier ; le 15 mai, le devis des réparations est dressé par le sous-ingénieur des Ponts et
Chaussées et le 2 juin suivant, on prie l'intendant de faire adjuger les travaux. Des affiches sont
apposées ; les 31 juin et 7 juillet, il ne se présente personne à l'adjudication. Enfin, le 17 juillet,
les travaux sont adjugés pour le prix de 855 livres 13 sols 9 deniers à un entrepreneur, Etienne
Bouffard. Le 12 septembre, un arrêt du Conseil d'Etat du Roi approuve ladite adjudication et fixe
les modalités du paiement du prix. Encore quelques mois et le 27 avril 1776, le sous-ingénieur
donnera à l'entrepreneur le certificat de réception des travaux.
Quelques détails ont pu être retenus dans le devis. Le logement du fournier comportait deux
pièces, une chambre basse et une chambre haute de 10 toises 1 pied 8 pouces de surface (19m2
environ), communiquant entre elles par un escalier de 15 marches. dans le fournil, il y avait deux
tables pour faire le pain. La voûte du four, qui était "minée et crevée à sa clef" en 1775, fut refaite
en entier.
Une des boulangeries qui se sont succédé à Angoulins au cours du XIXe siècle a peut-être hérité
du four banal. Je n'ai pu découvrir son emplacement exact, mais il est quelque peu
invraisemblable qu'un bâtiment si solidement restauré en 1775 n'ait point laissé de traces dans
une période assez récente ; quelques anciens pourront peut-être me renseigner à ce sujet.

par Jean Joguet


Avec le 114e congrès archéologique de France
Sous la haute présidence de M. Marcel Aubert, de l'Institut, quelque trois cent archéologues ou
passionnés d'archéologie ont visité, le lundi 28 mai, le château de Buzay à La Jarne et l'église
Saint-Pierre d'Angoulins/mer.
M. Erik Dahl présentait le premier monument. Vous en connaissez au moins l'extérieur tel qu'il
apparait dans son nid de verdure à l'extrémité de deux larges avenues. Pierre-Etienne Harouard
était lieutenant-général de l'Amirauté de La Rochelle lorsqu'il choisit ce coin de terre à la limite
du marais-gât pour y faire bâtir, vers 1760, sa maison de campagne, un véritable château qui
étonne le visiteur par ses lignes harmonieuses. Il pouvait bien se le permettre lui qui déclarait un
revenu annuel de 40000 livres -20 millions d'aujourd'hui- et jouissait probablement du double.
Mme la comtesse Guy de Montbron, une descendante, nous accueillit dans l'intérieur meublé
comme au XVIIIe siècle avec tapisseries, tableaux et objets de cette belle époque.
Puis ce fut dans un cortège impressionnant de voitures et de cars, l'acheminement vers Angoulins.
M. le Curé recevait les congressistes dans son église, et M. Jouven, architecte en chef des
Monuments historiques, faisait la présentation. Tout en déplorant la pauvreté de sa
documentation, il montra inscrites dans les murs les trois phases de sa construction : romane,
gothique, et contemporaine ; puis ce fut la dispersion alentour du monument pour admirer le
portail de la basse-église, les fortifications, les vestiges romans du mur sud... On ne peut que
déplorer en effet, avec M. Jouven, que l'église d'Angoulins ne soit pas mieux connue ou plutôt
qu'elle n'ait pas été suffisamment étudiée ; les notes qui paraissent dans une humble feuille
paroissiale mériteraient une plus large diffusion et une brochure serait, croyons-nous, bienvenue
parmi tous les amis des vieilles églises d'Aunis et de Saintonge.
Une maison ne se conçoit pas sans la famille qui l'habite, une église sans la communauté des
habitants qui la fréquentent. Si le château de Buzay est encore vivant grâce à la famille qui
entretient la tradition bien des parties de l'église d'Angoulins sont mortes et ne se conçoivent que
par l'histoire qui en contresigne les vestiges. Depuis le début du XIe siècle où surgit le cartulaire
de Bourgueil le nom de notre église, en passant par les années terribles de la Guerre de Cent Ans,
ce ne sont qu'obscurités, vicissitudes et ruines. A la fin du XVe siècle, une résurrection se produit
; en 1481, Sixte IV accorde à la demande de Raymond Perraud une bulle d'indulgence pour
favoriser sa reconstruction : Mathurin Fourestier, en 1490, teste en faveur du parachèvement de
l'édifice commencé ; au portail de la basse-église, entrée principale jusqu'au XVIIe siècle, sont
placées les armes de France et du Dauphin, aujourd'hui martelées. L'ancienne division en deux
nefs, l'une romane, l'autre gothique, nous la retrouvons dans ces plans de 1863 si bien que nous
pouvons imaginer l'intérieur de notre église avant l'effondrement des voûtes...
Le château de Buzay ne risque pas la dynamite grâce à la famille qui sait l'entretenir et le
préserver, mais l'église d'Angoulins ne peut échapper à la décrépitude que par la générosité de
tous ceux qu'intéresse le patrimoine artistique national et local. Les Monuments historiques ont
déjà beaucoup fait pour son embellissement, mais n'avez-vous pas remarqué que ce fut justement
dans la mesure de l'intérêt que nous lui portions ? Aide-toi, le Ciel et... l'Etat t'aideront !

par Jean Joguet


En 1247, on se plaignait déjà des fonctionnaires.
Avant de partir pour la Terre Sainte, saint Louis, animé d'un esprit de justice vraiment admirable,
institua des enquêteurs, religieux ou chevaliers, chargés de recvoir les doléances de tous ceux qui
auraient quelques réclamations à faire contre des fonctionnaires royaux. Les confiscations et les
violences qui avaient accompagné les conquêtes de Philippe-Auguste, de Louis VIII et les siennes
propres, ainsi que les actes souvent arbitraires des agents du pouvoir royal, baillis et sénéchaux,
avaient fait naître dans son âme des inquiétudes et des scrupules que seule une véritable
réparation pouvait apaiser.
On se plaignait dans la partie de l'Aunis qui nous intéresse, de Geoffroy Mauclerc, bailli de
Châtelaillon, puis de La Rochelle, et surtout d'Isoret d'Aitré,également bailli de ces deux villes.
Guillaume le Vieller et son frère Colin, paroissiens de Saint-Barthélémy de La Rochelle, se
plaignent de ce que Geoffroy, pendant la guerre de 1242, les a employés à garder la ville
d'Angoulins et la côte de Châtelaillon pendant 18 jours sans les rétribuer, leur causant un
préjudice de 15 deniers par jour.
Isoret d'Aitré, lui, s'empare violemment des revenus qu''un certain Benoît de Cahors possédait
aux environs d'Aytré et d'Angoulins ; le préjudice est de 20 livres et le prétexte invoqué par
Isoret, c'était que Benoit ne servait pas le Roi et que cet argent n'étaot au fond que de l'argent
réquisitionné. Thomas Lesurre, d'Angoulins, se fait extorquer 6 livres parcequ'il lève du sel de la
platère alors qu'il n'en avait aucune autorisation du bailli d'en avoir à cet endroit. Bartholomé du
Pressoir se plaint qu'Isoret ayant donné à son père Jean le droit de percevoir au péage d'Angoulins
la dîme des menus grains, lui retint 15 livres parcequ'il avait mal exercé son office, ce qui ne
pouvait être prouvé.
Ces doléances nous sembleront peut-être insignifiantes, mais tout paraissait grave aux yeux du
peuple et du Roi. On pourrait sans doute excuser les fonctionnaires par la dureté des temps et la
collaboration de bien des habitants avec l'Anglais. Mais la justice du Roi n'était-elle pas plus
politique ? Elle lui permit d'établir son pouvoir non par la force mais par l'amour.

par Jean Joguet


Angoulins en 1757
Il y a deux cents ans Angoulins plus que tout autre région de la France vivait dans l'incertitude de
la guerre, celle de Sept Ans. On se rappelle les gardes-côtes qui combattirent aux côtés de l'armée
régulière pour empêcher le débarquement anglais aux environs de Châtelaillon ; cependant, la
vie, celle de tous les jours, continuait, et le curé d'Angoulins, M. Toutant-Beauregard baptisait et
enresgistrait dans la communauté paroissiale 30 enfants dont 18 garçons.
Il serait trop long de relater tout ce que contiennent ces actes ; j'en tire ce qui me semble
caractéristique. Le 17 mai naissent des jumeaux, Jean et François Guiborel ; Jean meurt le 7 juin
et le 16 septembre c'est le tour de François. Le 19 juin c'est le baptême d'un sauvage prénommé
Denis, âgé de 11 ans et né au Canada ; il appartenait à M. de Maccarthy ; il ne survécut que neuf
jours et fut inhumé à Angoulins. Le 12 février, c'est le baptême de Jean-Prudent Merland, fils de
René Merland, l'instructeur de la jeunesse. Le 2 février, M. Toutant baptise Etienne Nadeau, fils
de Pierre, qui s'était marié le 20 novembre 1753 avec Marie Jollet ; ce Pierre Nadeau, laboureur,
était originaire de Lussas, en Périgord, et son fils Etienne devait épouser, le 12 janvier 1778,
Suzanne Giraudeau, d'Aytré.
Il y eut trois mariages, tous les trois dans les deux premiers mois de l'année. 21 personnes furent
inhumées en 1757, dont 12 enfants de moins de dix ans sur lesquels 6 n'avaient pas encore un an.
un seul, Luc Dezire, farinier de son état, atteint l'âge de 74 ans ; il fut enterré dans l'église à côté
de la grande porte à main droite. le 24 septembre on enterre le fils d'un tailleur de pierres chassé
de l'île d'Aix par les Anglais, Jean Métayer.

par Jean Joguet


Le banc seigneurial
Le 4 mars 1782, Jean-Aimé de la Coste, sénéchal, juge ordinaire civil et criminel de la châtellenie
d'Angoulins, était requis de se rendre à l'église paroissiale en compagnie du procureur fiscal de
ladite châtellenie et d'un greffier ; ils devaient au nom du nouveau seigneur prendre possession du
banc seigneurial et mentionner les armes qu'ils y trouveraient. Angoulins venait d'être démembré
de Châtelaillon dont les Longueville étaient apanagistes.
Henri-Léonard-Jean-Baptiste de Bertin -c'était le nouveau seigneur- comte et baron de
Bourdeilles, premier baron de Périgord, comte de Benon, premier baron d'Aunis, seigneur de
Brantôme, des maisons nobles autrefois de Périgueux actuellement de Bertin, l'Isle, Bellisle, le
Chadeuil, la chapelle-Gonnaguet, Aunesse, Laiguillac, Lacour, Thiviers, Narbonne, Marsenat,
Sauriers, Brauseilles, Les Essarts, Angoulins, Chatou, Montesson et autres lieux, était contrôleur
des Finances -ministre des Finances- et résidait ordinairement à Chatou, près Versailles. ses
armes étaient "d'argent à un sautoir de sinople engrêlé, cantonné de quatre mouchetures
d'hermines de sable". Il avait acquis la châtellenie d'Angoulins par arrêt du Conseil du 8 avril
1781 en échange de la concession au Roi de ses droits sur les moëres ou lagunes desséchées de
Dunkerque.
Le 4 mars 1782 Delacoste vint donc prendre possession des droits honorifiques dus à son
seigneur dans l'église d'Angoulins. Le curé Jacob-François Paris, l'assura "qu'il lui rendrait avec
plaisir tous les honneurs dus à cette qualité... et à l'instant ledit sieur curé nous a conduit dans le
coeur de son église où il nous a fait voir dans la partie gauche de ladite église entre l'autel de la
Vierge et la chaire, un banc adossé au mur ayant environ six pieds de long sur deux pieds et demi
de large, au dossier duquel banc est une queue ou rétable encadré et d'une structure plus ancienne
et plus travaillée que celle du banc et nous a dit que c'était là le banc qui avait toujours été
reconnu pour être le banc des seigneurs..."
Etant sorti de l'église - par la porte actuelle qui futpercée au XVIIIe siècle - le sénéchal constate
qu'audessus de l'ancienne et principale porte d'entrée - celle de la basse église - est "l'écusson des
armes de France et que sur les côtés sont deux écussons dont l'un est absolument détruit et l'autre
paraît être celui des armes de France écartelées de celles du Dauphin".
Henri-Léonard de Bertin ne devait pas jouir longtemps de sa seigneurie d'Angoulins ; en 1791, le
14 décembre, émigré à Aix-la-Chapelle, il cédait pour 10000 livres à son cousin Léonard-Alexis
de Bertin quelques terres et son droit de seigneur... Mais la Révolution était en marche et il n'y
eut plus de seigneurie à Angoulins.

par Jean Joguet


Ste Radegonde
Il ne faut point croire que l’assistance et la Sécurité Sociale soient une création de notre
XX°Siècle. Le moyen-âge connaissait déjà cette assistance aux malades dans les hôpitaux et plus
qu’aujourd’hui, le voyageur bénéficiait tout au long de la route de l’hospitalité des maisons
spécialisées dans l’hébergement. Il y aurait fort à dire sur le rôle de l’Eglise dans ce domaine et
ce n’est point notre sujet, mais à propos de quelques notes historiques, j’ai voulu retracer
l’histoire d’une maison hospitalière, celle d’Angoulins.
Le visiteur qui arrive à Angoulins par la route de La Rochelle est surpris par l’aspect d’un
bâtiment élancé qui lui rappelle, malgré les deux étables adjacentes, quelque chapelle
moyennâgeuse. Proche du cimetière actuel, au milieu d’un vaste enclos, cette construction se
remarque aisément. mais combien d’habitants d’Angoulins savent qu’il y avait là un prieuré et
une chapelle dépendant de l’antique maison hospitalière de Saint-Gilles de Surgères.
En 1009, le comte de Poitou fondait à Surgères un prieuré qui devenait à la fin du même siècle,
grâce aux libéralités de Guillaume IX, duc de Guyenne et comte de Poitou, la “maison
aulmosnière de Sainct Gilles”, un des hospices les plus importants et les mieux dotés de toute
l’Aquitaine. Ce furent sans doute les mêmes ducs qui , au XII° siècle, donnèrent au prieuré de
Surgères les biens qui devaient former le “membre” Sainte Radegonde d’Angoulins.
Angoulins, alors, était florissant ; les marais salants, la vigne... étaient en pleine prospérité depuis
le X° siècle. Châtelaillon marchait vers sa décadence et La Rochelle descendait tout juste des
hauteurs de Cougnes. Au carrefour de la route de Châtelaillon à La Rochelle et du grand chemin
saunier qui s’en allait vers Surgères, le prieuré Sainte Radegonde était bien placé pour remplir
son rôle d’hospitalité.
Ses origines sont bien obscures. Pourtant, dès la fin du XII° siècle, il y avait une chapelle. En
1246, le “grand feu de Sainte Raagon” est inscrit au Terrier du Grand fief d’Aulnis pour des cens
dus au frère de Saint Louis, Alphonse, comte de Poitiers. Dès le début, il y eut donc pour le
prieuré une attribution de bien et de revenus qui le rendit capable de subvenir aux besoins
pressants des voyageurs indigents.
Il aurait été vraiment intéressant de pouvoir dire comment l’hospitalité fut faite pendant ces
premiers siècles et au cours de la Guerre de Cent Ans ; malheureusement, rien n’a été écrit à ce
sujet et je ne puis romancer. Et pourtant, après ces cents années de misère, les maisons
hospitalières ne se relèvent pas ; elles semblent avoir perdu la notion de leur rôle bienfesant ; la
grande lumière du moyen-âge est éteinte et il faudra attendre le XVII°siècle pour retrouver, du
moins dans les villes, le grand élan de charité du à “monsieur Vincent”.
Cependant, le prieuré et la chapelle Sainte Radegonde subsistaient, n’ayant subi, au cours des
guerres, aucun dommage apparent. Le rôle hospitalier semble terminé ; c’est un prieuré composé
de deux chanoines séculiers qui administrent ses biens et parfois donne son aide au ministère
paroissial. plus de cinquante articles sont inscrits aux registres des biens immobiliers du prieuré :
marais salants, terres, vignes, maisons...
Même, les prieurs étaient riches : Mathurin Fourestier ;, Jehan Maulhi qui, en 1530, arrente une
maison et des terres à un clerc de la paroisse. Puis c’est la décadence en ce XVI° siècle où les
guerres civiles et religieuses font rage ; les prieurs ne résident plus et afferment les revenus de
leurs prieuré à des laïcs. En 1563, Thomas Socquet, prieur résidant à Puyraveau, afferme les
revenus de Sainte Radegonde à Jehan Cartault, procureur au présidial de La Rochelle.
En 1590, le prieuré tombait même entre les mains d’un laïc, François de Benac sieur de Clairac et
seigneur du “Gros Sainte-Radegonde d’Angoulins” ; iol afferme pour trois ans à Jehan Ladignac,
bourgeois de La Rochelle, les revenus soit “en le temple ou la chapelle, jardins, marais salants...”
pour une somme de 24 écus sol. payable le premier novembre de chaque année.
A Surgères, à cette même époque, une crise semblable entrainait la disparition des chanoines de
Saint-Gilles. Le 29 juillet 1600, Charles de Fonsèques, sire de Surgères, transfère la “maison
aulmonière” et toutes ses dépendances, aux Minimes de la province de Tours, fondés au XV°
siècle par saint François de Paule. Sous leur ferme administration, Sainte Radegonde d’Angoulins
reprend vie, mais ce n’est plus qu’une succursale jalouse de ses revenus et prérogatives ; le
temporel est bien administré, la juridiction s’exerce sur le fief seigneurial, mais comme le fait
remarquer la visite pastorale du 10 août 1631, dans la chapelle, il n’est fait aucun service.
Décadence qui n’a fait que s’accentuer jusqu’au jour où les demoiselles Personnat ont permis,
pendant que l’église paroissiale se voûtait, à Jésus de redescendre quelques fois dans ses murs.

Examinons à présent ces murs en question, cet intérieur si bien conservé et nous formerons le
voeu que l’antique chapelle Sainte Radegonde se dresse très longtemps sous nos yeux :

En 1796, la chapelle était vendue comme bien national au citoyen Jean Laurent, maître de barque
à La Rochelle, pour 1361 francs. Somme dérisoire, alors que l franc-assignat perdait chaque jour
de sa valeur. Mais à quoi pouvait-elle s ervir cette chapelle ? Hangar ou chai comme le propose
l’expert dans son procès verbal. Jean Laurent était d’ailleurs propriétaire des terres environnantes
et avait la servitude d’entretenir un chemin de trois pieds pour y accéder.
“ Ancienne chapelle de neuf toises de long de d’hors en d’hors, quatre toises de large idem ; en
dedant, sept toises trois pieds de long, et deux toises cinq pieds six pouces de large, ce qui donne
environ trois pied trois pouces d’épaisseur de mur. ayant en outre douze piliers de renfort en
d’hors sur toutes les façades de dix-huit pouces d’épaisseur et de trente pouces de large revêtu en
pierre de taille de marée. Laditte chapelle voutée en petits moellons taillés, ayant du pavé de
laditte chapelle à la clef de voûte de vingt-neuf à trente pieds de hauteur ; le tout couvert de
tuiles. L’élévation en d’hors, de vingt-quatre pieds d’élévation au carré, et nous estimons qu’elle
doit avoir six pied de terrain tout autour ; le tout bâti à chaux et sable, surmonté d’un petit
campagnaud sans cloche ; partie des murs dégradés et sur la couverture un grand quart des tuiles
cassées...”
En 1796, la situation n’est point brillante, mais cela devait durer depuis longtemps. Par la suite
cette construction fut déparée par l’adjonction de deux étables sur ses côtés ; aussi, comme elle
nous semble lourde aujourd’hui, cette chapelle Sainte Radegonde, pauvre oiseau rivé à terre par
deux ailes dont elles n’a jamais voulues. Et puis ce petit campagnaud qui est tombé.
Malgré tout, l’extérieur est encore remarquable. Je m’excuses d’employer des termes techniques
mais comment décrire... il faut voir. La façade, épaulé par deux contreforts, est percée d’un
portail en arc brisé ; un cordon d’étoiles entoure la voussure. Sous le pignon, il y avait une fenêtre
longue ; il n’en reste qu’une petite ouverture sous le plein cintre et une grande fenêtre élargie à la
base. Les murs latéraux sont renforcés par huit contreforts surmontés d’une corniche posées sur
trente-six modillons en cavet. Le chevet, droit, est épaulé par deux contreforts et percé d’une
longue fenêtre plus large que celle de la façade dont ne subsistent que deux ouvertures sous l’arc
et la base. Tous les contreforts se terminent par deux légères retraites ; l’appareil des murs est
moyen.
Cet extérieur, tout le monde peut le voir, mais que dire de l’intérieur, qui semble tout aussi
remarquable malgré la division en deux étages par un plancher ! J’ai eu la faveur de le visiter et
j’en suis reconnaissant. Près du chevet à droite, sont juxtaposées deux niches servant de
crédences ; elles sont moulurées de roses et autres ornements dégradés; non loin, une porte en arc
brisé s’ouvre vers l’extérieur. Deux fenêtres ébrasées qui n’ont sans doute jamais été
complètement ouvertes, se remarquent sur les murs latéraux. La voûte en petit moellons est un
cintre brisé, supporté par une imposte. L’appareil est moyen en pierres fossilifères assez
grossièrement taillées et revêtues de plâtre ; on y remarque par endroits de faux joints dessinés
d’un trait brunâtre.
Ce ne serait pas médire des autres édifices, et notamment l’église paroissiale, que de réserver une
place de choix pour la chapelle Sainte Radegonde dans l’Echo.
Ce fut au moyen âge l’église des pélerins : ne sommes nous pas tous des pélerins, pauvres
voyageurs sur cette terre ? Que Sainte Radegonde nous guide vers notre patrie céleste.

par Jean Joguet


Les chapelles de Saint-Jean-du-Sable et de Sainte-
Catherine-les Moulins-Neufs
Des quatre chapelles qui existaient à Angoulins, celle de Saint-Jean-du-Sable, dépendante de
l'abbaye de Saint-Jean-d'Angély et celle de Sainte-Catherine-les Moulins-Neufs, dépendante de
l'abbaye de Fontdouce sont très peu connues malgré l'origine merveilleuse de la première. A la fin
du XVIIe siècle, elles étaient abandonnées de leurs abbayes et en ruines.
Mais elle avaient encore quelques revenus, suffisamment pour que René Lorès, curé d'Angoulins,
demandât au Pape d'en être pourvu afin de mieux subsister, ce qui lui fut accordé. donc le 1er
juillet 1682, par devant Messire Decomps, curé d'Aytré et notaire apostolique, en présence de B.
Mariocheau, de J. Thomas, de la Compagnie de Jésus, et de frère Anasthase Rillot, Augustin, on
se réunit devant la porte de l'église d'Angoulins où ledit Lorès "a faict aspersion d'eau béniste,
sonné la cloche, prié à genoux devant le grand autel, baisé le missel, leu quelques oraisons après
l'avoir ouvert et fait tout autre acte de vray et légitime possesseur..." Puis "nous serions tous
transportés dans une vieille chapelle dédiée à saint Jean et vulgairement appelée Saint-Jean-du-
Sable où ledit sieur Lorès y auroit entré, remué des pierres pour en prendre possession, tout
lequel a faict en nostre présence..."
J'ignore où se trouvait exactement la chapelle Sainte-Catherine-les Moulins-Neufs. M. Lorès ne
s'y rend pas pour en prendre possession ; on ignorait peut-être déjà son emplacement et le
souvenir en était resté par quelques cens dûs au prieur. Cependant parmi les petits ports qui
jalonnaient la côte de l'Aunis, deux, situés entre le Coi-de-Chaux et le Chenau-Neuf portent les
noms de Moulins-Neufs et de Sainte-Catherine, ce qui placerait la chapelle non loin du Pont de la
Pierre, tout près de la mer. Cet endroit était idéal pour les moulins puisqu'en 1467, Jehan de
Donnes passe un marché avec le charpentier Simon Millon pour la construction d'un moulin à
vent soit à la Moulinate, aux Moulins-Neufs, à Vinaigre ou à Saint-Jean-du-Sable.
Sainte-Catherine-les Moulins-Neufs, quel dommage qu'un si beau nom ait disparu ! Saint-Jean-
du-Sable ne subsiste que dans un village avec une appellation déformée par l'Etat-Major. A la fin
du XVIIe, le curé d'Angoulins se plaignait du "prévail ou frairie" qu'on y donnait le 24 juin, sans
doute autour d'un immense feu de Saint-Jean ; une tradition qui s'est perdue ! Ne serait-il pas
possible de la renouer, sur la plage au bord de la mer, tout près de ce "coi" qui vit arriver, au IXe
siècle, trois moines portant le chef vénéré de saint Jean-Baptiste.

par Jean Joguet


Les cahiers de doléances
Le 26 février 1789, il y a eut à Angoulins, comme dans toutes les paroisses de France, une
réunion des habitants en vue de présenter leurs doléances et d’élire des représentants de
l’assemblée du Tiers Etat de La Rochelle ; celle-ci, à son tour, devait condenser ses doléances
dans un cahier unique et choisir ses députés aux Etats Généraux de Versailles. Doléances,
plaintes, remontrances, telles sont les idées directrices qui ont présicé la rédaction de ces cahiers
où tous les sujets de revendications sont successivement examinés : administration, justice,
impôts, chasse et pêche, pigeons, commerce, etc...
Il y avait bien longtemps qu’il n’y avait eut d’Etat Généraux... En principe, ils devaient être
réunis par le roi à chaque fois qu’un changement de politique devenait nécessaire. Mais ceux de
1610 s’étaient si ridiculement terminés qu’ils avaient dégouté à tout jamais le pouvoir absolu par
leurs criailleries partisanes.
En 1789, les conditions n’étaient plus les mêmes et il n’est pas besoin de rappeler ce que tout
enfant peut lire dans son cours d’histoire de France ; mais je voudrais rappeler que les habitants
d’Angoulins ont eux-mêmes participé à ces préludes de la Révolution française.
Ce furent des bourgeois qui rédigèrent en quatorze pages, le cahier des doléances de la paroisse :
De La Coste, un juge sénéchal, Seignette, un bourgeois négociant, membre de l’Académie de La
Rochelle, et d’autres qui signèrent pour la forme. Angoulins, était en ce moment, et plus peut-être
qu’aujourd’hui, dans la banlieue ; de nos jours il y a exode de travailleurs rochelais, tandis
qu’avant 1789, il y avait prise de possession des terres par les grandes familles.
Ces bourgeois n’aimaient point la noblesse, mais ils ne valaine pas mieux que les anciens
seigneurs et ne se génaient pas pour pressurer le menu peuple de fermier et de sauniers. Leur
influence date surtout de la Réforme, du moins à Angoulins ; au XVIII°S, l’accroissement de
leurs richesses, dû au traffics coloniaux et à la traite des nègres leur permit facilement d’acquérir
des terres et mêmes des droits seigneuriaux.
Ces bouregois, des philosophes, font leurs premiers pads dans la démocratie ; dans une dizaine
d’années, en l’an VIII, Seignette, l’un des signataires du cahier de 1789, présentera pour sa
commune, au sous-préfet de La Rochelle, des revendications plus réalistes. Pour l’instant, ils
semblent illuminés par cette faveur royale de dire enfin ce qu’ils pensent, et ils s’embrouillent
dans des considérations générales, mais puisque ceux sont eux qui forment le peuple, tout doit
retourner vers leur bien-être et celui de la “grand‘ville”. Vraiment, ce cahier d’Angoulins me
déçoit, comparé à d’autres d’Aunis ; mais ailleurs y avait-il autant de bourgeois illuminés ?
Cette introduction était nécessaire pour comprendre les larges extraits du cahier de doléances que
je vais donner. 1789 est pour l’histoire d’Angoulins, un tournant qui compte.
<< AU ROI,
Portés aux pieds d’un monarque, Père de ses peuples, qui cherche la vérité et la justice, notre
reconnaissance, notre fidélité surtout l’assurance d’une confiance sans limites dans l’auguste
assemblée dont ce Roi bien faisant << veut être l’ami et le conseil >>. Saisir avec éclair le
premier éclat du bonheur, ne pas perdre de vue que Louis XVI a pris en main un spectre de fer
qu’il pouvait trouver cent mille complices prêts à exécuter ses volontés arbitraires et qu’il lui a
fallu tout son discernement pour rassembler autour de lui quelques hommes vertueux afin
d’éclairer et seconder ses bonnes intentions, lui procurer le seul bien qu’il pu ambitionner, le
bonheur public, son auguste épouse, le premier prince de son sang sont aussi les amis de la
justice, ils jouiront du bien qu’ils veulent faire. >>
Après cette introduction grandiloquente de fidélité et d’attachement au Roi, les auteurs du cahier
présentent leurs doléances sur l’Administration :
<< Supplier le roi d’employer tout les moyens de dévoiler les hommes avides et concutionnaires,
recevoir les plaintes, les faire vérifier, examiner par des personnes choisies et désintéressées,
punir le calomniateur décidé, protéger le dénonciateur qui ne veut que le bien de la société...>>
Puis ils demandent pour la province :
<< des états particuliers qui puissent s’occuper de l’amélioration locales... >>.
<< Les frais de régie de cette administration doivent s’opérer à La Rochelle à beaucoup moins de
frais que partout ailleurs, la ville est peuplée de personnes riches qui ne demanderaient pas mieux
que d’avoir un état et de servir leur province avec désintéressement et si contre toute attention ils
étaient capables de cupidité, il est prouvé que c’est dans les places de commerce que l’on tire le
meilleur parti du numérique puisque les receveurs actuels de Saintes et autres y font verser leur
argent pour l’employer en papier à leur profit... >>
Suivent des considérations générales sur les ports et les objets << qui doivent porter à la charge
de la grande administration >> - la centrale - << si cela était réservé aux provinces, l’économie
rendrait tout mesquin et nuisible à la tranquillité générale... S’il est enfin question d’améliorations
particulières pour la Saintonge, fussent-elles mêmes contraires aux habitants d’Aunis, la majorité
des voix les obligeraient de y acquiescer, serait-il proposé quelques dépenses pour notre province,
la minorité des voix rendrait nos projets infructueux, cette communauté serait on ne peut plus
nuisible à nos intérêts.>>
C’est le tour des impositions : << Un seul et unique impôt, une juste et égale répartition anéantit
tout arbitraire, tout privilège... les êtres intermédiaires qui augmentent les frottements de la
Machine, détruisent tout sans rien créer, ne doivent plus subsister, chaques provinces doivent
avoir leurs receveurs particuliers qui verseront au Trésor Royal. Il faut de bonne heure les
accoutumer à des rétributions médiocres ; les agents publics qui reçoivent du pauvre comme du
riche ne doivent pas donner l’exemple du luxe et de la prodigalité... Détruire les Gabelles... qui
obstruent le commerce, entretiennent une guerre intestine, peuplent les galères, coûtent au peuple
deux fois plus qu’elles ne rapportent tant par les frais de perception que par particuliers qu’en
retire l’armée oppressive de cette Machine infernale... mais comme il porte plus sur le riche s’il
faut qu’il subsiste, des lois publiques simples et bien connues, toujours placées à côté de la
perception.>>
Après avoir traiter de l’administration et des impositions, les auteurs des Cahiers abordent un
sujet épineux, celui de la Justice :
<< La justice n’est utile que pour conserver les propriétés et maintenir l’ordre. Si l’état des
chsose est trop lucratif, tant pour les chefs que pour les adhérents, elle dégénère en abus, entretien
plus qu’elle ne détruit les discussions qui sont un des fléaux les plus cruels et qui pèsent le plus
sur la Société...>>
Ils réclament << des lois criminelles qui donnent l’exmeple de l’humanité... une réforme des lois
civiles, un code national, clair, précis, à la portée de tout le monde, qui détruise les abus
pernicieux qu’entraînent avec lui ces interpréations des lois qui souvent embrouillent plus
qu’elles n’éclairent... Les juges toujours choisi parmi les hommes les plus indépendants, il serait
à désireux qu’ils n’eussent aucunes propriétés et qu’ils fussent obliger de placer tous leurs
capitaux au Trésor Public pour l’avoir en rente sur la Nation...>>

L‘AGRICULTURE :
<< C’est aussi le cas de répéter que la suppression des gabelles fera fleurir nos salines, celle du
tabac ouvrira une nouvelle branche à la culture, celle des aides perfectionnera la fabrication de
nos vins et nous mettra de niveau dans tous les marchés de l’Europe... Notre Province est plus
cultivée que jamais et malgré que les paturages ne soient pas abondants, la bonté du sol les
multiplie , il pourrait se faire encore beaucoup d’élèves, et il serait juste qu’elle partagea tous les
encouragements que le Roi donne pour augmenter et perfectionner l’éducation des chevaux? Une
foire de bétail trois fois par an aux portes de La Rochelle serait un spectacle d’encouragement
pour les habitants propriétaires... C’est à la campagne où l’aisance est la plus resserée, les
moindres accidents font des malheureux sans pain. Le dernier hiver a présenté le spectacle le plus
affligeant ; c’est une classe qu’il faut protéger et prémunir contre le découragement de la misère
et les secourir par le travail, semer, entrtenir les principes d’honnêteté et de loyauté, les éclairer,
ne les point tromper, jamais n’indiquer un précepte sans le pratiquer, les intéresser au bien pour
l’amour propre, tout homme convaincu publiquement d’une mauvaise action exclu de toutes
délibérations patroissiales, punir avec sévérité ses propriétaires de fief qui abusent des faveurs
accordées dans le principe à des seigneurs honnêtes, effraient, tyrannisent, persécutent leurs
tenanciers soustraient et tronquent leurs titres ; à quoi ils seraient moins exposés s’ils savaient lire
et écrire...>>

L’ECOLE :

C’est la partie la plus intéressante pour l’histoire sociale de la paroisse : l’école qui, dans
l’esprit des rédacteurs des cahiers, permettrait d’affranchir la classe paysanne de la servitude ;
idée qui a suivi son cours depuis lors, mais dont il ne faut pas exagérer l’importance. Bien avant
1789, il y eut à Angoulins, des maîtres d’école, et la proportion des illettrés n’y était pas plus
forte qu’ailleurs.
Pour cela, un maître d’école dans chaque paroisse serait utile ; il pourrait être entretenu dans
notre banlieue, par un retour d’équité, sans être à la charge, au peuple, ni au Roi. En 1380 par
transaction faite sous l’autorité de Charles Martel et de la bulle de Clément sept, les évêques de
ce diocèse jouissaient du centain à la charge d’entretenir les curés. En 1681, le Clergé tout
puissant obtint au parlement, dans la personne de Mgr Laval, évêque, de percevoir le centain... ne
serait-il pas juste de le restituer aux paroisses pour le consacrer au fixe d’un maître d’école et
d’un chirurgien...
Nos campagnes seraient la pépinière fertile de la population s’il l’on pouvait trouver quelques
moyens de veiller à la conservation des enfants depuis leur naissance jusqu’à six ans. Il est
étonnant le nombre qui périt par la misère et le défaut de soins, il est très ordinaire de voir des
mères de famille n’avaoir qu’un enfant après en avoir mis douze ou quinze au monde.
Quelques données démographiques confirment le bienfondé des doléances des angoulinois : sur
240 naissances, il y a plus de 100 enfants qui meurent avant d’avoir atteint l’âge de cinq ans. Il y
eut sans doute quelques progrès réalisés, après 1750, dans la lutte contre les maladies infantiles ;
Angoulins eut sa part dans les heureux résultats des cours d’accouchement de La Rochelle.
Malgré tout les doléances de 1789 n’avaient rien d’exagéré.

LA MILICE :

Supplier le Roi de supprimer toute espèce de milice, en ajoutant bien peu de choses au frais
quelles entrainent, on se procurerait une même quantité d’hommes de bonnes volontés et l’on ne
jetterait pas le deuil et la désolation dans les familles, cela détruirait cette empreinte d’esclavage,
pire que celui d’Afrique ; les hommes de nos côtes, choisis de préférence pour les milices de mer,
sont peut-être les moins propres à cet état, car il ont tous une grande accrétée dans le sang et
beaucoup de disposition à sa dissolution, le chagrin les rend nonchalants, le scorbut s’en empare
et ce sont des hommes perdus...

LE COMMERCE

<< C’est la culture qui a créé le commerce, c’est le commerce qui vivifie l’agriculture, sur ses
rapports, tout ce qui l’intéresse nous intéresse, on rencontre dans cette classe de la société des
hommes bien précieuse et honnête. Mais c’est celle de toutes où la bonne foi et la réputation est
la plus nécessaire... Pour celà nous désirerions que le commerce fut... dégagé de toutes les
entraves de la fiscalité, puni, déshonnoré le fraudeur... Les courtiers nous paraissaent diminuer la
concurrence des acheteurs, ils font perdre au cultivateur l’avantage de toutes les grandes
révolutions, augmente le mal de l’abondance par les difficultés de débouchés, mettent à
contribution toutes les parties sans rien créer... C’est ainsi l’unique ressource des agioteurs jeu
d’hasard si cruel et si pernicieux aux spéculations sages et médiocres, facilitent aux grandes
maisons l’accaparement des affaires... L’anéantissement des privilèges fixera à la campagne la
retraite de nos riches commerçants qui y porteront des moyens et des améliorations. Le
commerce conservera les hommes fortunés et à talent que les circonstances faisaient gémir et
décidaient à parcourir une autre carrière pour eux et leurs enfants...
Les auteurs des cahiers passent à d’autres sujets qui se retrouvent d’ailleurs dans toutes les
doléances de la France en 1789 : la lettre de cachet (il faudrait tout une page pour en parler et
même réformer certaines idées ) la chasse et les pigeons ( pensez aux ravages qu’ils faisaient aux
récoltes , c’était un droit seigneurial ) la corvée ( qui entretient les grandes routes ? Celui qui ne
s’en sert jamais...)

LES DEPUTES

C’est ici qu’il est essentiel de jeter les yeux sur les hommes les plus honnêtes, les plus
indépendants, les plus isolés, connus par quelques grand trait à qui on ait pas une faute à
reprocher, fut-elle involontaire... ce n’est pas un orateur, un grand génie, qu’il nous faut, s’il ne
réunit pas toutes ces qualités, c’est une belle âme qui nous est nécessaire ; l’auguste assemblée
dont-ils seront membres indiquera tous les moyens, il ne faut que choisir et saisir, souvent celui
qui propose le moinsest celui qui voit le mieux...
Avec de tels députés que seront les Etats Généraux ?
Etablissement tutélaire... où nos députés doivent employer toute l’honnêteté, tous les égards pour
se concilier l’affection du Clergé, de la Noblesse, adhérer à tout ce qu’ils proposeront de
lumineux et d’équitable, leur persuader que l’abandon volontaire de leurs prérogatives pécunières
augmentera leur considération et notre reconnaissance...
Nous faisons des voeux pour la conservation du meilleurs des Rois et de son Auguste Epouse.

Fait et arrêté dans l’assemblée tenue le 26 février 1789.

Signé :
DelaCoste, juge sénéchal de la chatellenie d’Angoulins ; F. Guerry, syndic ; E.-L. Seignette ;
Jean Largeau ; P.-L. Branche ; Véron ; Jacques Bonneaud ; Gaillard ; René Bouteillié ; Bouet ;
Brochet ; P. Penard ; P. Albert ; Poniard ;
Les élections municipales de 1831
Dans l'histoire d'une commune les élections municipales de l'année 1831 méritent spécialement
d'être étudiées, car c'est une des premières manifestation de la vie d'une commune. Il n'y a pas
encore de suffrage universel mais ce sont les plus imposés qui votent : leur nombre est
proportionnel à la population. Ainsi Angoulins qui a 750 habitants possède 80 électeurs. Certains,
comme Green de Saint-Marsault, de Montbron n'y habitent pas mais y étant imposés ont droit de
suffrage et même d'éligibilité ; ils ne viennent d'ailleurs point voter et si parfois leur popularité en
fait des élus en plusieurs endroits, ils ne peuvent que choisir car le cumul est interdit.
La liste électorale pour Angoulins en 1831 comprend donc 80 noms depuis le notaire Pierre
Michelin qui paye 643 francs 14 c. d'impôts jusqu'à François Verron, propriétaire, qui n'en paye
que 15, et les officiers de la Garde nationale qui ne sont assujettis à aucun cens. Dix-huit
seulement des électeurs payent plus de 100 francs et encore n'habitent-ils pas tous à Angoulins
mais y font exploiter leurs terres. Quarante-neuf payent au-dessous de 50 francs, ce sont des
sauniers, des marins, des aubergistes, des pêcheurs et de petits propriétaires. Trois meuniers(plus
de 100 francs) sont à l'aise ainsi que le boucher (70 francs), mais le boulanger ne paye que 27
francs.
Ainsi "le onze septembre 1831 sur les dix heures du matin, les électeurs communaux de la
commune d'Angoulins réunis dans la salle de la Mairie en vertu de l'arrêté de M. le Préfet en dat
du 30 août présente année... Ouverture du 1er scrutin à onze heures précises. A cette heure a
commencé l'appel des électeurs qui, en remettant leur vote, ont prêté individuellement et à haute
voix le serment prescrit par la loi du 31 août 1830 et ainsi conçu : Je jure fidélité au Roi des
Français, obéissance à la Charte constitutionnelle et aux lois du Royaume.
Après l'appel et le réappel et le vote des électeurs présents, le scrutin étant resté ouvert jusqu'à
deux heures et demi et ne se présentant plus personne ; le Président a déclaré le scrutin fermé et a
fait constater le nombre des votants au moyen de la feuille d'inscription qui a donné pour résultat
49 votants, nombre égal à celui des bulletins déposés. d'après quoi il a fait connaître que la
majorité nécessaire pour être élu était de 25 et a procédé immédiatement au dépouillement, deux
des scrutateurs et le secrétaire en tenant note sous sa dictée. Le dépouillement terminé, chacun
des scrutateurs et le secrétaire ayant fait séparément leur travail se sont trouvés d'accord dans leur
résultat, qui est celui qui suit, savoir : MM. Dodet Raymond, 43 voix ; Michelin Pierre, 43 ;
Charpentier Jean, 42 ; Massé Pierre-Auguste, 41 ; Chabot Louis, 38 ; Marmet Pierre, 35 ; Ragody
Pierre, 34 ; Personnat Claude-François, 32 ; Guenier aîné Pierre, 28... M. le Président a alors
proclamé les neuf premiers noms comme étant ceux seuls qui avaient obtenu la majorité voulue.
Aussitôt après et à trois heures et un quart le Président a déclaré qu'un second scrutin était ouvert
pour nommer les trois conseillers qui doivent compléter le nombre ; il a ajouté que pour ce
second tour la majorité des votants n'était point exigée mais que la majorité relative suffisait.
Comme au premier tour de scrutin, le Président a fait l'appel et le réappel des électeurs et a
attendu jusqu'à 6 heures et un quart, heure à laquelle personne ne se présentant plus, il a déclaré
le scrutin fermé. Le nombre des votants, d'après l'état, étant de 34... il a donné pour résultat savoir
: MM. Cardinaud-Véron, 26 voix ; Bouet Louis, 18 ; Girard Jean, 14... Fait et clos sur les sept
heures du soir et signé séance tenante : Marmet, Ragody, Beulet, Guillaumet, Personnat aîné
secrétaire, le maire Massé."
Un mois après, sur présentation de deux listes de trois noms par le Conseil municipal, le Préfet
choisissait les maire et adjoint. Ce furent Pierre-Auguste Massé, né le 8 août 1774, et Pierre
Ragody, né en 1760, qui en acceptèrent les charges.
Si Angoulins m'était conté...
La petite histoire d'une paroisse plaît à tous. Celle d'Angoulins, par sa richesse particulière,
dépassera certainement les limites et captivera bien des lecteurs en Aunis, et peut-être même au
delà ; un docte professeur de Bordeaux ne voyait-il pas à Angoulins les points de départ et
d'aboutissemnt de routes commerciales dans le haut moyen âge ?
Cette histoire va revivre chaque mois, à partir de fevrier, pour les lecteurs du bulletin paroissial,
sous le titre : Echos du bon vieux temps. Qu'on n'y cherche pas une histoire suivie, mais des
notes, des échos, jalons nécessaires à une synthèse : les origines civiles et religieuses, l'église, le
commerce du sel et du vin, les routes, les lieux-dits, les grandes demeures, les seigneurs, les
familles... Quelques figures attachantes seront évoquées : Mathurin Fourestier, prieur de Sainte-
Radegonde ; Davoine, un curé "pas ordinaire" qui mourut à cheval, emporté par un ouragan ; et
ce curé de 1782 qui défendait les "serfs" de l'époque contre les prétentions d'un seigneur... Et les
Seignette... et les Disnel, anc^tres présumés de Walt Disney... Et tant d'autres choses
passionnantes que vous voudrez lire...
Vos enfants et petits-enfants vous sauront gré, plus tard, d'avoir recueilli et conservé des lectures
si attrayantes. Savez-vous qu'aujourd'hui on recherche à prix d'or les vieux bulletins qui relatent
l'histoire d'une paroisse ? Les 200 francs par an, les 15 francs par mois, sont vraiment un bon
placement pour l'avenir et pour le présent une source de joie intellectuelle et spirituelle.

par Jean Joguet


Jean Levesque
En ce vingt-sixième jour de juillet 1593, il y avait foule devant la porte de l’église d’Angoulins.
M Combauld, notaire à La Rochelle, était venu enregistrer la prise de possession par un nouveau
curé ; il y avait aussi Louys Pelletier et Bertrand Martin, fabricqueurs de ladite église, et bon
nombre de manants et habitants dont je vous tairai le nom car la plume d’oie du nclerc grince et
sur le papier ce ne sont que gribouillis et lettres entremêlées.
<<Voici que comparait en personne vénérable et discrette homme Jehan Lévesque prebtre lequel
parlant à toute l’assemblée leur a dit et remonstré qu’il a pleut à Révérend Père en Dieu Monsieur
l’Evesque de Xaintes le recevoir et admettre curé de ladite églize dudit St Pierre d’Angoulins... Il
exhibe ses lettres de provision datées du 19 juin 1592, signées Amelot, notaire apostolique, et
scellées de cire rouge ; il déclare que son intentyon estoit de prandre et appréhander la
possession et saizine réelle et actuelle de ladite cure de St Pierre d’Angoulins, fruictz, proficts,
revenus et émoluments d’icelle en vertu desdites lettres...
>> Voulant entrer en l’églize et temple dudit lieu a trouvé la porte et entrée d’icelle fermée à clef
pour le temps présent des guerres sans que aulcun luy en aye voulu faire ouverture quelque
sommation qu’il en aye fait faire, à cause de quoy il a, touché la porte et serrure de ladite églize
en signe de vraye possession... Puis avec toute l’assistance, il aesté en une place et mazure qui a
esté la maison presbitéralle et jardain de ladite cure... Il a pris possession de tout ce qui pouvait
appartenir à la cure : terrages, marrais sallans, et non sallants... Ledit vénérable est allé venu, beu
et mangé, faict du feu ; et de là est allé venu de ladite place à ladite églize et temple dudit lieu,
heurté à la porte d’icelle...>>
Telle fut en 1593 l’installation du curé Levesque Sut-il par la suite onbtenir les bonnes grâces de
ses paroissiens ? Je ne sais mais les temps étaient rudes on en avait assez de ces curés qui ne
résidaient point alors qu’Angoulins et son église fortifiée excitaient les convoitises des réformés
de La Rochelle.

par Jean Joguet


Les gardes cotes 1681
L'Ordonnance de la Marine d'août 1681 avait organisé les garde-côtes. Au sommet, il y avait le
régiment ; celui de Châtelaillon qui nous intéresse était composé de deux bataillons groupant 26
compagnies. le baron de Châtelaillon, commandant, avait sous ses ordres, en 1696, 140 officiers
et sous-officiers, 26 tambours et 1168 soldats. Tous les ans vers le 1er mai, on s'assemblait dans
la plaine de Châtelaillon pour la revue générale des armes et munitions, une demie-livre de
poudre et deux livres de balles ; les défaillants étaient condamnés à payer 30 sols d'amende au
"clerq du guet".
Angoulins, une de ces 26 milices, possédait en 1696, 51 soldats commandés par 11 officiers et
sous-officiers ; à la revue il y eut 9 défaillants. En voici, tel qu'il est conservé dans l'amirauté de
La Rochelle le rôle :
Capitaine : Louis Bareault
Lieutenant : Jean Dobigon
Enseigne : Jean Cardinaud
sergents : Michel besson, Pierre Besson, Charles Maillou
Caporaux : Jacques Bourasseau, Pierre Jousseume
enpessades : André Gorry, Michel Besson le jeune, Etienne Bodichon
soldats : François Cardinaud, Jean Besson, François Sicard, Maincent Mirembault, Pierre
Courtin, Michel Gaine, François Sabiron, François Suire, Jean Serpiers, Jean Vineau, Toussaint
Bodin, François Jousseaume, Jean Descluzeau l'ainé, François Labrousse, André Garreaud, Louis
Fouché, André Brochet, Jacques Daguein, Pierre Gory, Jacques Bouteiller, François Paquers,
Jacques Sauzeault, Jean Marchive, jean Laidet, Louis Charre, Pierre Oclerc, Jean Chauvet,
François Sauzeault, Jean Brisson, François Oclerc, Jean Caron, Jacques Mestereault, jean
Rousselot, Jean Sicart, Pierre Chiasson, Germain Rousselot, Jean Siprès, Michel Espardeaux,
Jacques Thibault, Pierre Pochon, Léonard Babeault, Pierre Brochet, Jean Trouvé, Jacques
Labrousse, Jean Dechizeau, Jean Gareault, Pierre Roure, Louis Senet, Pierre Servent, Jacques
Cartier l'aîné, Jacques Cartier le jeune, François Brisson, François Roux, François Bry, Louis
Masson, Charles Chiasson, René Foucault, Jacques Pommier, Pierre Raclaud, Pierre Siprès. Je
vous fais grâce cette fois de la "milice du guet" de 1736, ce sera pour le mois prochain. Vous
verrez comme en 40 ans la population d'Angoulins change ; car l'intérêt de ces états réside surtout
en ce qu'ils nous donnent une idée de la population active, tout comme aujourd'hui les listes
électorales, puisqu'autrefois il n'y avait point de recensement quinquennal.

Les gardes cotes 1736


En 1736, il y avait à Angoulins, 67 gardes-côtes officiers et soldats, et 10 exemptés ou invalides.
Voici leurs noms :
Capitaine : Michel Peletié
Second : Mallac
Enseigne : Chauvet
Sergents : Jean Chauvet, Jean Besson
Caporaux : Jean et Louis Gaillard, Pierre Siprès, Louis Boutelié
Tambour : Jean Carron
Soldats : Pierre Besson, Etienne Pinet, Laurent Péroche, André Gaury, René Senet, François
Gilbert, Nicolas Bertain, René Siprès, Jacques Mounier, Louis Charpentier, André Besson, Jean
Daubijon, Simon Brisson, Jacques Pillier, Jacques Gilbert fils, Jean Rabi, François Bonneau,
Pierre Bachereau, Louis Senet, Pierre Beignon, François Daguain, Jean Vret, Jean Roussié,
Charles Gaillard, Jacques Véron, Jacques Renault, Pierre Roy, Jacques Gilbert père, Vincent
Ancelain, Jacques Goichon, Etienne Macouillard, Daniel Blanchet, Jacques Gouin, François
Trudet, André Richard, Louis Morin, Pierre Marcou, François Brochet, Jacques Péraud, Antoine
Chauveau, Jean Caron, Jean Mounié, André Brochet, Jean Texier, Isaac Gilbert, Jacques Brisson,
Simon de la Garde, Mathurin Chesne, Jean Challat, Jacques Carré, Laurent Jollé, Etienne Carré,
Joseph Sallé
Invalides ou exempts : Jean Delavois, Pierre Raclaud, Michel Cardineau, Jacques Cartié, Jean
Bouet, Jean Raclaud, Alexandre Suire, Thomas Carré, Jean Pénard, Laurent Rambeau.

A la mort de Louis XIV, le service était négligé et une réorganisation s'imposait ; ce qui fut fait
par l'ordonnance du 5 juin 1757. Les milices comprennent tous les habitants mâles qui ne sont
pas inscrits maritimes âgés de 16 à 60 ans ; en sont dispensés les charpentiers de navires, les
calfats, les syndics de paroisses et les collecteurs d'impôts. Comme dans l'armée, la discipline est
sévère, prison pour des pécadilles, galères ou mort pour les fautes plus graves. les miliciens ne
perçoivent aucune solde ; par contre, suprême honneur, les tambours sont habillés de la petite
livrée du Roi et battent l'ordonnance comme dans l'infanterie française.
La conduite héroïque des gardes-côtes en 1757 incita le Roi à leur donner un statut plus
avantageux, mais ce fut dans les honneurs ; les troupes étaient assimilées à l'infanterie et les
officiers pouvaient recevoir cette Légion d'Honneur de l'Ancien Régime, la Croix de Saint-Louis.
Puis ce fut le calme : longues factions sans gloire pendant la Guerre de l'Indépendance
américaine, stages de formation dans l'île d'Aix, exercices le dimanche sur la place publique,
revues... Une soixantaine d'habitants d'Angoulins étaient sur le pied de guerre et au premier
signal, ils partaient se regrouper avec leur régiment aux points névralgiques ; armes, munitions,
équipements étaient toujours prêts.
On s'étonne parfois de la merveilleuse adaptation du Français aux guerres de la République et de
l'Empire ; mieux que le service militaire obligatoire et les périodes de réserve, les milices avaient
formé des hommes qui savaient se battre. En 1810, lors de l'attaque anglaise sur le fort de la
Pointe-du-Cahy, les anciens crurent revivre le temps où ils étaient garde-côtes ; ils se portèrent à
l'ennemi avec le tambour au pas de charge. il n'y avait pas assez de fusils pour tous.... mais les
angoulinois firent leur devoir et s'opposèrent à une pire catastrophe.

Les gardes côtes d'Angoulins (3)


En septembre 1757, les Anglais tentèrent un débarquement sur les côtes de l'Aunis ; il sprirent et
mirent à sac l'île d'Aix le 24. Dans un mémoire, Chaudruc de Crazannes, qui commandait un
régiment de cent dragons, raconte sa campagne d'une manière fort plaisante ; c'était la guerre en
dentelles :
" Je n'avois qu'un habit d'uniforme extrêmement léger, une petite redingote et un portementeau
ou je mis deux chemises, un bonnet de voyage, quatre mouchoirs et une paire de bas de bottes. le
portemanteau fut porté derrière mon laquais Dauffiné, ancien cocher et vieux ivrogne qui m'a
beaucoup amusé pendant la campagne. Et sur un cheval à paniers, j'avois dix alloyaux, douze
gigots et quinze pains de vingt livres. Comme j'avois toujours oui dire que les premières vertus
d'un militaire étoient la présence d'esprit et la prudence, j'eus peur de perdre ces avantages
précieux si je me laissois emporter au gout de vingt-cinq bouteilles d'un très bon vin qu'on
m'offrit. je les reffusay donc...
A 9h du matin j'arrivai à Angoulin, mais le sieur de Torinville avoit eu ordre d'évaquer ce vilage
à la pointe du jour et de marcher avec les troupes qui y étoient campées le long de la coste vers
Rocheffort parceque l'escadre angloise s'étoit toute portée sur ce costé. On me signifia soudain
de continuer ma marche et d'aller toujours jusques à ce que j'atteignis le dit sieur de Torinville.
Je ne fus pas plus tost sorty d'Angoulin et à l'entrée de la garenne de Chatelaillon, la mer estant
haulte, que j'apperceus par dessus de petites dunnes de sable qui servoient de retranchement à
cette partie, deux voilles qui me parurent à bonne portée de mousquet. Ne voyant que le haut des
mats, je pençay que ce pouvoient être des traversiers qui s'étoient échoués sur le platin pour être
à l'abry de l'ennemy. je m'avançay seul jusque sur ces dunnes... c'étoient deux grandes chaloupes
de l'escadre dans laquelle il paraissoit y avoir trois cent hommes de troupe. je retournay à mes
dragons et après avoir fait faire silence. "Mes amis, leur dis-je, vous êtes tous francès, vous avez
vos biens, vos fâmes, vos enfans, votre personne à deffandre", et leur montrant les deux
chaloupes "Voilà l'ennemy il faut faire bonne contenance ; alons nous montrer sur le platin ! Je
ne vous exposeray pas innutillement, mais que personne ne tire que je n'en donne l'ordre !"
A la vue de cette troupe les chaloupes s'en furent plus loin.
On arrive à Châtelaillon pour voir l'ennemi sonder la côte et tenter de débarquer. C'était l'heure de
la messe et cent paysans de la campagne avec leur capitaine garde-côte y assistaient ignorants du
danger qui était à leur porte. Chaudruc de Crazannes tout en louant leurs oraisons, les rappelle à
l'action et il fut convenu que le capitaine et lui serviraient le canon et que le curé y mettrait le feu:
"O divin Appollon, accorde-moi ton secours ! Peins avec toute ta force de tes sacrés crayons
l'ardeur héroïque de mon curé ! Mais non, il ne faut pas mêler le profane au sacré et quoique le
curé semblable au grand Jupiter sur son aigle terrible tenant son foudre en main, sortit de
l'église les ornements pontificaux sur le dos, les cheveux hérissés, les yeux étincelants et la
mèche allumée aux cierges de l'autel, je le peindrai comme un héros divinement inspiré et non
comme ceux que les païens adoraient follement. Dans ce pompeux équipage, nous allâmes tous
tirer sur les chaloupes deux grands coups de canon à bout touchant qui ne portèrent pas. Et les
chaloupes prirent le large et ne revinrent plus sur les bords"
Ce récit que vous goûterez sans doute, peut servir d'introduction à une étude qui intéresse plus
directement Angoulins. Car parmi ces paysans assemblés à Châtelaillon, il y avait des hommes de
notre paroisse. Deux rôles de milice garde-côte nous ont été conservées, ceux de 1696 et 1736 ;
vous y retrouverez les noms qui vous rappelleront que vous aviez des ancêtres courageux dans la
défense de nos côtes.
Notaires du XVIe siècle
Le mois dernier des actes de notaires rochelais nous ont fait pénétrer dans la vie de nos ancêtres
et de celle de la paroisse d'Angoulins. De cette enquête, il reste quelques documents moins
captivants sans doute, mais dont l'utilité se fera sentir pour une étude générale.
Le 8 juin 1536, une inconnue fait son testament devant Me Gaschet, notaire à La Rochelle. L'état
social de cette personne devait être important puisqu'elle lègue des biens à Angoulins et dote six
jeunes filles pauvres. Elle élit sa sépulture dans cette paroisse, près de celle de son mari, si elle
vient à y mourir. les témoins de ce testament sont : Thomas Tenier, vicaire, Méry Cerneau, Jehan
Fortmonnoye, Guillaume Pynet, Jacques Prévost, Guillaume Vyrely.
Le 18 juin de la même année, pardevant le même notaire, Méry Cerneau et Guillaume Pynet,
fabricqueurs de l'église Saint-Pierre, vendent divers bien à Jehan Griffon, marchand à Angoulins.
Témoins : Gabriel Alay, Thomas Michon, Léonard Buot.
Les minutes Gaschet pour l'année 1542 livrent plusierurs actes sans grand intérêt, mais
concernant quelques Angoulinois de l'époque : Jacques Michon, Estienne Buet, Turpin, Estienne
Pouzet, Michel Dubroil et Isaye Proustz, laboureurs, Jehan Fortmonnoye, saulnier. Le 20 janvier
1542, André Mousnier, Mathieu Pouzet, prêtre, Jehan Grassin, Jacques Michon, Jehan Doussin et
Jehan Petitfils, fabricqueur, nomment des procureurs qui se rendront à Surgères pour question de
gabelle. La gabelle ! Il n'y eut pas d'impôts plus impopulaire sous l'Ancien Régime ; il
s'appliquait au sel, denrée si nécessaire en ces temps où la viande était rare et ne se consommait
que sous la forme de salaisons. de plus, il était fort mal réparti et comme en toutes choses il y
avait des privilèges.
En 1542, La Rochelle, placée au milieu de marais salants et port d'exportation du sel, était en
pleine révolte ; un édit avait appliqué l'impôt sur les sels de pêche et d'exportation jusqu'alors
exempts de toutes taxes. les prisons de la ville regorgeaient de mutins pris sur les côtes d'Aunis et
Saintonge. françois Ier vint en personne à La Rochelle et bientôt, grâce à l'humeur débonnaire du
roi, tout rentra dans l'ordre, car en 1543, fut rétabli le régime antérieur.

par Jean Joguet


Le protestantisme à Angoulins
La Réforme n'eut guère de prise sur la population d'Angoulins. A la fin du XVIIe siècle, il y avait
120 protestants à La Jarne, 400 à Bourgneuf, 16 familles à La Jarrie, et 4 seulement à Angoulins.
Ces chiffres extraits de visites pastorales sont les seuls qui nous restent pour déterminer la part
des catholiques et des protestants. D'autre part l'étude des contrats de mariages autorise à penser
qu'il n'y eut point de protestants parmi la population et que seuls, seigneurs et bourgeois
originaires de La Rochelle, furent les disciples du nouveau culte.
A la fin du XVIe siècle, Evrard de Portcillon, le seigneur de Jousseran, qui fut écuyer et maître
d'hôtel du Comte de Nassau et procureur du Prince d'Orange à La Rochelle, était protestant ainsi
qu'Anne de Nagères, sa femme. Au XVIIe siècle, les Berne, qui avaient une place prépondérante
dans la commune de La Rochelle, furent aussi protestants. Jehan Berne, le seigneur d'Angoulins,
fît même établir, en 1630, dans une dépendance de sa maison noble de Jousseran, un cimetière
pour ses coreligionnaires, où il fut lui-même inhumé en 1635.
C'était un terrain clos de murs de un casseron -un demi journal environ - qu'il avait affermé aux
protestants d'Angoulins. l'acte fut passé par Salomon Lefebvre, ministre du Saint-Evangile en
l'église réformée de Bourgneuf et d'Angoulins ; de protestants en cet acte, il n'y avait de présents,
pour notre paroisse, que Jehan Rouandeau, ancien, Jean et Louis Berne ; les autres étaient de La
Rochelle, de La Jarne ou de Bourgneuf. C'est à dire le petit nombre de protestants.
Il y avait cependant un lieu de culte protestant signalé dans les visites pastorales du XVIIe siècle.
En 1667, le seigneur d'Angoulins, Mousnereau Berne, afferme pour une durée de cinq ans à
Elizabeth Cougnat, la terre de Jousseran. dans l'acte, il est spécifié qu'elle "enverra quérir le
Minsitre qui fait le prêche à Angoulins le jour de son exercice, lui donnera à dîner et le retournera
en sa maison.."
La famille Berne va bientôt disparaître de la seigneurie d'Angoulins ; les Gabarret qui lui
succèdent paraissent catholiques. A la fin du XVIIe, il n'y a plus que 4 familles protestantes et ce
nombre n'ira pas en croissant. Au XVIIIe, il n'y a pratiquement plus de réformés.

par Jean Joguet


Le testament d'une belle inconnue.
C'était la femme d'un bourgeois de La Rochelle, Jehan Nau ; nous ne connaissons que son
prénom, Tiphaine. Elle vivait au début du XVIe siècle et le dix-huitième jour de juin mil cinq
cent trente-six, sans être aucunement malade, elle pense "qu'il n'est chose plus certaine que la
mort, ne chose plus doubteuse et incertaine de l'heure d'icelle..." ; aussi fit-elle son testament.
Elle demande que sa sépulture soit faite au cimetière de l'église Saint-Nicolas de La Rochelle,
près de son feu mari, ou au cimetière de l'église d'Angoulins s'il lui advenait d'y décéder. Entre
autres legs à sa paroisse de La Rochelle et aux couvents de la ville, elle donne à l'église
d'Angoulins, 10 livres, plus une tasse d'argent doré pesant un marc, une pièce de tapisserie pour
mettre près et devant le crucifix, un anneau d'or valant 10 livres...
"Item, je veulx et ordonne que tous mes vestemens, abillemens et garnitures de mon corps tant
robbes, cottes, chapperons et autres vestements soyent vendus... au plus offrant et dernier
enchérisseur et de l'argent qui en parviendra, le dispenser justement à trèze pauvres filhes à
marier et qui auront bon renom, sçavoir est sept en ladicte paroisse de Saint-Nicolas et six de
celles de ladite paroisse d'Angoulins, le tout dans l'an et jour amprès mondit décès et trespas,
moyennant qu'elles seront tenues de prier dieu pour moy et de mes feus parens et amys
trespassés..."
Parmi les témoins de cet acte, on note les fabricqueurs de l'église, Méry Cerneau et Guillaume
Pynet et le vicaire Thomas Texier. Il l'était depuis juillet 1534, époque où Christophe Descombes,
curé de Saint-Barthélémy de La Rochelle et de Saint-Pierre 'Angoulins, lui avait affermé la cure
pour 47 livres 10 sols. En mars 1536, le même Thomas Texier, toujours résidant à Angoulins,
prend en ferme une autre cure, celle de Notre-Dame de Lagord ; Messire Michel Rousseau,
prieur-cure de Lagord et Compagnon Dieu servant en l'église Saint-Nicolas, la lui cède pour 47
livres 10 sols. Les charges en sont lourdes : 60 sols de non-résidence, 6 livres pour la visites
épiscopale, etc...
Où gît la dépouille de cette belle inconnue qui nous a permis d'évoquer l'âme de la paroisse
d'Angoulins il y a plus de 400 ans ?

par Jean Joguet


Les Tourettes d'après Sud-Ouest (article 1 et 2)
Sur le plan cadastral de 1810, un chemin portait le nom de chemin des Tourettes. C’était celui qui
longeant l’actuel terrain de sport va rejoindre le moulin du Pont de la Pierre. Une maison
seigneuriale qui, au début du XIXe siècle, abritait encore les demoiselles Maccarthy, bienfaitrices
de la paroisse et de la commune: à leur sujet, répondant à une enquête sur les pauvres, E.L.
Seignette, maire d’Angoulins, écrivait en l’An VIII: <<Nous avons dans cette commune les
citoyennes Maccarthy qui se distingue par les bienfaits réels, les soins, les conseils et les
attentions que rien ne peut remplacer.>>
Aux XVIe et XVIIe siècles, l’histoire de la seigneurie des Tourettes est plutôt celle d’une famille.
Les Brétinault étaient originaires de Bretagne; le plus ancien connu commandait au début du XVe
siècle le château de Nantes. Un de ses petit-fils, Gilles, contre le gré de ses parents, vint se marier
à La Rochelle et y prospéra puisque en 1518, il était échevin. Son fils, du même prénom, fut
conseiller au présidial et échevin en 1554. Il eut de deux mariages sept fils et filles, dont Louis
qui fut sieur de Pampin et des Tourettes et épousa Elizabeth Furgon, la fille d’un maire de La
Rochelle.
De 1597 à 1604, dans les minutes de Maître Perroy, notaire à Angoulins, Louis Bretinauld est cité
comme seigneur des Tourettes et du Pin. Cette dernière seigneurie est aliénée pour les trois quarts
en 1614 par sa veuve en faveur de Jean Berne qui récupère l’autre quart en 1623 sur Jacques
Bretinauld, un fils de Louis. En cette même année 1623, étaient propriétaires des Tourettes Jean
de Vienne, sieur du Tranchier, et Judith Bretinauld, sa femme, autre enfant de Louis.
En 1629, lors d’un affaire concernant l’hérédité de Jacques, nous retrouvons les enfants de Louis
Bretinauld: Judith, veuve de Jean de Vienne; Madeleine, femme Labadye, sieur des Ouches, et
Marie, veuve de Jean Thévenin, sieur de Gourville. Cette dernière habitait La Rochelle lorsque,
en mai 1629, au lit et malade, elle fit son testament: à chacune de ses servantes, Jeanne Rousseau
et Marguerite Audouyn, elle lègue 300 livres; aux filles de Nouël Cornouyn, son bordier, soixante
livres de meubles; à l’église d’Angoulins, soixante livres. Marie Bretinauld ne mourut point et en
1631 le testament fut annulé.
Il n’est point rare de constater dans les testaments de pareils legs à des serviteurs:ceux-ci font
partie de la famille. Lorsqu’une servante se marie, c’est une véritable fête au château; ainsi, en
1631, Me Oclerc, notaire à Angoulins, enregistre le contrat de mariage de Marguerite Audouyn
avec Etienne Chevallier, laboureur à Marsilly. Les dames de Brétinauld signent et Marie donne à
la “pro parlée” cinquante et une livres et un journal de terre au Paradis. En 1633 se marie
Elizabeth Rocard avec Pierre Coustant, laboureur à Thairé.
Il y avait alors aux Tourettes un nouveau maître, et il signe au contrat. C’était André de Mazières,
sieur de Voultron et du Grand Paradis, dit “Buzay”, qui épousa avant 1636 Marie Brétinauld. Ils
moururent probablement sans enfant, et la seigneurie passa aux parents les plus proches. En 1663,
elle appartenait à Henry Mordant, époux de Judith de Vienne, une fille sans doute du possesseur
de 1623. En 1685, elle revint aux Brétinauld, écuyer, sieur des Chaumes, qui habitait la paroisse
de Saint-Médard-d’Aunis, dans sa maison noble des Brétinières.
Jacques Bretinauld avait trois enfants, Gilles, sieur des Bretinières, Théodore, sieur des Chaumes,
et Françoise-Angélique, qui habitait La Rochelle. Ses affaires n’étaient point brillantes malgré ses
maisons nobles et roturières, ses terres, ses vignes, ses prés, ses bois, ses garennes, et marais dans
les paroisses de Saint-Médard, Saint-Christophe, Clavette et Angoulins; il dut même combler
quelques dettes criardes en affermant les Tourettes à Samuel Voyer, un marchand de Marennes.
Jusqu’à présent, il n’avait pas voulu partager ses biens avec des enfants bien avancés en âge;
cependant le 2 décembre 1685, il constate qu’il n’en peut plus. << Estant dans un âge avancé,
voulant se mettre en repos pour le reste de ses jours, se voyant accablé par les procès et instances
que les créanciers à luy font journellement et qui ne manqueraient par leurs chicanes absorber si
peu de biens qui luy reste...>>, il leur délaisse tout contre 350 livres de pension et l’extinction de
4.715 livres de dettes. Jacques Bretinauld fut inhumé dans l’église de Saint-Médard le 3 février
1686.
Ce vieillard qui ne voulait point dételer aima sur ses vieux jours sa gouvernante, Marie Poumier,
et en eut plusieurs enfants naturels tous reconnus. Le 26 février 1674, on enterre Pierre, âgé de 20
mois; le 11 novembre 1686, c’est le baptême de Catherine; il y eut un autre Pierre. Françoise-
Angélique la grande sœur, s’en occupe après la mort du père; Pierre entre en apprentissage chez
un cordonnier et Catherine chez une couturière.
Françoise-Angélique mourut en novembre 1688. Elle occupait à La Rochelle, rue Juiverie, une
chambre chez le maître chirurgien Jean Escarré-Deschamps, qui fit faire l’inventaire de ses biens.
Ses deux frères restent donc seuls propriétaires des Tourettes; en 1693, Théodore, qui est
lieutenant d’infanterie au régiment de la marine, afferme sa part à Pierre Vibert. Puis c’est
l’obscurité sur la famille.
En 1672, François Oualle, bourgeois de La Rochelle, s’en rend adjudicataire par suite de la saisie
des biens des héritiers de Jean Massé, capitaine de navire, à la requête de Louis-François Jouin,
sieur de La Tremblay. La maison est dans un état lamentable, n’ayant pas été entretenue depuis
nombre d’années; l’acquéreur en fait faire procès verbal de visite, et ainsi nous avons une
description sommaire de la maison des Tourettes.
Par le portail, nous entrons dans la cour; du côté de l’orient, un petit cellier et une tour joignent le
logement du métayer qui se compose d’une chambre basse, d’une chambre haute, d’une grange et
de la buanderie aux grandes ponnes maçonnées. Le logement du maître est contigu: au rez-de-
chaussée, une salle et une cuisine pavée de petits carreaux; au premier, une petite chambre au-
dessus de la buanderie, un cabinet ou antichambre, une grande chambre au-dessus de la salle, et
un petit grenier à côté. D’autres dépendances: un cellier ou salloge joignant la cuisine, un
fourniou, un grand cellier avec un treuil turquois, une grande grange et les toits à bœufs et à
cochons; une autre tour au midi, un puits, le jardin avec un autre puits; l’ensemble est entouré de
murs.
En 1765, Victoire Billaud, la veuve de François Oualle, fait réunir un conseil de famille pour
examiner et remédier à une situation qui est loin d’être brillante; il y a là David Oualle et Laurent
Colonna d’Ornano, oncles paternels; Etienne Viette de la Rivagerie, cousin issu de germain... qui
décident d’aliéner les Tourettes. Jean Baptiste et Catherine Maccarthy de Macteigne, frère et
sœur, s’en rendent acquéreurs le 19 janvier 1765 devant le notaire rochelais Fleury, pour la
somme de 21.500 livres. Il n’est donné que 2.600 livres aux vendeurs, le reste devant servir à
acquitter des dettes ou des rachats de rentes; cependant, il est servi une rente foncière annuelle de
325 livres évaluée en capital à 6.500 livres.
La famille Maccarthy habitait Angoulins depuis au moins l’année 1757, où nous voyons dans les
registres paroissiaux le baptême et la sépulture d’un enfant <<sauvage canadien>> appartenant à
M. de Maccarthy, enseigne des vaisseaux du Roi. En 1765, elle acquiert le domaine du Pas-des-
Eaux pour lequel est rendu hommage à Gayot, seigneur de Cramahé. A la Révolution, les
Tourettes ne sont pas vendues comme bien national et restent la propriété des citoyennes
Maccarthy qui meurent sans postérité connue.

par Jean Joguet


Les seigneurs de Jousseran (1)
Dans un précédent article sur le cimetière protestant d'Angoulins, je disais qu'il était proche de la
maison seigneuriale de Jousseran et que celle-ci devait être le bâtiment même de la colonnie de
vacances de Châtellerault . Dans des notaires rochelais et angoulinois, j'ai puisé quelques détails
qui, à défaut d'archives proprement dites, permettent un bref historique de cette seigneurie.
En 1749, la seigneurie d'Angoulins fut saisie sur la succession de Jules de Gabarret et adjugée à
Etienne-Henry Harrouard du Beignon par décret rendu au Parlement de Paris. De Gabarret avait
lui-même succédé aux Mounereau-Berne, héritiers des Berne qui avaient acquis la terre
d'Angoulins lors du démembrement de la baronnie de Châtelaillon en 1615 et 1616. L'acquéreur,
Harrouard du Beignon, s'empressa de rechercher les titres de sa seigneurie qui recevait
l'hommage de plusieurs fiefs et l'inventaire en fut consigné dans l'acte des 12 au 17 décembre
1749 devant Faillofais, notaire à La Rochelle.
En 1507, Rondeau, seigneur des Roux ou Rouhaux et du Pont de la Pierre, vendait une moitié de
Jousseran à Jacques du Lyon. En 1539, lors de l'établissement du terrier des fiefs d'Aunis, c'est le
même Jacques du Lyon, échevin de La Rochelle, et Françoise Pirault, sa femme, qui en font la
décalration ; il est alors uni au fief des Bugaudières, possède basse et moyenne justice et paye à la
recette de Châtelaillon 112 sols 6 deniers ; le revenu des deux fiefs est de 80 livres tournois.
A la fin du XVIe siècle, les Bugaudières appartenaient à Evrard de Porcillon. Jousseran semble
encore divisé en deux moitiés ; en 1590, Philippe Lacacde en vend une à Jean Bonenfant pour
3600 livres. Mais le seigneur de Jousseran est Evrard de Porcillon ; sa veuve, Anne de Nagères,
dont nous remarquons la signature dans quelques actes de Perroy, notaire à Angoulins (1595-
1606), lui succède et, en 1606, aliène sa moitié de Jousseran en faveur de Jean Berne ; puis cette
même année, elle cède tous ses biens à ses neveux : Samuel Le More, siegneur de la Bérauldière,
en Saintonge, et Marie de la Coussaye, sa femme. Dès lors, par acquisitions successives , la
famille Berne est le véritable seigneur de Jousseran comme elle l'est de tout Angoulins. En 1630,
Jean berne y établit un cimetière pour ses correligionnaires, et lui-même y sera inhumé le
dimanche 14 octobre 1635. Dans la suite, Jousseran suit le sort des autres fiefs de la haute
seigneurie d'Angoulins, mais les Gabarret semblent l'avoir possédé jusqu'en 1778, où ce fief fut
adjugé sur les poursuites de Beaudouin de la Noue, un de leurs créanciers, à François Thaynon de
Bellevue.
C'était un esprit batailleur et procédurier que ce Thaynon de Bellevue qui s'attira, en pressurant le
menu peuple, des lettres amères de M. Paris, curé de la paroisse. Il est donc intéressant pour notre
petite histoire.

Les seigneurs de Jousseran (2)


Dans un précédent article, j'insinuais que François Tainon de Bellevue, seigneur de Jousseran et
du patrimonial d'Angoulins, était un esprit chicaneur et procédurier. Il faut avoir vu pour le croire
un manuscrit de la Bibliothèque de La Rochelle qui renferme enquêtes, mémoires et lettres à son
avoué M. Fromentin ; le Présidial de La Rochelle contient en son nom tout autant de procédures
souvent pour des bagatelles. Je vous en dirai un mot prochainement.
Aujourd'hui, - nous sommes dans les années 1781 à 1786 - Tainon a des démêlés avec son curé,
M. Paris, le dernier d'Angoulins avant la Révolution, intelligent, instruit des idées nouvelles,
social... C'est au sujet de dîmes et de la déclaration des biens que la paroisse devait faire à la
seigneurie. Tainon voulait que l'on paye, mais ne voulait rien donner. Il y avait des titres
établissant les droits et devoirs des uns et des autres, notamment une transaction de 1626 entre
Berne et Davoine, le curé d'alors, mais le sieur de Jousseran jurait ne l'avoir jamais vue dans ses
archives, à quoi M. Paris répondait le 10 août 1781 : " Je voudrais n'avoir pas vu la note dont je
vous parle, je n'aurais aucun soupçon sur votre bonne ou mauvaise volonté pour moi. mais
d'après cette connaissance, vous jugez ce que je dois penser..." Puis avec le temps, dans des
procès interminables, l'affaire s'envenime et le 12 juillet 1784; M. tainon reçoit cette lettre de son
curé : "Je vois par la lettre que vous vous êtes donné la peine de m'écrire que vous êtes toujours le
même, c'est-à-dire décidé à jouer le rôle de galant homme, d'homme de paix, d'ennemi des
discussions ; je sais que c'est par de pareils propos que vous avez cherché à détruire tout l'odieux
de la réputation que votre conduite dans cette paroisse vous a mérité. Vous pouvez en imposer,
Monsieur, à ceux qui ne sauront pas le vrai, mais vous savez bien dans votre âme et conscience
que vous n'êtes rien moins que ce que vous voudriez qu'on vous crût... Et si vous étiez dévôt,
j'ajouterais qu'à ce moment où vous viendrez comme nous tous et où votre or et argent ne vous
suivront pas, vous ne serez sûrement pas favorablement reçu de celui qui déclare que pour être
admis dans ses tabernacles éternels il faut avoir les mains pures du bien de son prochain... Vous
auriez pu, si vous aviez eu le dessein de ne pas me dépouiller de ce que vous savez bien qui
appartient à la cure, me communiquer la transaction de 1626 que vous me jurez dans votre âme et
conscience ne pas connaître... Je conviendrai que, quand je parle de vous, je n'en parle point
comme d'un homme désintéressé, ni d'un ami des malheureux, ni d'une personne qui aimerait
mieux sacrifier le sien que d'exiger ce qui ne lui est pas dû. Si je vous connaissais tel , je le dirais
car j'aime bien mieux louer que blâmer, mais je dois être vrai et je ne me déciderai jamais à parler
de vous comme d'un Saint que quand vous en ferez les oeuvres. mais vous, comment parlez-vous
de moi ? Je suis, dites-vous, la cause que vous n'avez pas donné plusieurs tonneaux de blé aux
malheureux... Vous auriez dit plus vrai si vous aviez assuré que vous n'avez jamais eu la volonté
de détacher un grain de blé de votre grenier pour les misérables... Vous dites que je suis la cause
de tout le mal qu'éprouvent mes paroissiens. Vous me feriez plaisir de me dire en quoi. Serait-ce
parce que je les exhorte à la patience et que, voyant qu'ils suivent mes conseils, cela vous engage
à leur en faire d'avantage ? Serait-ce parce que je ne dis pas à ceux qui ne vous doivent qu'un
quart de poule, de vous la donner tout entière, ou à ceux qui ne vous doivent que cinq sols de
cens de vous en reconnaître trente ? Je vous jure que je suis très persuadé que vous seriez le
premier à vous moquer de moi et que vous diriez en vous même et peut-être tout haut : "Le curé a
sacrifié ses paroissiens pour me faire plaisir." Vous me permettrez bien de ne pas acheter votre
amitié à un pareil prix. Je condamnerai toujours cette soif insatiable que vous avez des biens de
ce monde, je ne verrai jamais qu'avec horreur mes pauvres paroissiens chargés par vous de cens,
de rentes et de devoirs que leurs pères ne payaient pas ; je vous plaindrai toujours de ne vouloir
pas être leur père et je vous dirai tant qu'il vous plaira m'écouter : Monsieur Tainon vous êtes sorti
nu du sein de votre mère, vous n'emporterez avec vous qu'un suaire. de quoi vous servira-t-il
alors de nous avoir dépouillés ?... Vous serez donc le seigneur des gueux. Et c'est vous, qui avec
25 ou 30000 livres de rente, pouvant contribuer à notre bonheur, aurez pris un cruel plaisir à voir
couler nos larmes. L'huamnité, la religion crient vengeance. Dans l'espérance que la paix viendra
un jour, je finis mes justes plaintes et ai l'honneur d'être avec respect, Monsieur, votre très humble
et très obéissant serviteur. Paris, curé d'Angoulins."
La lettre suivante est datée du 10 juin 1786. M. Tainon a perdu son procès ; il doit payer les
dîmes. "J'avais perdu l'espérance d'avoir la moindre communication avec vous, vous ayant écrit
trois lettres auxquelles vous n'aviez pas jugé à propos de répondre, à cause, à ce que l'on m'a dit,
que je vous faisais toujours des morales. Ce que je vous ai écrit partait d'un coeur qui gémissait
de ce qu'au lieu de voir en vous le père des habitants, ce que doit être tout seigneur qui a de l'âme,
vous sembliez vous plaire à les ruiner..." Pour les deux années de dîmes 1784 et 1785, il était dû à
la cure trois Louis, soit 72 livres ; Tainon n'en proposait que 60. Le 13 juin, le curé accepte : "Je
sais faire des sacrifices pour le bien de la paix..."
François Tainon de Bellevue devint-il meilleur ? Son esprit était trop incliné vers les chicanes
pour que la conversion fut sincère. Nous le retrouverons bientôt dans ses procès et dans sa mort
qui survint le 10 janvier 1790 ; il n'avait amassé que pour une nièce.

Les seigneurs de Jousseran (3)


L'ancien capitaine de dragons de la milice bourgeoise de Saint-Domingue qu'était François
Tainon de Bellevue se voyait encore aux plus beaux jours de sa carrière où il matait quelque
révolte d'esclaves noirs. Il était à cent lieues des idées nouvelles qui se répandaient par toute le
France et auxquelles faisait écho avec force M. Paris, le curé d'Angoulins.
Il n'hésitait point à s'attaquer aux grands. M. De Bertin qui était devenu son suzerain en 1781 le
poursuivit devant le présidial de La Rochelle pour usurpation de titres seigneuriaux. Harrouard du
Beignon eut un long procès pour un marais enclavé et Fromentin-Dupeux, me procureur du sieur
de Jousseran, le défendit avec brio. Je ne vous dirai pas toutes les subtilités historiques et
juridiques de sa distinction du patrimonial dont Tainon était le seigneur d'avec le domanial qui
était entre les mains du roi et plus tard de M. de Bertin.
Il attaqua M. Seignette, un gran bourgeois de La Rochelle, pour une question qui nous parait
ridicule celle de l'écoulement des eaux du bourg vers La Platère. Tainon affirmait qu'un de ses
champs nouvellement emblavé avait été inondé parce que Seignette avait comblé un fossé ; ce
dernier prétendait que tout le mal ne venait point de la terre mais de la mer. Il y eut, du 11 juillet
au 24 juillet 1784, une descente d'experts pour étudier le litige ; le cours des eaux était bien
entendu dirigé vers cet endroit mais le mal était sans proportion avec le peu de ruissellement.
A quoi bon vous conter toutes ces procédures bien caractéristiques d'une époque de décadence et
qui ne demandait que des réformes ? C'est Gâtineau, le boulanger du four banal, qui entasse à
deux reprises des barges de fagots au-devant du château, gênant la sortie des attelages de
Tainon... C'est la veuve Cardineau, mère de quatre enfants, qui subit la contrainte de son seigneur
au point qu'il lui refuse la charité de sa charette pour labourer ses terres... Et bien d'autres encore.
Arrive la Révolution... Qu'advint-il de ce peu sympathique personnage ? Fut-il pendu ou lanterné
comme tant d'autres ? Il mourut tout bonnement dans son lit à Angoulins le 10 janvier 1790. Et le
lendemain, pour la conservation des droits des héritiers, on fit l'inventaire de ses biens. J'aimerais
vous détailler tout ce que possédait M. de Bellevue, mais il faut se limiter. Sachez pourtant qu'il
dormait dans un lit à l'ange avec garniture de cadix vert, les dossier, ciel et courtepointe étaient
d'indienne fond rouge ; qu'il avait un mauvais violon ; que dans sa cave il y n'y avait qu'environ
cent bouteilles vides mais que dans le cellier 19 pièces étaient remplies de vin blanc de 1789, 3 de
blanc et de rouge de 1788 et 3 autres remplies de râpe à l'usage des domestiques. Les écuries sont
bien peuplées : 8 chevaux dont 6 juments et 2 poulains, 7 vaches, 5 veaux, et 5 petites vaches
d'un an... et dans "la Cabanne Brûlée" qui dépendait de la succession, il s'est trouvé 8 boeufs et 2
veaux.
Et de tout cela c'était une nièce, Madeleine Rocheteau, qui en était héritière. "Monsieur Tainon,
vous êtes sorti nu du sein de votre mère, vous n'emporterez avec vous qu'un suaire..." lui écrivait
en 1786 M. Paris. ce 11 janvier 1790, le même Paris le conduisait à sa dernière demeure et en
dressait ainsi l'acte d'inhumation : "Le onze janvier mil sept cent quatre-vingt-dix a été inhumé au
cimetière de cette paroisse le corps du sieur François Tainon seigneur de Jousseran en cette
paroisse décédé le jour précédent agé de cinquante-deux ans ont assisté à sa sépulture les s. Louis
Paillet, René Pinet, Jean Charpentier, et autres qui sauf les signés ont déclaré ne le savoir. Paris,
curé d'Angoulins."
Lorsque vous passez près de l'église sur la place, pensez que sous vos pieds, peut-être, il y a un
François Tainon de Bellevue qui réclame vos prières ; il fut méchant envers vos ancêtres, soyez
bons pour lui.

Les seigneurs de Jousseran (4)


Dans mon dernier article j'ai enterré François Tainon de Bellevue qui fut le dernier seigneur de
Jousseran et vous pensiez peut-être en avoir fini avec cette maison seigneuriale. Et pourtant, il
resterait pas mal à dire... Aujourd'hui, je voudrais essayer de localiser cette maison qui fut le vrai
château d'Angoulins et seul je ne le puis.
En février 1955, parlant du cimetière protestant, je disais "qu'il était confronté sur le devant par le
grand chemin qui va du canton public au canton du Vinaigre passant par le devant la principale
entrée de la seigneurie de Jousseran." Cet article me valut quelques réflexions de gens qui avaient
vu des squelettes trouvés près de l'actuelle rue des Coquilles qui peut conduire elle aussi au port
du Vinaigre situé près du pont de la Chaume. Mais je suis tout aussi embarrassé et, pour le
moment, je vais me contenter de ce que j'ai en mains et de l'espérance que vous voudrez bien
m'aider par vos suggestions.
Le 1er juillet 1671, Jacques Berne, sieur de Lhommée, vendait à Mathurin Gabarret, premier chef
d'escadre de l'armée navale, les châtellenies, terres et seigneurie d'Angoulins ; les deux
contractants moururent bientôt et ce fut les fils de Jean et Nicolas Gabarret qui en furent déclarés
adjudicataires sur la succession des mineurs Berne représentés par M. Salbert, leur curateur. Et le
9 septembre 1672, on requit maître Combault, notaire à La Rochelle, de dresser procès-verbal de
la visite des immeubles et terres vendus ; ainsi donc, accompagné de maçons et charpentiers se
trouva-t-il dès 9 heures du matin, à la maison de Jousseran qui est au milieu du bourg.
On franchit le portail et dans la cour, à droite, il y a une grange, une autre grange où l'on fait le
vin, un cellier et un append couvert de rouches qui joint le puits. Puis c'est le jardin en ruine sans
carrés ni labourage avec des arbres vieux et en mauvais état ; les murailles sont de même ; dans
un coin, vers la rue de Vinaigre, il y a un pavillon carré haut de plus de vingt pieds mais en
masure et sans couverture. A gauche du portail, on voit la maison du métayer et quatre toits ou
chais. au fond de la cour devant la face du logis, trois ballets en ruine. Le logis lui-même est ainsi
décrit : une tour à gauche, puis un puits clos par une porte ; l'intérieur comprend à droite la salle
du logis et à gauche une autre salle pleine de foin ; on monte au premier par une tour dont
l'escalier est en pierre de taille et on trouve deux chambres dont une petite avec latrines. Il y a
bien sûr d'autres pièces dans ce logis autant en mauvais état les unes que les autres, abandonnées
au vent et à la pluie.
Au-devant du portail de la seigneurie de Jousseran, se trouve le four banal en mauvais état lui
aussi. Voilà une indication très précieuse pour ce qui va suivre car en 1741, il y eut encore une
visite du château d'Angoulins dont nous ne donnerons point les détails mais seulement les
confrontations qui s'accompagnent d'une orientation : du côté de l'orient à une ruelle qui sépare le
jardin du château d'avec le sieur Gaignaud, de l'occident à la maison de Huas et à un querreux
dépendant du château, du midi à la grande rue du bourg et du nord par le derrière à une autre rue
dudit bourg. Le four banal au-devant du château séparé par la grande rue se confronte de l'orient à
la maison des héritiers Rasclaud, de l'occident au quereux de la Seigneurie, du midi à la maison
des héritiers Bourasseau et du nord à la dite grande rue.
Telles sont les indications que j'ai pu recueillir dans de vieux papiers. Si vous avez des
suggestions à faire pour localiser la maison de Jousseran, je serai très heureux de les accueillir et
d'en faire profiter tout le monde.

par Jean Joguet


Jehan Berne, seigneur d'Angoulins
Le 14 novembre 1696, Michel Bégon, intendant de la généralité de La Rochelle, se transportait
au bourg de Châtelaillon pour procéder à l'estimation de la baronnie dudit lieu. Châtelaillon
n'était plus alors "composé que de quatre ou cinq maisons" ; son château n'avait "d'autre marque
ou vestiges que quelques masses de pierre de massonne liée ensemble par la chaux et le sable
lesquelles nous jugeons avoir servy à former les voultes souterraines ey quy sont restées au bord
de la mer, laquelle a aussy sappé de telle manière le rocher sur lequel estoit basty ledit château
que ledit rocher est presque entièrement abattu et ruiné aussi bien que les maisons quy estoient
dudit chasteau..."
Je vous parle de Châtelaillon, mais ce n'est qu'à propos d'Angoulins, car jusqu'au XVIIe siècle sa
châtellenie en dépendait ; elle en était estimée comme la neuvième partie. par décret du 31 août
1615 et à la suite du partage du 20 novembre 1616, Angoulins se sépara de Châtelaillon et Jehan
Berne, un des pairs et échevins de La Rochelle, s'en rendit adjudicataire. Par la suite, il agrandit
son domaine et devint ainsi le véritable seigneur d'Angoulins.
Dans "l'Echo" de février 1955, je vous parlais de la maison noble de Jousseran, devenue colonie
de vacances de Châtellerault ; Jehan Berne en était le seigneur, ainsi que du Pain, un fief qui se
trouvait entre Jousseran et la ligne de chemin de fer. En 163, le 11 décembre, il acquiert, de Marc
Jousselin, le fief du Coudran, autrement dit de Charlot, prolongeant ainsi son domaine vers le
nord-ouest, vers l'avenue de la Gare. Un mois plus tard, le 16 janvier 1624, il achète de Jehan de
Lescalle et de Jehanne Marchant, sa femme, la maison noble de Lhoummée, sise dans la paroisse
de Rochefort.
Nous reparlerons certainement de ce seigneur d'Angoulins qui fut avec son fils Louys un des
grands hommes du XVIIe siècle rochelais. Angoulins, dont il fut le seigneur, s'honorerait de lui
dédier une rue ; nous avons des rues Gambetta, Carnot..., témoignages de la ferveur républicaine
de nos pères, ne pourrions nous pas glorifier plus spécialement des enfants du pays ?... Les rues
d'Angoulins n'y suffiraient point !

par Jean Joguet


Il y a 400 ans
C'est un acte notarié du 17 mars 1554 que M. Senet a extrait d'une liasse de vieux papiers ; l'encre
est encore opaque et nette sur papier de chiffons légérement rongé à la pliure. un document qui se
porte bien malgré ses quatre cent ans passés et qui nous apporte une image du vieil Angoulins.
Les contractants André Prévost, Jehan Lebouil, Jehanne Gariolleau et le notaire François
Delahaye sont de La Rochelle, mais une partie des biens échangés sont situés dans la paroisse
d'Angoulins :
Une maison à faite avec tout ce que ledit Prévost a recueilli de la succession de Nicolas Goullin
et de Mathurine Faure, sa femme, c'est à dire meublée d'un grand chaslit, deux chaslits de
couchette, une maie à pétrir, un marchepied, trois escabelles... Elle est sur la grande rue par
laquelle on va dudit bourg à L'Isleau. Dans les confrontations on relève en outre le nom de "la
maison des Aigreaux", ceux de Marchaix, Pierre Sorin, Jacques Pourceau...
Trois quartiers de vigne, sis au Clos Saint-Jehan, tenant au chemin d'Angoulins à Châtelaillon et à
celui du Coi Saint-Jehan au pont du même nom. la maison et deux quartiers de vigne doivent un
loyer annuel de 40 sols payable à la Chappellenie des Roquards et de 2 sols 6 deniers à Jehan
Langlois, apothicaire à La Rochelle. Le troisième quartier de vigne est redevable du huitain des
fruits à la chapelle Saint-Jehan du Sable.
Trois pièces de vigne, au fief du Paradis, en la seigneurie de La Jarne, qui paient le dizain des
fruits. Une pièce de marais salants en la "Prinse du Ché", contenant 6 livres, 9 aires avec ses
"jacz, conches, sartières, bossioux...", qui doit à la Commanderie de Séchebouc la moitié du sel et
du foin ; "l'herbe desquels bossioux... ledit Commandeur est tenu de faulcher et coupper et lesditz
Lebouil, sa femme et les leurs seront tenus icelle fener et amusonner..."
Tous ces biens situés à Angoulins furent échangés contre une maison de la rue "Saint-Père", à La
Rochelle ; elle était redevable de plus de 12 livres de rente aux fabriques et commanderie de
Saint-Jehan-du-Pérot, ainsi qu'aux religieux du Temple.
Tel est donc cet acte de 1554 ; certains le trouveront de maigre intérêt et regretteront les
chevauchées légendaires des quatre chevaliers. Comme la vie, l'histoire est faite de petites choses
qui prennent leur intérêt dans l'ensemble. Et puis peut-être avez-vous chez vous des documents
encore plus intéressants ?
L'histoire d'Angoulins n'est pas épuisée. dans le prochain numéro, vous verrez qu'en 1623, il y eut
23 contrats de mariage passés devant M. Oclerc, le notaire d'Angoulins ; je suis sûr que cela vous
intéressera, comme je suis certain d'autre part qu'en ce mois d'octobre vous voudrez bien
renouveler votre attachement à "L'Echo" qui vous permet de mieux connaître votre paroisse.

par Jean Joguet


La cloche de Saint-Jehan de Chatelaillon (1)
Dans le dernier "Echo" je vous parlais incidemment du Châtelaillon ruiné de la fin du XVIIIe
siècle ; j'y reviens aujourd'hui pour vous parler de la cloche qui prélude en l'église d'Angoulins, à
la marche du prêtre vers l'autel. Vous avez tous entendu sa voix qui reste harmonieuse malgré ses
trois cent vingt-cinq ans d'âge.
Durant l'hiver 1709-1710, une violente tempête emportait les derniers débris de Châtelaillon. Par
la suite, un groupe de pêcheurs reconstruisit, à l'abri de la mer, un petit village ; on lui donna le
nom de la glorieuse cité disparue, mais il végétait au point qu'une église commencée en 1781 ne
put être achevée et qu'en 1801, faute d'y trouver un maire, ce fut E.-L. Seignette, maire
d'Angoulins, qui cumula les offices. Une ordonnance royale du 29 janvier 1823 rayait
Châtelaillon de la liste des communes et la rattachait à Angoulins.
Comment cette cloche de Saint-Jehan de Châtelaillon fut-elle sauvée de la destruction et parvint-
elle en l'église Saint-Pierre d'Angoulins ? Je ne sais, mais elle y était dans les toutes premières
années du XIXe siècle ; elle fut même placée dans la fenêtre de la basse église en 1805 ainsi
qu'on peut le lire dans les registres de la comptabilité de la Fabrique d'Angoulins : 30 pluviôse an
XIII, payé à La Vouzelle, fondeur, 24 frnacs pour deux crapaudines pour supporter la petite
cloche de Châtelaillon à placer dans une fenêtre de la basse église... 16 germinal an XIII, payé 15
francs à former un campanier dans une fenêtre de la basse église pour y placer la petite cloche..."
Aurait-il donc existé une autre cloche ? Une plus grosse ? Georges Musset, qui fut conservateur
de la Bibliothèque municipale de La Rochelle et, en 1896, premier maire de Châtelaillon, raconte
à ce sujet une légende (RCAM, XVIII pp. 31-32). Cette cloche était demeurée enfoncée dans le
platin vaseux proche du Vieux-Cornard et bourdonnait à l'annonce des tempêtes. Un jour, c'était
vers 1800, elle émergea et un habitant du pays entreprit de la sortir avec ses boeufs ; tous les
efforts furent vains... Impatienté, il pique vigoureusement ses b^tes, en lançant un juron...
Scandalisée, la cloche s'enfonce profondément dans la vase pour ne plus jamais reparaître.
Dans un prochain article, je vous décrirai plus amplement notre petite cloche et vous dirai
comment en 1907, elle échappa à la nouvelle destruction. Mais dès à présent on voudra bien
convenir de l'attachement que lui portent ceux qui l'ont conservée pendant plus de 150 ans et qui
ont su lui donner dans ces derniers temps tous les honneurs qu'elle méritait.

La cloche de Saint-Jehan de Chatelaillon (2)


Je regrette fort qu'on nous ait entraîné, M. le curé et moi, à donner en primeur à une polémique la
substance du second article que je devais consacrer à la cloche de l'ancienne église Saint-Jehan de
Châtelaillon. les lecteurs de "Sud-Ouest" des 3 et 6 juillet 1956 auront ompris que nous ne
pouvions laisser se fixer certaines inexactitudes ; maintenant nous souhaitons close cette affaire.
J'ai évoqué dans mon précédent article les vicissitudes du Châtelaillon du XVIIIe siècle. Me fiant
aux recherches d'un auteur, j'avais signalé l'inutile tentative de bâtir une église en 1781 ; elle fût
cependant édifiée par M. de Saint-Marsault vis-à-vis les Trois-Canons à proximité de la route de
Rochefort, où le baron de Châtelaillon se proposait à la fin du XVIIIe de reconstruire l'ancien
bourg. Désaffectée sous la Révolution, c'était une grange au début du XIXe siècle appartenant
ainsi que le presbytère adjacent à la fabrique d'Angoulins ; je ne la signale que comme jalon sur
le chemin qui conduisit notre cloche dans la fenêtre de la basse-église... Poursuivons notre
exposéet passons à des faits plus récents.
En 1907, la municipalité d'Angoulins décidait l'acquisition d'une horloge publique rendue
nécessaire "par la suite de l'importance du commerce et de l'industrie à Angoulins ainsi que du
nombre toujours croissant des étrangers qui chaque année viennent en villégiature..." Mais il
fallait une cloche et sans la mentionner ni dans les délibérations ni dans le contrat avec le fondeur
approuvés par le Préfet, on pensait échanger contre une neuve celle placée dans la fenêtre de la
basse-église. le 19 juin 1907, le garde-champêtre vint procéder à son enlèvement.
M. le curé Barriel protesta avec véhémence tant en chaire qu'auprès des pouvoirs publics, attirant
l'attention de G. Musset alors conservateur des antiquités et objets d'art, toujours à l'affût de
quelque trouvaille archéologique. Après remontrance du Préfet, le projet d'échange fut annulé
comme illégal, en dehors de toute considération archéologique. Mais cette cloche méritait mieux,
ce qui fut fait par son classement comme monument historique le 21 octobre 1907.
Voici le relevé de son inscription :
"Sainct Jehan de Chastelaillon. Me Geoffroy Bouvchart cvré. Fabriqvevr P. Lori + Estienne
Oclerc + Pairin Estienne Gabet. Mairayne Perryne Oclerc. 1631."
La cloche est en outre ornée d'une grande et très jolie croix fleuronnée. D'autres caractérisqtiques
pourraient être données : son poids, sa taille, sa note... A quoi bon ! ne vaut-il pas mieux la
regarder et l'écouter ?

par Jean Joguet


Le contrat de mariage d'un laboureur
Il y eut, en cette année 1623, trente contrats de mariage passés par-devant Maître Oclerc, le
notaire d'Angoulins et, sur ce nombre, 23 intéressent plus particulièrement cette paroisse, l'une au
moins des deux parties en étant originaire. Non qu'il y eut en cette année là plus de gars et de
filles à marier, mais il y avait d'avantage de veufs et aussi de petits cherchant soit une âme-soeur ,
soit une maman, ou un papa ; et les temps étaient troublés aux environs de la citadelle du
protestantisme qu'allaient assiéger les armées royales, suffisamment peut-être pour expliquer ce
désir d'être en famille pour mieux affronter l'orage.
17 laboureurs, 4 sauniers, 2 marchands, 1 meunier, 1 tisserand, 1 tonnelier, 1 notaire... aspirent
donc à convoler en justes noces. Dans cette énumération, apparaît en raccourci une proportion de
la population active de la paroisse au début du XVIIe siècle ; vignobles, marais-salants, occupent
une grande partie des habitants. Au cours de quelques articles, je voudrais donner des extraits de
certains contrats pour vous permettre de mieux juger par vous-mêmes de la vie et des
préoccupations des futurs, des "proparlés" ou "parlés à marier", comme on disait à l'époque.
"Par-devant Toussaint Oclerc, notaire en la Chastellenie d'Angoulin sallut que le traitté et la
prolocution de mariage parlé affaire lequel au bon plaisir de Dieu s'accomplira les sollenittez de
l'église catollicque appostollicque et romaine préalablement gardées et observées en tel cas requis
entre Nouel Puisart laboureur demeurant en ce bourg d'Angoullin fils de deffunct Berthommé
Puisart et de deffuncte Jehanne Boucherie vivantz ses père et mère demeurans audit Angoullin
d'une part avecq Mathurine Bonin natifve du Bourg d'Aytré fille de deffinct Philippon Bonin et de
deffuncte Pernelle Masse aussy vivantz ses père et mère demeurans audit lieu et veuve de
deffunct Simon Dieumegart d'autre part lesquelles parties de leurs bons gréz et vollontés, pour ce
personnellement establys et procédant en l'advis de leur frère parans et admis ad ce présantz et
assemblez pour sest effaict... ledit Puisart proparlé par l'advis et l'autoritté de Jehan Puisart son
frère et laditte proparlée par l'advis et l'autoritté de jehan Dieumegart son beau-père se sont
lesditz parlez à marier promis promettent et seront tenuz soy prendre à mary et femme espouz
touttes foys et quanttes qu'ils s'en requerront... et seront iceulx parlez à marier commung en tous
et chascuns leurs biens meubles."
Il y eut encore dans les clauses du contrat, six livres réservées à la fille du précédent lit, Anne
Dieumegart, somme qui lui sera versée "lorsqu'elle sera eb aage d'espouzer ou pourveu par
mariage" ; en attendant, "elle sera nourrye et herbergée aux dépans de laditte communaulté tout
ainsy que les autres enfans...". Le contrat fut "fait et passé audit Angoullin en la maison dudit
Dieumegart avant midy le septième jour de janvier mil six centz vingt et trois présantz René
Mirandet marchant Louis et Jehan Besson frères, Pierre Oclerc et Philippe Penault demeurans
audit Angoullin lesditz parlez à marier Besson Pinault et dieumegart ont déclaré ne savoir signer.
Et ont signé : J. Puisart, René Mirandet, Pierre Oclerc, Jehan Oclerc, et Oclerc, notaire."
Vous ai-je intéressé ? Dans le prochain "Echo des Sirènes", vous assisterez au mariage de Jehan
Yvon et de Marguerite Besson. Jehan était meunier à Angoulins et ce qui lui vint par sa femme lui
permit de s'associer à Jacques Brianseau, le farinier de mon Sieur du Pont de la Pierre : une belle
page d'histoire en perspective.

par Jean Joguet


Le mariage du meunier
Le 11 mai 1623, fut passé devant M. Oclerc notaire à Angoulins, le contrat de mariage de Jehan
Yvon, meunier, avec Marguerite Besson. Jehan, fils de Michel, laboureur et de Jacquette Fouhault
était né près de Cougnac ; sa mère, son frère Gabriel, sa soeur Perrine mariée avec Jacques
Brianseau, l'assistent de leur "advis, conseil et autoritté". La proparlée, fille des défunts Pierre et
Jehanne Begon voit à ses côtés Estienne Besson, son frère ainsi que sa soeur Jehanne, mariée à
Jehan Bernard. Et "se sont iceulx parléz à marier promis, promettent et seront tenuz se prendre à
mary et femme expouz touttes foys et quanttes que l'ung par l'autre en sera sommé et requis et
ledict mariage ainsy faict consommé et accomply seront... commungtz en tous et chacun leurs
biens..." La dot était de 200 livres, soit 100.000 francs actuels si nous adoptons le coefficient 500,
ce qui n'était point à dédaigner. Et puisqu'elle devient majeure par son mariage, on fait ratifier à la
fille Besson quelques aliénations d'héritage destinées à payer des dettes criardes : une terre de 2
journaux et demi pour 275 livres et une maison cédée pour 400 livres à Messire Pierre Davoyne,
curé de la paroisse.
Deux jours plus tard, le 13 mai, eut lieu le partage de l'héritage Besson entre les trois enfants. Il
n'était point important puisque Marguerite la fiancée de Jehan Yvon, n'eut qu'une maison et que la
moitié d'un petit jardin. mais avec la dot promise et qui sera payée après mariage, le 26 mai, il y
avait assez pour encourager les débuts du meunier. Jusque là, il n'était, semble-t-il, qu'ouvrier ou
apprenti chez son beau-frère Jacques Brianseau, le farinier du sieur du Pont de la Pierre; le 15
mai, il est associé par moitié à l'exploitation des moulins de la Pierre et du Pont de la Pierre.
Nous sommes maintenant en 1631 ; Jehan Yvon a perdu sa femme Marguerite et s'est remarié
avec Jehanne Onereau ; ses affaires ont prospéré malgré tout puisque, le 19 avril, il prend en
ferme, tout seul, le moulin du Pont de la Pierre pour une durée de 5 ans. Les conditions du bail
sont les suivantes : 165 livres à la Toussaint de chaque année plus un pourceau gras. Le sieur du
Pont de la Pierre, Jehan Berne, qui afferme le moulin, fut maire de La Rochelle en 1619 et
délégué en 1628 pour la reddition de la ville aux troupes royales. sa maison noble donne refuge à
certains réformés rochelais qui, souvent, signent aux minutes de M. Oclerc : Louis Salbert, le
chirurgien Jehan Chaignevert, etc... En 1630, il a même baillé un terrain clos pour la sépulture de
ses coreligionnaires d'Angoulins... Mais je reparlerai prochainement de ce cimetière.

par Jean Joguet


L'engagement d'Elie Froget
En ce mois de juillet 1955, une exposition franco-canadienne réunit, à La Rochelle, dans les
salles du Conseil général, à la préfecture, grand nombre de documents, de tableaux, d'objets
précieux intéressant les relations du Canada avec la France. Je ne puis que vous y convier, vous
surtout qui aimez l'histoire et la petite histoire ; amenez-y les enfants, ce sera d'un grand intérêt
pour leur formation intellectuelle et sociale.
Et vous songerez à cet Angoulinois qui partit, en 1642, pour la Nouvelle-France - on nommait
ainsi le Canada - et qui peut-être a des descendants canadiens. Il s'appelait Elie Froget, et j'ai
retrouvé dans les minutes du notaire Cherbonnier, de La Rochelle, son acte d'engagement ; je
vous en donne des extraits :
Personnellement estably hélie Froget natif d'Angoulins aagé de tente cinq ans ou environ
dernièrement demeurant en cette ville lequel a vollontairement promis a guillaume des Jardins
sieur de Saint-Val demeurant en cette ville pour ce personnellent estably stippulant et acceptant
faisant pour Monsieur de la Tour lieutenant général pour le Roy en la coste d'acadie pays de la
nouvelle france et de s'embarquer lorsque ledit s. des Jardins l'en requerra dans le navire qu'il
envoye aud. s. de la Tour Lequel il promect servir en sesd. habitations avec fidellité à l'employe
qu'il plaira aud. sieur de la Tour l'espace de deux années prochaines et consécutifves qui
commanceront à courir le jour de l'arrivée dud. Froget aud. habitations moyennant soixante livres
tournois par an pour les loyers dud. Froget sur lesquels led. s. des Jardins luy a payé contant dix
huit l. ainsy qu'iceluyd. l'a recogneu... Fait à La Rochelle en la demure dud. notaire après midy ce
setiesme avril mil six cent quarente deux... led. Froget a décalré ne scavoir signer de ce requis."
Aux XVIIe et XVIIIe siècles, des milliers d'émigrants sont ainsi partis de La Rochelle avec un
contrat pour aller servir comme colons en Nouvelle France ; il y avait des charpentiers, des
laboureurs, des maçons, des boulangers, des sauniers etc... qui s'engageaient pour un service civil.
Tous les bateaux qui partaient devaient en transporter et, au Canada, on leur donnait tout le
nécessaire pour s'installer et fonder un foyer ; des primes à la naissance, des allocations familiales
encourageaient la natalité qui, dès le début, fut grande. De 1608 à 1760, il y eut à partir de 10000
immigrants français, 25464 mariages qui donnèrent 138251 enfants ; 68858 personnes moururent
pendant cette même période et en 1760, au moment de la cession du Canada à l'Angleterre, il y
avait 65000 Canadiens français.
En près de deux siècles ces chiffres n'ont cessé d'augmenter ; des familles se sont éteintes, mais
d'autres donnent un exemple de vitalité peu commune. Nous n'avons pu savoir, malheureusement,
ce qu'il est advenu d'Elie Froget, mais vous apprendrez avec surprise peut-être que les
descendants d'un Jean Doyon, originaire de Marsilly, se chiffrent par milliers aux Etats-Unis et au
Canada et que ce nom remplit les pages d'annuaires téléphoniques de certaines villes. Et ce
Mathurin Villeneuve, laboureur de Sainte-Marie-de-Ré, dont on compte dans la descendance, un
sénateur, des hommes de loi et un cardinal Villeneuve qui vint, il y a quelques années, rendre
visite au pays de ses ancêtres.

par Jean Joguet


Notaires du XVIe siècle
Plus encore qu'aujourd'hui, nos ancêtre s'adressaient au notaire pour les actes les plus importants
de leur vie familiale et sociale : mariage, testament, vente, fermage... Il y avait certainement au
XVIe siècle à Angoulins, un notaire, mais ses archives ont disparu et les quelques documents qui
vont suivre sont tirés d'études rochelaises ; La Rochelle était si proche et cela faisait plus chic !
Leur intérêt, chacun le comprendra aisément, ce sont les seuls vestiges de la vie des habitants
d'Angoulins à cette époque.
Le 16 avril 1531, Jehan, fils de Nicolas Fortmonnaye et de... Martinelle promet d'épouser
Clémence, fille de Pierre Bichot et de Marguerite Pain. Le père du futur était menuisier à
Angoulins et jouissait d'une fortune assez grande pour pouvoir, un jour, prêter 200 livres à un
bourgeois de La Rochelle. Les parents de la future, que nous retrouverons plus tard, étaient à la
hauteur... Au cours du contrat, sont cités quelques noms : Jehan Rondeau, seigneur des Rouhaulx,
Catherine Vincend, Bernard de la Garde, Arthur Gyrardon, Jehan Nau, Perrecte et Mathurine
Catherinelle, Pierre Hugreau et Clément Rolland, prêtres, François Fortmonnoye, Dominique
Robin, Toussaint Hugreau, Jehan Martineau.
Le 9 mai 1531, Pierre Augeau fait son testament au Pont de la Pierre. ses légataires sont :
Clément, son fils, Anne Rondeau, sa femme, Perrecte Rondeau, fille du seigneur des Rouhaulx, et
Jehanne Thévenin, ses nièces. Les témoins : Lucas Dugast, Mathurin Boutin, Maurice Sorin,
Jehan Frémyon, Jacques Soulliceau, Jehan Gallacheau et Collas Trailli.
Le 4 novembre 1531, Clément Rolland, chapelain de la chapelle J.-Rigot en l'église d'Angoulins,
meurt et on rappelle à cette occasion le testament que fît Jean Rigot, prieur de la chapelle Sainte-
Radegonde et successeur de Mathurin Fourestier, le 9 novembre 1494 : il fonde une messe
chaque vendredi à l'autel Saint-Jean l'évangéliste où il est enterré ; il lègue pour cela une vigne
sise au fief des Qautre-Chevaliers, au lieu-dit la Mernaulde, tenant au chemin de Patarin par
lequel on va d'Angoulins au Pont de la Pierre, aux biens de Laurent Gelmault et à ceux de la
confrérie du Saint-Esprit. Quelques noms cités : Thomas Michon, Marguerite Derbète, André
Pontard, Gilles, fils de Jehan Pain, Pierre Bichot et sa femme Marguerite Pain, cousins et
exécuteurs testamentaires de J. Rgot, Jehan Guillemin, vicaire d'Angoulins, Pierre Mistère,
Dominique Robin, Pierre Gastaud.
Dans le cours de ces contrats vous aurez remarqué les noms des prêtres qui desservaient soit la
chapelle Sainte-Radegonde, soit la chapelle Jean Rigot, soit l'église Saint-Pierre ; pour cette
dernière, c'était un vicaire. Il y avait certes, comme aujourd'hui un curé, mais il ne résidait pas. Et
comment l'aurait-il fait, lui que sa situation de famille ou de fortune avait doté des revenus de
plusieurs paroisses ? Il avait chois la meilleure et affermait les autres. Les fermiers - il faut bien
employer ce mot- étaient des prêtres sans fortune, des "petits curés de campagne" pourtant si
proches de leurs paroissiens qu'ils furent la sauvegarde du Catholicisme au temps de la Réforme
et les piliers de la véritable réforme du clergé au XVIIe siècle.
En juillet 1534, Christophe Descombes, licencié en droits, curé de Saint-Bathélémy de La
Rochelle, baille à titre de ferme à François Texier, prêtre demeurant à La Rochelle, la cure
d'Angoulins avec ses revenus pour 47 livres 10 sols tournois.
Le 26 février 1542, Pierre Nadeau, prêtre demeurant à Genoillac (diocèse de Limoges), agissant
au nom de André Delage, curé d'Angoulins, afferme pour trois ans et pour 55 livres tournois la
cure et vicairie de cette paroisse à Micheau Bastier et à Guillaume Belloteau, prêtres d'Angoulins
; Guillaume Gresset leur apporte caution.
Le 12 février 1549, François Cothereau, prêtre, s'associe à Loys Perrault, prêtre pour la moitié de
la ferme de la cure d'Angoulins que Supplice Nadau, curé deladite église, lui a cédée.
En 1591, le curé d'Angoulins était J. Simon ; en 1593, Jehan Lebesgue ou Lévesque. le 25 juillet,
quand ce curé voulut prendre possession devant notaire, il se passa un fait curieux mais bien
significatif de l'état des esprits en cette fin du XVIe siècle ; les fabriqueurs, membres de la
fabrique, et les habitants de la paroisse, refusent de lui donner les clés et de lui ouvrir la porte de
son église ; le curé dut se résoudre à toucher les murs et attendre une meilleure occasion.
Mauvais esprit ? Je ne le pense pas, mais plutôt une révolution latente depuis bien des années. En
cette fin de siècle, La Rochelle est toute protestante. A Angoulins, le Pont de la Pierre est un fief
de la nouvelle religion et bientôt il aura son cimetière réformé ; l'église fortifiée s'attend de jour
en jour à subir l'assaut des milices protestantes. L'événement du 25 juillet est expliqué par tout
cela. Plus encore, il laisse prévoir la grande réforme du Clergé ; la paroisse veut que son curé vive
chez elle et partage ses bons comme ses mauvais jours.
Notaires du XVIe siècle ! Il y a encore quelques actes aussi intéressants : ils verront
prochainement le jour et si le sujet vous plaît, aidez le rédacteur de ces lignes : fouillez vos
greniers, il y a certainement des trésors.

Jean Joguet
Echos du bon vieux temps
Le 2 juin 1481, à la requête de messire Raymond Péraud, archidiacre d'Aunis, ambassadeur de
Louis XI, futur évêque de Saintes et cardinal, le pape Sixte IV accordait une bulle d'indulgences à
ceux qui contribueraient à la restauration de l'église Saint-Pierre d'Angoulins. Voici la traduction
de cette bulle retrouvée par M. l'abbé Mongis parmi les archives de la fabrique - où sont-elles
actuellement ?- et que publia en 1874 le "Bulletin Religieux" diocésain :
" Sixte, évêque, serviteur des serviteurs de Dieu, à tous les fidèles chrétiens que ces présentes
lettres verront, salut et bénédiction apostolique. Bien que Celui de la grâce duquel vient qu'on
rend à Lui et à ses fidèles les devoirs convenables, par un excès de cette bonté qui surpasse les
mérites et les voeux de ceux qui le prient, récompense leurs services au-delà de ce qu'ils peuvent
mériter, néanmoins le désirant procurer au Seigneur un peuple agréable et zélé pour le bien, nous
voulons, par l'attrait des grâces, c'est à dire par des indulgences et pardons, engager les
populations fidèles à plaire à Dieu et à se rendre plus aptes à recevoir la divine grâce. En
conséquence, désirant voir fréquenter et honorer comme il convient l'église Saint-Pierre
d'Angoulins, à laquelle, ainsi que nous l'avons appris, porte un intérêt tout particulier Notre bien-
aimé fils, Maitre Raymond Péraud, ambassadeur de Notre très cher fils en Jésus-Christ, Louis, roi
très chrétien de France, envoyé près de Nous pour traiter d'affaires diverses et délicates, voulant,
disons-nous, attirer vers cette église de Saint-Pierre un plus grand concours de fidèles qui
viennent y satisfaire leur dévotion, pour les engager à contribuer plus promptement à son
entretien, à sa conservation et restauration, afin qu'ils sortent de ce lieu soulagés par une
abondance plus grande de la grâce d'en-haut, pleins de confiance dans la miséricorde du Tout-
Puissant, et l'autorité de ses apôtres, les bienheureux Pierre et Paul, à tous ceux qui visiteront
dévotement chaque année ladite église Saint-Pierre, le jour de la fête de l'Annonciation de Notre-
Dame, et les lundis de Pâques et de la Pentecôte, depuis les premières vêpres jusqu'aux secondes
desdits jours, et auront contribué ces jours-là à l'entretien, à la conservation et à la restauration de
ladite église, comme dit est, Nous remettons miséricordieusement dans le Seigneur quinze ans et
autant de quarantaines de la pénitence qui leur serait enjointe dans la forme accoutumée de
l'Eglise...
Puis, le Pape fulmine une sentence d'excommunication contre ceux qui détourneraient de leur but
les aumônes. Au lendemain de la Guerre de Cent ans, c'était "grande pitié" pour les église de
notre région. Les habitants des campagnes n'étaient guère riches, mais comme après toutes les
guerres, il y avait encore des gens fortunés. La bulle de 1481 encourage les dernières volontés
de ceux qui vont se présenter devant le Juge suprême et souhaitent y retrouver l'innocence
baptismale.
A la fin du XVe siècle, Mathurin Fourestier adminsitrait le prieuré Sainte-Radegonde avec olivier
Garin son "compère" ; tous deux étaient prêtres et chanoines de l'église "Monseigneur-Saint-
Gilles près Surgères". S'il n'en était originaire, le prieur habitait Angoulins depuis longtemps ; il
en avait même été curé. Deux neveux, Mathurin Fourestier et Jehan Barbier y étais aussi établis.
sa richesse en maisons, vignes, marais salants était grande et ceci explique l'importance de son
testament pour l'histoire d'Angoulins à la fin du XVe siècle.
Mathurin Fourestier élit sa sépulture dans la chapelle Notre-Dame ; il y établit et dote un
chapelain, si bien que plus tard on parlera encore de la chapelle des Fourestier. Il donne une tierce
partie du produit de la vente de ses biens meubles "pour ayder à accomplir et parachever l'ediffice
commancé affin destre recueilly les biens faictz prières et oraisons faictz en laditte église". Il
lègue des vignes aux confréries du "Corps de Jésus-Christ" et de "Saint-Nicolas".
Au hasard des legs et des confrontations de terrains, quelques familles sont citées : Baillon,
Barbier, Fourestier, Cousturier, Garin, Gerçon, Gelmault, Giraudoux, Girault, des Grouards,
Guyonnet, Mérisson, Moreau, Richard, Rigot, du Taisson, Turigny. A une époque où les registres
paroissiaux n'existaient point, de rares actes notariés apportent quelques lueurs sur l'origine de
certaines familles ; le testament Fourestier, du 4 juillet 1490, est de ceux-là.
Au lendemain de la guerre de Cent ans, il n'y avait pas que les ruines matérielles ; les populations
étaient décimées tant que l'on dut faire appel à des habitants du Bas-Poitou pour assurer la culture
des terres. Le fait est remarquable dans d'autres parties de l'Aunis, mais je ne sais quelle en fut la
proportion pour Angoulins. ces noms que nous avons notés ont la plupart disparu de notre sol.
d'autres sont venus... Comme la famille, la paroisse est en perpétuel mouvement.

Jean Joguet
A propos des bourgnes d'Angoulins
La bourgne était à proprement parler une nasse en osier, et c'est ainsi que le mot est toujours
employé en Aunis et Saintonge. Au Moyen-âge, c'était aussi une écluse établie sur le rivage de la
mer pour pêcher le poisson ; elle était formée de deux murs en forme de côtés de triangle, dont la
pointe se trouvait à l'opposé de la rive ; à cette pointe était une bourgne ou nasse d'osier destinée à
recevoir le poisson pris entre les murs de l'écluse à marée descendante.
De nombreux textes signalent sa présence dès le XVe siècle à Angoulins, Sécheboue et Saint-
Jean-du-Sable. Au XVIe siècle, je trouve deux actes. En 1536, le 21 janvier, les frères et soeur
Coutureau font un partage de biens. A Jehanne Couturelle échoit "une bourgne autrement escluse
située et assize au Chérat, tenant d'un cousté à la falèze de la mer, d'un bout aux terres
vulgairement appelées les terres de feu Pierre Baillou, d'autre bout au chiron nommé Saint-
Nezère..." Quelques mois plus tard, cette même bourgne est cédée à Estienne Alays, laboureur à
Angoulins : "Une bourgne autrement excluse sytuée sur la ryve de la mer au lieu nommé le chirat
de Saint-Nazaire, tenant d'une part à la bourgne ou excluse de Pierre Mousse, d'autre part à la
falaize de la mer et d'autre part au chirat de Saint-Nazaire..."
L'intérêt de ces deux actes dépasse celui de simples pêcheries et c'est pourquoi ils ont été choisis.
Le chirat ou chiron en parler d'Aunis et Saintonge est un amas de ruines ou de pierres ; le
qualificatif de Saint-Nazaire, qui est appliqué à celui d'Angoulins, permet de penser qu'il s'agit
d'un amas provenant des ruines de l'ancienne église Saint-Nazaire disparue quatre cent ans plus
tôt. Ce chiron, d'après les limites de la bourgne, parait placé sur un promontoire où était placée
cette église ; celle-ci ne fut peut-être point emportée par la mer, mais tomba en ruines lorsque le
centre de population de l'île Bazauges fut abandonné. Et ce sont ces ruines qui ont donné le nom
de l'actuel lieudit Le Chirat.
La bourgne ou écluse n'était point le seul moyen de pêche ; ainsi en 1542, Typhane Gelinault,
veuve de Pierre Gost, d'Angoulins, reconnaît devoir à Guillaume Moreau, marchand à Aytré, la
somme de 18 livres à cause de 6 "raytz appeletz touillaux préparés à pescher touilles et autres
poissons...". Au XVIIe siècle, on ne parle plus de bourgne ; le mot est abandonné au profit de
l'écluse. Il y a toujours des pêcheurs car le carême est rigoureux, la viande moins abondante et
certains seigneurs aiment vraiment beaucoup le poisson, tant que leurs cens se réglaient en plats
de poissons.

Jean Joguet
Les frères Charpentier fondeurs de cloches

(...) aucun specimen de l'art des frères Charpentier ne pourrait être admiré si dans les derniers
mois de l'année 1631, ils n'avaient quitté leur résidence du Tablier pour une paroisse de l'Aunis,
Angoulins, où ils allaient fondre la cloche de l'église St Jean de Chatelaillon. Après avoir échappé
au raz de marée qui détruisit la ville en 1709 et à la Révolution dans une nouvelle église
construite aux Trois Canons, elle fut revendiquée par la paroisse d'Angoulins, dont Chatelaillon
n'était plus qu'un village. Là en 1907, bien communal, elle faillit être fondue et son poids de
métal échangé contre une cloche d'horloge publique ; les protestations véhémentes du curé et
l'intervention du conservateur des Antiquités et Objets d'Art provoquèrent son classement le 21
octobre 1907. On la replaça donc dans une ouverture de la basse église où elle fut condamnée au
silence, sans doute par vénération (note : G Mathieu professeur à la faculté des sciences de
Poiters dans son article sur le site géologique de Chatelaillon (Norois) cite cette cloche comme
provenant de la chapelle bâtie sur l'ilot St Jean des Sables. L'auteur a émaillé un intéressant
travail de notes historiques la plupart incontrolables et souvent erronées. Ainsi cette cloche
revenait au lieu de sa fonte. Les registres de Me Oclerc notaire de la seigneurie d'Angoulins,
conservent encore la minute du marché passé le 30 novembre 1631 entre la fabrique de
Châtelaillon et les fondeurs. Une lacune dans le dernier folio du registre ne permet d'en donner ni
les clauses générales ni les signatures, mais tel qu'il se présente il est tout à fait digne d'intérêt
puisque, fait assez rare dans l'histoire campanaire, il s'applique à un objet qui existe.
Voici la teneur de l'acte : "Sachent tous que pardevant Toussaint Oclerc notaire en la baronnie de
Chatelaillon pour haut et puissant seigneur monsieur le baron dudit lieu ont estés personnellement
establis Messire Geoffroy Bouchard prebtre et curé de Chastelaillon, Pierre Lorit fabriqcqueur de
ladite paroisse, Estienne clerc marchand, François Drouhet, Jehan Benesteau, J. Lasse mousnier,
Hellye Pinet, J. Lorit, Micheau Pointier, Guillaume Moreau, Hellye Gauvrit, Mathurin Viault,
Jehan Roy, Mathurin Hay et plusieurs autres tous manans et habitans de ladite paroisse de
Chastelaillon d'une part et Pierre Cherpentier maitre fondeur du lieu du Tablier en Poitou faisant
tant pour lui que pour Jehan Cherpentier son frères aussi maitre fondeur demeurant audit lieu
absant et auquel ledit Pierre Cherpentier sondit frère promect et sera tenu luy faire ratiffier et
avoir pour agréables ses présantes touttes foys et quantes les présantes néantmoingts tousjours
tenant d'autre part. Lesquelles parties de leur bon grés et vollontés ont fait passé et accordé entre
eulx le marché qui s'ensuit assavoir que ledit Pierre Cherpentier audit nom a promis promet
s'oblige et sera tenu de faire une cloche pour lesdits habitants susnommés et icelle leur céder
faitte et parfaitte dedans quinze jours prochain à compter du jour datte des présentes de la
pesanteur de six vingt livres ou environ plus ou moins bonne cloche loyalle et marchande avecq
ung bon son en fournissant par iceulx fondeurs de toutte sorte de métal que autre matière propre
pour ce faire le tout bon loyal et marchand fournir par eulx de bois et terre et toute autre chose
qu'il sera requis et nécessaire pour icelle faire sans que lesdits habitans susnommés soyent tenus
fournir d'aucune chose qui soit sinon du balail et jouc de ladite cloche et toutte ferrure qu'il
conviendra faire, prinse icelle cloche par lesdits habitans au bourg d'Angoullin auquel lieu lesdits
fondeurs feront fondre ladite cloche et ce pour et moyennant que ledit Bouchard curé susdit et
autres habitans susnommés solidairement chacun d'eux seul et pour le tout ont promis promettent
et seront tenus de bailler et payer auxdits fondeurs pour chacune livre de métal la somme de
quatorze sols six deniers jusques à la pesanteur deladite cloche. C'est laquelle somme seront tenus
bailler et payer auxdits fondeurs et es leurs dedans le jour et feste de Saint Michel pour tout
dellay et sans nul contredit et asvenant que estant ladite cloche faitte et parfaitte et qu'il advienne
qu'elle vingt à casser ou qu'elle ne soit bonne et loyale par la faute notable desdits fondeurs en ce
cas seront tenus icelle refaire à leur propre cout et despan et non aultrement. Tout ce que dessus
les parties ont ainsi voulleu consanty stipullé et accepté..."en marge " et lelendemain premier jour
de décembre audit an ledit Jehan Cherpantier desnommé en présant contrat en sa personne de sa
bonne vollonté et apprès que lecture d'icelluy contrat luy a esté faitte par moi notaire qu'il a tout
dit bien saisir et entendre a icelluy contrat rattiffié approuvé et esmollogué en tous les points mots
charges et conditions et advenant le huitième jour de décembre mil six cent trente et un lesdits
fondeurs en leur personne ont remis auxdits habitans la cloche mentionnée par ledit contrat de
marché laquelle s'est trouvée pesant le nombre de cent quarante cinq livres qui revient à la
somme de 105 livres 2 sols 6 deniers de laquelle somme lesdits habitans en ont payé comptant
aux dits Cherpentier la somme de treize livres qu'ils ont prise et receue e s'en contante et en ont
quitté lesdits habitans sans préjudice auxdits Cherpantiers de la somme de quatre vingt douze
livres deux sols six deniers..."
Actuellement suspendue à un bâti de chêne près de la porte de la basse église qui est sacristie,
cette cloche a repris une digne fonction lithurgique, celle d'annoncer aux fidèles la marche du
prêtre vers l'autel. Mieux que dans un clocher, on peut voir la grande et jolie croix fleuronnée qui
orne sa panse et lire l'inscription : SAINCT JEHAN DE CHASTELAILLON. ME GEOFFROY
BOVCHART CVRE. FABRICQVEVR P. LORI + ESTIENNE OCLERC + PAIRIN ESTIENNE
GABET. MAIRAYNE PERRYNE OCLERC. 1631. L'église qui l'abrite possède elle aussi des
caractéristiques dignes d'attirer l'attention du lecteur bas-poitevin. Son architecture primitive,
avant l'écroulement des voûtes et la restauration du siècle dernier, fait penser à celle de Cheffois.
Il y avait deux nefs, l'une romane allongée en basse église gothique au XICe siècle, l'autre
gothique -on l'achevait en 1481- dédiée à St Jean l'évangéliste comme à cheffois. Le chevet porte
deux grandes baies gothiques aujourdhui bouchées ; l'extérieur en fut fortifiés aux XIVe et XVe
siècles. A cette époque, fin XVe siècle, les comtes de Dunois et de Longueville, barons de
Vouvent et de Chatelaillon, étaient suzerains respectifs de Cheffois et d'Angoulins ; d'autre part,
les Rouhault, seigneurs de la Rousselière en Cheffois, l'étaient aussi du Pont de la Pierre en
Angoulins. A Cheffois, Jean Rouhault fit placer aux voutes de l'église les armes du roi, celles de
François, comte de Dunois et de Longueville, et les siennes propres (Note de bas de page : R.
Valette, La Chataigneraie et son canton, p13-14) ; à Angoulins, un PV du XVIIIe siècle constate
la présence au-dessus de la porte principale, celle de la basse église, de trois blasons, celui du
Roi, l'autre à demi effacé où l'on devine un parti de France, et le troisième illisible. Il y a là,
sembe-t-il, une même mise en oeuvre justifiée par la présence de mêmes seigneurs dans les deux
paroisses.
Ainsi la conservation de la cloche de Saint-Jehan de Chatelaillon dans une église qui rappelle le
Bas Poitou n'en prend que plus de relief. Malgré les vissicitudes de son passé et peut être grâce à
elles, sa voix est demeurée nette et sans fêlure. Par sa forme, son inscription et sa grande croix
fleuronnée, c'est une oeuvre d'art qui fait honneur à Jean et Pierre Charpentier qui en 1631
partirent du Tablier la fondre à Angoulins.

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