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Résumé
REB 34 1976Francep. 325-331+4 pi.
Nicole Thierry, Les plus anciennes représentations cappadociennes du costume episcopal byzantin. — Complétant son étude
précédente sur les modifications du costume episcopal (REB 24, 1966, p. 308-315), l'auteur revient sur la description de
l'omophorion ou étole episcopate. Les représentations anciennes se caractérisent par la simplicité et l'étroitesse de l'écharpe, sa
disposition en courbe souple sur la poitrine et la retombée à gauche du pan terminal. En Cappadoce se rencontrent quatre
représentations d'évêques qui se rapprochent des représentations primitives : à Saint- Jean de Çavuşin, dans deux églises de
Gūllū dere et à Hagios Basilios. L'illustration comprend deux schémas et sept photographies.
Thierry Nicole. Les plus anciennes représentations cappadociennes du costume épiscopal byzantin. In: Revue des études
byzantines, tome 34, 1976. pp. 325-332.
doi : 10.3406/rebyz.1976.2056
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rebyz_0766-5598_1976_num_34_1_2056
LES PLUS ANCIENNES
REPRÉSENTATIONS CAPPADOCIENNES
DU COSTUME EPISCOPAL BYZANTIN
Nicole THIERRY
Dans un article déjà ancien nous avons traité rapidement des modifica
tions du costume episcopal tel qu'il est représenté sur les peintures murales
et miniatures du IXe au xme siècle1. En fait, nous nous étions limitée à
définir la présence ou non de trois accessoires : l'omophorion, Pépitra-
chélion et l'enchirion (ce dernier précédant l'épigonation). Nous pensions
alors que ces modifications avaient un parallélisme certain avec l'époque
des représentations. A considérer de nouveaux exemples, le fait s'est total
ement vérifié pour les peintures murales, conformément à nos premières
conclusions2, si bien que le costume episcopal nous paraît être un excellent
critère chronologique pour la classification des décors monumentaux.
Depuis, nous avons constaté que notre étude aurait pu être complétée
et enrichie par la mention du polystavrion, ce vaste manteau blanc semé
de croix noires dont les premières représentations remontent à la seconde
moitié du XIe siècle3. D'autre part, à propos de la peinture monumentale,
1. Nicole Thierry, Le costume episcopal byzantin du ixe au xrae siècle d'après les
peintures datées (miniatures, fresques), REB 24, 1966, p. 308-315.
2. Pour les miniatures, les marges de datation sont plus vastes, ce qui s'explique par
le caractère traditionaliste et conservateur de l'art du livre {ibidem, p. 304).
3. Il est attribué en premier temps à saint Jean Chrysostome ; cf. par exemple à
Eski Gümüs (troisième quart du xie siècle), Ateni (1072-1089), Asinou (1106) : Nicole
Thierry, A propos des peintures d'Ayvah köy, Cappadoce, Programmes absidaux à
trois registres avec Déisis en Cappadoce et en Géorgie, Zograf 5, 1974, p. 7 n. 7, p. 11
n. 21 (datation), fig. 3 et 11. Le Père Ch. Walter, que nous remercions ici, nous a signalé,
parmi les plus anciennes représentations manuscrites répertoriées, celles de Jean Chrysos
tome et Nicolas de Myre, dans le Vatican grec 1 157, manuscrit situé par Kurt Weitzmann
entre 1070 et 1100.
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8. P. Romanelli et J. Nordhagen, Santa Maria Antiqua, Rome 1964, pi. 42, 43 : sur
des évêques latins (peintures de 757 à 767) ; cf. note 1. Suite n. 13.
9. V. Lazarev, Storia délia pittura bizantina, Turin 1967, fig. 45, 48, 59 ; pour l'orarion
du diacre, voir fig. 45, 47, 50, 41.
10. Ibidem, fig. 45.
11. Nicole et M. Thierry, La cathédrale de Mren et sa décoration, CA 21, 1971,
p. 43-77, fig. 37.
12. M.-Ch. Pela, La decor azione musiva di S. Apollinare in Classe, Bologne 1970,
p. 53-56, fig. 20 et 21.
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phorion, moins étroit déjà, prend cet aspect de V rigide et rectiligne avec
pan terminal médian se détachant de la pointe du V13 (fig. 7 b). Cependant,
cette forme primitive fut reprise de façon adultérée ultérieurement ; ainsi dès
la fin du Xe siècle, lorsqu'on prit l'habitude de représenter des séries d'évê-
ques le long du registre inférieur des sanctuaires, on essaya de varier quelque
peu les omophorions, dans leur ornementation surtout, mais également dans
leur disposition, et l'on reprit cet enroulement transversal, le pan terminal
étant rejeté à gauche. Ces pastiches ne peuvent être confondus avec les
prototypes, car les étoles sont larges et disposées horizontalement sur les
épaules, très près du cou qu'elles enserrent comme les rabats d'un capuchon
(fig. 3). Notre exemple est un des plus anciens, peint dans l'abside du grand
pigeonnier de Çavusin, en Cappadoce (964-965), église que nous appelons
aujourd'hui Eglise de Nicéphore Phocas en raison de la représentation de
l'empereur et de sa famille dans Pabsidiole nord14.
En Cappadoce, nous avons pu identifier quatre représentations d'évêques
portant l'omophorion primitif tel que nous l'avons décrit plus haut. En
premier lieu, dans le presbyterium de la basilique Saint-Jean-Baptiste de
Çavusjn15, on reconnaît deux silhouettes à demi détruites à droite de la
porte sud : le buste d'un diacre vêtu de la tunique blanche sur laquelle
pend l'orarion et le buste de l'évêque Hypate (schéma A). L'évêque, que
nous avons découvert en 1970, était mieux conservé qu'aujourd'hui, ses
traits de type protobyzantin ayant été en partie effacés depuis (fig. 4). On
distingue cependant fort bien la chasuble ocre rouge traversée à hauteur
des épaules par la courbe large de l'omophorion dont le pan terminal tombe
sur le côté ; on note que Pétole est étroite, blanche et sans ornement.
Dans un vallon voisin dit Güllü dere (vallon rose), deux églises mal dé
crites par le Père de Jerphanion recèlent des images du même ordre16.
13. Voir note 1. Ces caractères survivent dans les Psautiers du ixe siècle, quelque peu
différents d'une miniature à l'autre et se rapprochant plutôt de la représentation de
l'église iconoclaste Hagios Basilios (notre fig. Ία) ; cf. Suzy Dufrenne, U illustration des
Psautiers grecs du Moyen Age, I, Paris 1966, Pantocrator 61, pi. 2 (ces formes archaïsantes
se distinguent aisément des pastiches, fréquents à partir de la seconde moitié du xe siècle :
notre figure 3, et précocement utilisés à Sainte-Marie- Antiqua en 757-767 pour des évêques
orientaux : op. cit., n. 8, pi. 43, 45).
14. G. de Jerphanion, Les Eglises Rupestres de Cappadoce, Paris 1925-1942, I,
p. 520-550. Compléments à paraître dans Nicole Thierry, Haut-Moyen-Age en
Cappadoce. Les Eglises de la région de Çavusin.
15. G. de Jerphanion, op. cit., I, p. 511-519 ; description totalement reprise dans le
chapitre IV de Haut-Moyen-Age en Cappadoce, op. cit. (résumé dans Nicole Thierry,
La basilique Saint -Jean-Baptiste de Çavusin, Bulletin de la Société Nationale des Anti
quaires de France, 1972, p. 198-213).
16. G. de Jerphanion, op. cit., I, p. 590-595. Les cinq églises de ce vallon seront
présentées dans les chapitres V à IX de Haut-Moyen-Age en Cappadoce.
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Dans la petite chapelle dite n° 2, les deux évêques qui encadrent l'entrée de
l'abside sont semblablement figurés, debout de face, tenant le livre, vêtus
de la chasuble rouge sur laquelle se détache nettement l'omophorion blanc,
bande étroite qui traverse la poitrine et retombe sur le côté gauche (fig. 5)17.
On remarque déjà ici la silhouette aux épaules tombantes et la tête trian
gulaire à crâne aplati assez evocatrice des silhouettes du VIIe siècle, de Saint-
Démètre de Salonique par exemple.
Plus caractéristique encore est la représentation de l'évêque Agathange
peint près de l'arc absidal de l'église n° 3 de Güllü dere (schéma B, fig. 6) ;
nous avons déjà décrit le visage triangulaire, la chevelure coiffant le front
«en béret basque», comme le précise André Grabar pour des formes
similaires, les épaules tombantes et la forme globale en cloche, l'ensemble
17. Vue générale de la paroi orientale dans Nicole Thierry, Quelques monuments
inédits ou mal connus de Cappadoce, centres de Maçan, Çavuçin et Mavrucan, Infor
mation d'Histoire de l'Art, janv.-févr. 1969, fig. 11.
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évoquant les figures du vne siècle de Salonique (fig. 2)18. La masse volumi
neusedes multiples plis de la tunique et de la chasuble rappelle encore celle
des figures de Saint-Démètre, comme l'étroite étole qui dessine sa courbe
large au travers du thorax, le long pan terminal retombant sur le côté
gauche. L'omophorion est ici régulièrement décoré de quelques lignes
noires transversales et de quatre points disposés en croix.
18. Nicole Thierry, Notes critiques à propos des peintures rupestres de Cappadoce,
REB 26, 1968, p. 357.
19. G. de Jerphanion, op. cit., II, p. 105-111 ; Nicole Thierry, Les peintures murales
de six églises du Haut-Moyen-Age en Cappadoce, Comptes Rendus de ΓAcadémie des
Inscriptions et Belles-Lettres, 1970, p. 445.
COSTUME EPISCOPAL ΒΥΖΑΝΉΝ 331
sur les épaules et se tordant avant de croiser le pan terminal qui tombe
de l'épaule gauche. La disposition est un peu différente des précédentes
en raison de cette torsion ; elle s'y apparente cependant et se distingue
nettement de la disposition ultérieure caractérisée par le V rectiligne et
plus ou moins profond dessiné sur le thorax, le pan terminal se détachant
de la pointe centrale pour tomber verticalement dans l'axe médian de la
figure20. On sait que les peintures d'Hagios Basilios sont iconoclastes,
les deux figures d'évêques qui encadrent l'abside étant les seules figures
animées du programme décoratif et devant être considérées comme des
portraits historiques, vraisemblablement de Basile de Césarée et de Grégoire
de Nazianze21. Il est donc intéressant de noter que l'étole, conforme aux
caractéristiques de l'époque antérieure et s'en distinguant légèrement
cependant22, ne se retrouve pas sur le second évêque (fig. 7 b), qui est figuré
avec l'étole en V et pan terminal médian comme sur d'autres exemples du
vmc siècle et ultérieurement au ixe et au début du xe23.
Ces deux représentations d'évêques de l'église iconoclaste d'Hagios
Basilios (fig. Ία et Tb) constituent un terminus ante quem exemplaire pour
notre petite série d'images cappadociennes. On constate parallèlement que
ces représentations micrasiatiques des évêques s'intègrent fort bien chro
nologiquement dans la série byzantine déjà connue ; sur ce point il faut
donc reconnaître l'homogénéité du matériel archéologique du haut moyen-
âge sur l'ensemble du territoire de l'empire byzantin24.