Professional Documents
Culture Documents
Résumé
REB 63, 2005, p. 207-216.
Albert Failler, Le roseau, le papyrus et le papier. - Le mot grec « papyros » peut désigner soit la plante aquatique qui pousse en
particulier au bord du Nil soit le support d'écriture qui en a tiré son nom, qu'il s'agisse de la feuille de papyrus ou, surtout, du
papier fabriqué grâce aux fibres de la tige. Dans les chapitres 32 et 33 du livre VI des Relations historiques de Georges
Pachymérès, les éditeurs du texte ont, à tort, retenu le second sens (« papier ») au lieu du premier (« papyrus »).
Abstract
The Greek word "papyros" is used to describe either the plant that grows on the Nile's banks, or the writing material that has
taken its name from this plant, whether this be the papyrus leaf or the paper made from the fibres of the plant's stalk. In chapters
32 and 33 of Book VI of George Pachymeres' Historical, the editors of the text wrongly understood the word in its second sense
("paper") rather than in the first ("'papyrus").
Failler Albert. Le roseau, le papyrus et le papier. In: Revue des études byzantines, tome 63, 2005. pp. 207-216.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rebyz_0766-5598_2005_num_63_1_2313
LE ROSEAU, LE PAPYRUS ET LE PAPIER
Albert FAILLER
1.
και βούτυμον. Voir aussi Job. 8. 1 1 : Isaïe. 19. 6. Chacune des trois familles auxquelles appartiennent
ces plantes (cypéracées. graminacées, joncacées) est assez bien identifiée pour qu'on puisse exclure
toute contusion, entre papyrus et roseau par exemple.
Revue des Études Byzantines 63. 2005. p. 207-216.
208 ALBERT FAILLER
Τα μεν ούν προς Θεόν οΰτως έξητοιμάζετο · παρήγγελτο γαρ πατριάρχη τε κάι
άρχιερεΰσι συνάμα παντι τω κλήρω πρώτον μεν πάννυχον ίκετείαν προς Θεόν
κατ' εκείνων ποιήσασθαι, είτα δε άμ' εω πατριάρχην τε και συν αύτω εξ άλλους
των προυχόντων αρχιερέων, τας ιεράς στολας ένδυθέντας, των λοιπών έκεΐσε
θεοκλυτούντων, έπιτελείν εύχέλαιον, φακέλλους δε παπύρων ποιήσαντας, τω
καθαγνισθέντι έλαίω βάπτειν και οΰτω διδόναι τοις ταΰτ' άπάξουσι προς το
στράτευμα, ώστ' άποχρώντ' είναι τω τών στρατιωτών πλήθει, έφ ω εν' εκαστον
των παπύρων ενα κρατούντα όμόσε χωρεΤν τοις έχθροΐς. Ταΰτ' έπετέτακτο και
την ταχίστην έπέπρακτο, και οι θείοι φάκελλοι τών παπύρων, σκεύεσιν ΰελίνοις
έμβεβλημένοι, άμα μεν μετ' ευχής, άμα δε και μετ' ασφαλείας έπέμποντο. <...>
"Αμα γοΰν εω οι εντεύθεν συνησπικότες, κρατούντες έκαστος και τον θείον έξ
ελαίου πάπυρον, περαιωθέντες τον ποταμόν, τεταραγμένοις έμπίπτουσι και άμα
προς φυγήν τρέπονται8.
6. Georges Pachymérès, Relations historiques, VI, 32-33 V. Laurent - A. Failler, II, Paris 1984,
p. 640-653.
:
7. Le genre du substantif apparaît clairement dans l'une des occurrences du mot : τον θείον...
πάπυρον (Pachymérès, VI, 32 II, p. 64724"25).
8. Voici la référence aux deux passages du chapitre 32 qui sont cités ici : Pachymérès, VI, 32
:
II, p. 64327-6459 et 64724 26. Pour permettre de les repérer aisément dans le texte, les occurrences du
:
substantif πάπυρος et de son équivalent dans les deux traductions sont imprimées en italique. D'autre
part, le texte de l'édition doit être corrigé sur un point à la ligne 5 de la page 645, il faut lire εν'
:
εκαστον, et non εν εκαστον, comme le porte l'édition qui vient d'être citée, ou εν και εκαστον, comme
LE ROSEAU, LE PAPYRUS ET LE PAPIER 209
« Le recours à Dieu fut donc préparé de la manière suivante, comme l'ordre en avait
été donné : le patriarche, les évêques, ainsi que tout le clergé, feraient d'abord une
veillée de supplication à Dieu contre ces gens ; ensuite, à l'aube, le patriarche et avec
lui six autres évêques parmi les plus importants endosseraient les ornements sacrés
et, tandis que les autres adresseraient là leurs invocations à Dieu, ils béniraient
l'huile sainte ; après avoir fait des cornets de papier, ils les plongeraient dans l'hui
le bénite et ils les remettraient ainsi aux gens chargés de porter ces objets à l'armée,
de manière qu'il y en eût en suffisance pour la masse des soldats, afin qu'un chacun
tînt un de ces papiers pour marcher contre les ennemis. Cela avait été prescrit et
exécuté au plus vite, et les divins cornets de papier, placés dans des récipients de
verre, furent expédiés avec des prières et en sûreté tout à la fois. <...> Dès l'aube
donc, les hommes de la Ville qui étaient venus porter secours et qui tenaient chacun
le divin papier garni d'huile traversent le fleuve, tombent sur des gens déconcertés
et les mettent aussitôt en fuite »9.
l'a transcrit Pierre Poussines. En fait, les deux Barberiniani (sigles Β et C dans l'édition), qui sont les
modèles du premier éditeur, ont la bonne leçon. C'est donc à tort que celui-ci a retenu une leçon que ne
présente aucun manuscrit : έν κα\ εκαστον. Quant au dernier éditeur, il a retenu la leçon εν εκαστον,
qui se lit effectivement dans le manuscrit A, mais non dans Β et C, qui ont bien εν' (avec l'accent aigu
et le signe de l'élision tout à fait clairs), et non εν. Ajoutons que la locution pronominale εις έκαστος
est attestée dès l'époque classique. La locution pronominale française « un chacun » en offre un calque
parfait. L'expression est attestée en trois autres endroits de l'Histoire (I, p. 171 l(1 ; IV. p. 53928717|λ). Le
troisième emploi ne provient d'ailleurs pas de la plume de l'historien, car il se trouve dans la lettre que
l'historien s'est contenté de transcrire et qui est adressée par les archontes de l'Église au patriarche. Le
rédacteur de la Version brève, qui reprend l'un de ces trois emplois (II, p. 12719). utilise plus couram
ment la locution pronominale (I, p. 1527 222" 6028 61 1(U7 626 79W 1425 14928 15019 15314 ι II. p. 6917 16934
17026) ; on peut en déduire qu'il s'agit là d'une expression courante de la langue commune.
9. Ajoutons que la Version brève, loin d'éclairer le passage, n'en offre qu'un pâle résumé (I,
p. 186 "-187' et 18722 24) Και στάσις πάννυχος ύπο του πατριάρχου, αρχιερέων τε πάντων και των
:
του κλήρου ήδη τελείται, καί, ημέρας διαυγαζούσης, εύχέλαιον επιτελείται. κα\ καθαγνισθέν
ελαιον έν σκεύει ύελίνω τίθεται προς το στράτευμα διακομισθήναι και έν τω της συμπλοκής πολέμα)
χρισθήναι άν τότε το στράτευμα. Ταΰτα ήδη την ταχίστην τετέλεστο. <...> Τοΰτο άκουσθεν έν τω
■Ρωμαϊκω στρατω. τη έπιγεγονυία ήμερα τον ποταμόν Άσούνην διαπεραιοΰνται και τοις "Ιταλοί ς
συμπλέκονται, και δη τρέπονται Ιταλοί προς φυγήν.
210 ALBERT FAILLER
citum portaturi in procinctu stabant. Erat autem numerus chartularum oleo tincta-
rum quantus sufficeret, ut unicuique militi contra hostem ituro sua tribueretur, quam
secum in praelio gestaret. Haec ut imperata, sic executioni mandata confestim sunt.
Et sacri fasciculi chartarum in vasa vitrea injecti, simul religione congrua, simul
velocitate summa mittuntur in castra. <...> Ergo sub auroram nostri omnes armis
sumptis, correptaque quisque in manum tincta oleo sacro chartula, trajecto amne in
turbatos clade ducis hostes ruunt. Hi statim funduntur fuganturque »l0.
"Ηγοντο δε στιχηδόν εκείνοι καθ' ενα, ώς είχεν έκαστος έφ' ϊππου κατά θάτερα
των πλευρών καθήμενος. ' Εδίδοτο δ' έκάστω κρατεί ν και κοντόν εκ παπύρου ή
τίνος άλλου εικαίου, ώς τρόπαιον πάντως του κατά σφάς πταίσματος. "Οχλος δε
παρ' έκάτερα πλείστος ϊστατο, οι μεν τα της τΰχης έποικτιζόμενοι καί γ'
έλεοΰντες είκαίως αγομένους τους μεγιστάνας, οι δε κα\ έπιμωκώμενοι, δεικνύν-
μετ'
τες οίον ές όπόσον φέρει ή άνοιας άπόνοια, ή μικρά μεν σαίνει, μεγάλα δε
τα κακά φέρει · άλλοι δε και συρίττοντες, οία τα του πλήθους, έχλεύαζον".
« Les prisonniers étaient conduits en rang par un, chacun se tenant assis comme il
pouvait sur l'un des flancs du cheval. À chacun on donna aussi à tenir un javelot
en papier ou en quelque autre matière vile, comme trophée éclatant de leur revers.
Une foule très dense se tenait de chaque côté : les uns s'apitoyaient sur les caprices
du sort et prenaient en pitié les seigneurs ainsi conduits de manière vile ; les autres
se moquaient, en signifiant avec force jusqu'où mène la témérité jointe à la sottise :
elle fait de petites caresses, mais elle apporte de grands maux ; d'autres, en sifflant
comme fait la foule, raillaient »l2.
10. Édition de Pierre Poussines, I, Rome 1666, p. 348 et 350 (reprise dans l'édition de Bonn : I,
Bonn 1835, p. 51 1-512 et 514).
1 1 Pachymérès, VI, 33 II, p. 65 1 "8.
.
'
12. La Version brève a réduit le chapitre 33 à quelques phrases (I, p. 18728-1886) et ne retient rien
de ce qui est rapporté dans ce passage de son modèle.
LE ROSEAU, LE PAPYRUS ET LE PAPIER 21 1
1 3. Édition de Pierre Poussines. I. p. 352 (reprise dans l'édition de Bonn : p. 5 1 7-5 18).
14. Pachymérès, VI, 32 : II, p. 645". Ces tiges de papyrus liées en bottes sont mentionnées ailleurs.
Dans un passage d'Élien, cité par la Souda, on trouve l'expression suivante φάκελλον βΰβλου (β 587
:
A. Adler. I. p. 5004). Or βύβλος et πάπυρος sont synonymes : voir, par exemple. Eustathh dh
Thessalonique, Commentaire de l'Odyssée (G. Stallbaum, II. p. 264:) βίβλου, ο έστι παπύρου
Αιγύπτιας. Pour indiquer les « faisceaux » ou « bottes >> de papyrus, l'historien emploie le substantif
:
φάκελλος. qui indique ailleurs, selon la même image, des « liasses » de feuilles, sur lesquelles sont
consignées les doléances de la population (111. p. 27 lr ; IV. p. 405'" 5492").
15. Le papyrus qui est connu aujourd'hui comme plante d'appartement atteint 1.50 m à 2 m. Mais
le papyrus naturel peut pousser jusqu'à 3 ou 4 m.
21 2 ALBERT FAILLER
un de ces papyrus (εν εκαστον των παπύρων ενα κρατούντα)16. Le récit de l'histo
rien n'est donc pas sans imprécisions. Quant au rédacteur de la Version brève, dont
l'interprétation est souvent précieuse pour la compréhension du texte, il résume à
grands traits le passage, ne reprend jamais le substantif πάπυρος, ni d'ailleurs le
substantif φάκελλος, et se contente de faire mention de l'huile bénite, qui est expé
diéedirectement dans les récipients de verre, sans autre support ou intermédiaire17.
De même, il omet purement et simplement la mention de la tige de papyrus qui
tient lieu de javelot aux prisonniers latins dans le cortège triomphal18.
*
* *
II apparaît ainsi que le papyrus ne joue pas le même rôle dans chacun des deux
extraits transcrits plus haut : si le papyrus faisant fonction de javelot ne fait pas
difficulté, on voit mal comment se présentaient les tiges de papyrus qui portaient la
précieuse huile bénite et comment les soldats pouvaient les garder et les tenir en
montant au combat. Mais la confection de tels objets était sans doute une pratique
plus commune qu'on ne l'imaginerait, même si peu de cas sont signalés. Les deux
exemples qui suivent vont fournir des lieux parallèles et montrer que la mesure
prise par Michel VIII ne témoignait pas de l'imagination qu'on serait tenté d'y
voir ; le procédé était connu. De fait, on retrouve le mot πάπυρος employé dans le
même contexte de confection d'un cierge.
Le premier texte date du 1er siècle avant notre ère. Il provient d'Antipater de
Thessalonique et il est conservé dans Γ Anthologie palatine. Voici les deux vers en
question :
Comme dans la description de ces papyrus enduits d'huile bénite que donne
Georges Pachymérès, la formule présente reste laconique sur cette lampe « faite de
jonc tressé et de léger papyrus ». Il doit s'agir d'un flambeau ou d'une torche dont
16. Pachymérès, VI, 32 : II, p. 64724"26 (avec la correction signalée à la note 8). En fait, seules les
troupes envoyées au secours ont été munies de papyrus, puisque la jonction avec les soldats assiégés
dans la forteresse n'a eu lieu qu'après la bataille.
17. Le texte de la Version brève est transcrit dans la note 9.
18. L'historien emploie le substantif ό κοντός. Il est difficile de déterminer exactement l'éventail
des sens que le mot peut avoir dans l'Histoire. On aurait pu le traduire indifféremment par « javelot »,
au lieu de lui donner parfois comme équivalents « lance » ou encore, avec un sens plus indéterminé,
« bâton ». Ajoutons que le mot convient parfaitement au rédacteur de la Version brève, qui le donne à
l'occasion comme un équivalent plus simple du substantif ύσσός de l'original (II, p. 1 43 9)
19. Anthologie palatine, VI, n° 249. Le texte est retenu par la Souda (π 268 : A. Adler, IV, p. 26' 3"14).
'
.
L'éditeur de l'Anthologie (P. Waltz, Paris 1960) donne de ces deux vers la traduction suivante : « Ce
cierge, revêtu d'une tunique de cire, ce flambeau fumeux de Cronos, fait de jonc tressé et de léger papyr
us... ». L'éditeur cite en note un passage éclairant de Pline l'Ancien (Histoire naturelle, XVI, 70), qui
se réfère à un même cierge, fait, cette fois, non de papyrus, mais d'une autre plante de même texture,
le jonc (« scirpus ») « scirpi fragiles palustresque... e quibus detecto cortice candelae luminibus
:
serviunt ».
LE ROSEAU, LE PAPYRUS ET LE PAPIER 2 13
la hampe est constituée de jonc et de papyrus, sans qu'on distingue comment ils se
combinent ensemble, ces matières étant à leur tour enduites d'une couche de cire.
Muni de ces interrogations, on peut évoquer un second témoignage, qui décrit
également, en des termes proches, un autre flambeau. Récemment édité, le texte est
dû à un écrivain du 1 2e siècle, Nicolas Mésaritès :
Έπι τη Νεακώμει ταύτη ούκ έκ τοίχων οίκίαι ούδ' έξ ασβεστών και λίθων
έπεγειρόμεναι κα\ έκ δοκών κορυφούμεναι, αλλ έκ λύγων έμπεπλεγμένων τετε-
χνασμέναι, έμπεπλασμέναι πηλώ κάκ παπύρου και βουτόμου σκεπόμεναΓ .
La confection des tiges de papyrus enduites d'huile bénite suit donc une tradi
tion. Aussi Georges Pachymérès n'insiste-t-il pas, car l'objet n'est pas nouveau ou
original. Il reste qu'une description précise est difficile : il s'agit de tiges de
papyrus qui sont rassemblées en bottes et trempées dans l'huile, puis expédiées
dans des vases en verre.
20. B. Flusin. Nicolas Mésaritès. Éthopée d'un astrologue qui ne put devenir patriarche, TM 14
{Mélanges Gilbert Dagron), 2002, p. 241 "2 '"■\ Voici la traduction que l'éditeur a donnée de ce passa
ge : « Et le cierge, composé de cire et de papyrus - le papyrus ayant été divisé en menues sections,
jusqu'à ce que la quantité atteigne la hauteur d'un homme, puis entouré de lin ; enfin on a versé sur ce
cierge de la cire liquéfiée par le feu, d'un bout à l'autre, avant de le mettre en contact avec de l'air
froid -, qu'en ferons-nous ? ». Le cierge est ensuite jeté au feu pour être consumé comme est consumé
celui qui espérait sa promotion. Il s'agit de la description ironique du chandelier patriarcal (το λαμπα-
δοΰχον ou το διβάμβουλον), qui est le second insigne, après le bâton pastoral (ή βακτηρία ou, de
manière plus précise, ή ποιμαντική βακτηρία), de la juridiction patriarcale.
2 1 A. Heisenberg, Neue Quellen zur Geschichte des lateinischen Kaisertums und der Kirchenunion,
.
II. Munich 1923, p. 45R~". On peut donner de ce texte la traduction suivante : « Dans cette Néakômis.
les maisons ne sont pas élevées avec des murs, ni avec des matériaux qui ne brûlent pas et des pierres
et couronnées de poutres, mais elles sont fabriquées avec des baguettes d'osier entrelacées, enduites
d'argile et couvertes de papyrus et de jonc ». Achille Tatios (Leucippe et Clitophon), Alexandrin lui
aussi, voit dans les papyrus le matériau des murs eux-mêmes τείχεσι τάΐς παπΰροις χρώμενοι. Un
auteur contemporain. Hérennios ( Γ'-2'; s.), dont le texte concerne cette fois la Syrie, décrit ainsi les
:
matériaux utilisés pour la construction de cabanes καλύβας τε επινυήσαι απο καλάμων κα\ θρύων
:
και παπύρου (F. Jacob ν. Die Fragmente der griechischen Historiker. III. Leiden 1958. p. 790).
21 4 ALBERT FAILLER
22. Matthieu, 27, 29 : καν πλέξαντες στέφανον έξ ακανθών έπέθηκαν έπι της κεφαλής αύτοΰ
κα\ κάλαμον έν τη δεξιά αύτοΰ... Κα\ έμπτΰσαντες εις αυτόν ελαβον τον κάλαμον και ετυπτον εις
την κεφαλήν αύτοΰ. Voir aussi Matthieu, 27, 48 ; Marc, 15, 19 ; 15, 36.
23. Philon, //; Flaccum, 37, 5 βύβλον μεν εύρύναντες αντί διαδήματος έπιτιθέασιν αύτοΰ τη
κεφαλή... Άντι δε σκήπτρου βραχύ τι παπύρου τμήμα τής εγχωρίου καθ' όδον έρριμμένον ίδών τις
:
άναδίδωσιν. Voici la traduction de A. Pelletier (Les œuvres de Philon d'Alexandrie, n° 3 1 , Paris 1 967,
p. 71) : « Ils aplanissent une feuille de papyrus qu'ils lui mettent sur la tête en guise de diadème...
En guise de sceptre, l'un d'eux lui remet un petit bout de tige de papyrus du pays, qu'il avait aperçu, jeté
au rebut, sur la route ». Il est juste, comme on l'a vu plus haut, d'établir une synonymie parfaite entre
βύβλος et πάπυρος. Il est douteux, par contre, qu' « une simple feuille » ait suffi pour constituer un
diadème.
24. Pachymérès, III, 25 I, p. 31311'2.
25. Idem, IV, 28 : II, p. 40927 2K.
:
LE ROSEAU. LE PAPYRUS ET LE PAPIER 215
défiler. En 1273, c'est le tour de Manuel Holobôlos, qui est torturé avec ses
proches, avant d'être traîné dans un défilé dégradant, au cours duquel il est lié à ses
co-accusés et frappé avec des viscères de mouton26. En 128 1 se déroule le « cortège
triomphal » de Bellagrada, qui fait précisément l'objet de cette étude et dans lequel
figurent donc les prisonniers de l'armée sicilienne avec leur «javelot de papy
rus»27. En 1292, Constantin Palaiologos, le frère cadet d'Andronic II, humilie un
certain Constantin Maurozômès pour se venger du camouflet infligé à sa propre
femme par Stratègopoulina, dont ce Constantin Maurozômès était réputé être
l'amant : il le fait déshabiller et porter ainsi « en triomphe » à travers l'agora dans
le plus simple appareil28. Les détails rapportés dans ces récits sont pour l'essentiel
attestés par d'autres descriptions de triomphes infamants. Seul se révèle original
- et apparemment objet d'une mention unique - le port de javelots factices imposé
aux prisonniers faits dans l'armée du roi de Sicile à Bellagrada.
Le relevé des nombreux triomphes infamants qui figurent chez les divers histo
riens byzantins a été fait par N. G. Polîtes, puis, de manière plus systématique, par
Ph. Koukoulés29. Mais on a négligé le passage singulier de l'Histoire de Georges
Pachymérès où est décrit le défilé des vaincus de Bellagrada affublés de leurs jave
lotsde papyrus. À juste titre, l'omission peut être imputée aux éditeurs successifs
de l'Histoire. Aucun autre texte ne semble présenter de cas identique ou ressemb
lant.Dans les divers triomphes rapportés par les historiens, il est continuellement
fait état du butin et des prisonniers, et certains détails sont donnés sur les humilia
tions imposées aux vaincus, mais ceux-ci ne sont jamais affublés comme ici d'une
arme fictive, qui donne à la scène une grande force parodique30.
Se pose enfin la question des caractéristiques et de l'origine de ce papyrus qui
est utilisé dans l'un et l'autre cas. Les auteurs anciens n'en signalent pas l'exis
tence en Asie Mineure ou sur le territoire de l'Empire byzantin, mais seulement en
Egypte, d'où il a d'ailleurs reflué aujourd'hui vers le lac Tana d'Ethiopie, en Syrie,
en Calabre et en Sicile, ou en Italie centrale. De même, les encyclopédies grecques
le présentent toujours comme une plante exotique. Mais l'Histoire de Georges
Pachymérès et les récits de Nicolas Mésaritès semblent témoigner de sa présence
en Asie Mineure au 13e siècle, aussi bien aux environs de Constantinople que sur
les rives du golfe de Nicomédie, et même en relative abondance, si l'on est à même
d'honneur, constituée de jeunes gens qui. « en guise de lanciers, bâton sur l'épaule, lui firent la haie des
deux côtés, en jouant les gardes du corps » (νεανίαι ράβδους e.JÙ των ο)μο)ν φέροντες ανπ λογχοφό-
p(i)v εκατεροοθεν ειστήκεσαν μιμούμενοι δορυφόρους).
216 ALBERT FAILLER
d'en équiper une troupe qui comprend des centaines de soldats, que ce soit comme
talismans pour la victoire ou comme sabres de bois pour la dérision. De plus,
Nicolas Mésaritès voit le papyrus servir de matériau de construction commun au
bord du détroit de Nicomédie. S'il est vrai que le roseau, dont la tige est plus raide
et les nœuds cloisonnants aptes à fournir une sorte de récipient pour un liqui
de,offrirait un meilleur profil pour les usages qui sont faits ici de la plante et que,
surtout, sa présence dans la région ne pose pas le même problème, il est diffi
cile cependant d'admettre, aussi bien chez Nicolas Mésaritès que chez Georges
Pachymérès, une même confusion entre les deux plantes aussi bien individualisées
et par leurs caractéristiques botaniques et par leur utilisation. Il restera tout de
même à bien identifier cette plante que les deux écrivains appellent papyrus.
De toute manière, dans les chapitres 32 et 33 du Livre VI de l'Histoire de
Georges Pachymérès, le mot πάπυρος ne désigne pas le papier, mais, plus simple
ment et plus littéralement, le papyrus. S'il avait voulu désigner le papier, l'historien
aurait sans doute employé le mot commun : ό χάρτης. Il a de fait recours à ce
substantif31, mais il l'utilise de manière ambivalente, puisque le mot peut désigner
et le papier en tant que substance et le feuillet dûment écrit ou prêt pour l'écriture,
feuillet qui sera le plus souvent en papier, mais à l'occasion en parchemin. Le
passage suivant, qui paraîtra au premier abord surprenant, le prouve : έμβάλλουσι
πυρ τοις χάρταις, βεβράναις ούσι32 (« on met le feu aux feuilles, qui étaient des
parchemins »). Quant au mot το χαρτίον, il apparaît bien dans le lexique grec de
l'Histoire de Georges Pachymérès, mais il n'appartient pas au vocabulaire propre
de l'historien : on le trouve seulement dans un titre de chapitre33 ; or les titres de
chapitres ne sont pas dus à l'auteur, mais ont été inscrits plus tard, dans une langue
plus ordinaire ou plus populaire.
Albert Failler
Institut Français d'Études Byzantines (IFEB)
31. En voici les occurrences dans l'Histoire de Pachymérès II, p. 399" m 44 Γ"5 62121 ; III, p. 733
1 1315 18727 1895 27714 27927 2812 12.
: