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Albert Failler

Le roseau, le papyrus et le papier


In: Revue des études byzantines, tome 63, 2005. pp. 207-216.

Résumé
REB 63, 2005, p. 207-216.
Albert Failler, Le roseau, le papyrus et le papier. - Le mot grec « papyros » peut désigner soit la plante aquatique qui pousse en
particulier au bord du Nil soit le support d'écriture qui en a tiré son nom, qu'il s'agisse de la feuille de papyrus ou, surtout, du
papier fabriqué grâce aux fibres de la tige. Dans les chapitres 32 et 33 du livre VI des Relations historiques de Georges
Pachymérès, les éditeurs du texte ont, à tort, retenu le second sens (« papier ») au lieu du premier (« papyrus »).

Abstract
The Greek word "papyros" is used to describe either the plant that grows on the Nile's banks, or the writing material that has
taken its name from this plant, whether this be the papyrus leaf or the paper made from the fibres of the plant's stalk. In chapters
32 and 33 of Book VI of George Pachymeres' Historical, the editors of the text wrongly understood the word in its second sense
("paper") rather than in the first ("'papyrus").

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Failler Albert. Le roseau, le papyrus et le papier. In: Revue des études byzantines, tome 63, 2005. pp. 207-216.

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rebyz_0766-5598_2005_num_63_1_2313
LE ROSEAU, LE PAPYRUS ET LE PAPIER

Albert FAILLER

Le substantif ό πάπυρος est d'un emploi fréquent et commun dans la langue


grecque. Il indique la plante aquatique à tige trigone qui pousse particulièrement
sur les bords du Nil et qui a été abondamment mentionnée ou décrite par les savants
et les naturalistes anciens : Hérodote1, Théophraste2, Strabon3, Pline l'Ancien4. De
même, la tradition hippocratique a retenu la plante pour les divers usages qu'en
faisait la médecine. Dans les textes de l'Ancien Testament, on voit apparaître le
papyrus chez Isaïe et chez Job, qui mentionne ainsi la triade des plantes aquatiques
offrant à l'homme leur ombre : ό πάπυρος, ό κάλαμος, ό βοΰτομος (le papyrus,
le roseau, le jonc)5. Les Pères de l'Église ont maintes fois repris l'image du repos
qu'évoquent ces mots, mais le Nouveau Testament connaît un seul des trois substant
ifs : ό κάλαμος.
Le substantif ό πάπυρος désigne aussi bien la plante aquatique de la famille
des cypéracées que les matières qu'on en extrait : les racines sont utilisées comme
combustible ; les tiges sont employées en vannerie et servent à confectionner
nattes, vêtements, couvertures, paniers, cordages, et même à constituer des toits de
maisons ou à fabriquer des voiles et des barques ; la tige une fois apprêtée sert de
nourriture aux animaux et même aux humains, ou bien elle est simplement mâchée
pour le jus qu'elle fournit ; une fois broyée, elle entre largement dans les composit
ions médicinales ; enfin, découpée en fines lamelles, elle fournit le matériau dont
on tire le papier, sans compter que la feuille du papyrus a servi aussi de support
à l'écriture. Théophraste et Pline l'Ancien ont largement exposé le mode de fabri
cation du papier. Des usages diversifiés qui sont faits de la plante découle une
polysémie du substantif πάπυρος. Celle-ci a entraîné des confusions et des malen
tendus, dont la traduction du Livre VI des Relations historiques de Georges
Pachymérès offre une bonne illustration.

1. Hlïrodoti·:. Histoires, II. 36. 38. 92 ; etc.


2. Thkophraste-:. Recherches sitr les plantes. V. 8. -5 : 10. 1 et 6 : 1 1 .
I

1.

3. SiRVBo.N. Géographie. V. 2. 9 ; 16. 4. 14.


4. Pi.inf ΓΑνπην. Histoire naturelle. XIII. 21-27 : XXIV. 51.
5. Voir, par exemple. Job. 40. 21 ύπο παντοδαπα δένδρα κοιμάται παρά πάπυρον κα\ κάλαμον
:

και βούτυμον. Voir aussi Job. 8. 1 1 : Isaïe. 19. 6. Chacune des trois familles auxquelles appartiennent
ces plantes (cypéracées. graminacées, joncacées) est assez bien identifiée pour qu'on puisse exclure
toute contusion, entre papyrus et roseau par exemple.
Revue des Études Byzantines 63. 2005. p. 207-216.
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Dans l'épisode de la bataille de Bellagrada (Berat, en Albanie)6, qui opposa, en


1281, les troupes byzantines à l'armée du roi de Sicile, le mot πάπυρος est employé
à cinq reprises, avec la même signification, même si les connotations sont différent
es. Avant la bataille, le papyrus est présenté comme support de l'huile bénite qu'on
va remettre aux soldats en gage de la protection divine. Après la bataille, le papyrus
fournit le matériau de l'arme factice dont on va affubler les vaincus en manière
de dérision lors du triomphe organisé à Constantinople après le retour de l'armée
victorieuse. Le mot revêt ainsi deux fonctions différentes : dans le premier cas, il
indique la matière dont est fait l'objet imbibé d'huile qui doit servir de talisman aux
soldats partant au combat ; dans le second cas, il indique le matériau dont est fait le
simulacre d'arme remis aux vaincus qu'on fait défiler lors du triomphe. L'historien
emploie le substantif au masculin7, mais les auteurs qui utilisent le féminin sont
tout aussi nombreux.
*
* *

Commençons par relever et analyser les occurrences du mot dans l'Histoire de


Georges Pachymérès. Les quatre premières sont liées et se font écho : il s'agit des
préparatifs de l'huile sainte à Constantinople et de son utilisation à Bellagrada par
les combattants. L'extrait qui suit est limité aux deux seuls passages qui décrivent
la confection et l'utilisation du papyrus enduit d'huile bénite, le texte intermédiaire
étant consacré à la composition de l'armée qui va être envoyée de Constantinople
à Bellagrada, munie précisément de ce viatique. Voici le texte grec :

Τα μεν ούν προς Θεόν οΰτως έξητοιμάζετο · παρήγγελτο γαρ πατριάρχη τε κάι
άρχιερεΰσι συνάμα παντι τω κλήρω πρώτον μεν πάννυχον ίκετείαν προς Θεόν
κατ' εκείνων ποιήσασθαι, είτα δε άμ' εω πατριάρχην τε και συν αύτω εξ άλλους
των προυχόντων αρχιερέων, τας ιεράς στολας ένδυθέντας, των λοιπών έκεΐσε
θεοκλυτούντων, έπιτελείν εύχέλαιον, φακέλλους δε παπύρων ποιήσαντας, τω
καθαγνισθέντι έλαίω βάπτειν και οΰτω διδόναι τοις ταΰτ' άπάξουσι προς το
στράτευμα, ώστ' άποχρώντ' είναι τω τών στρατιωτών πλήθει, έφ ω εν' εκαστον
των παπύρων ενα κρατούντα όμόσε χωρεΤν τοις έχθροΐς. Ταΰτ' έπετέτακτο και
την ταχίστην έπέπρακτο, και οι θείοι φάκελλοι τών παπύρων, σκεύεσιν ΰελίνοις
έμβεβλημένοι, άμα μεν μετ' ευχής, άμα δε και μετ' ασφαλείας έπέμποντο. <...>
"Αμα γοΰν εω οι εντεύθεν συνησπικότες, κρατούντες έκαστος και τον θείον έξ
ελαίου πάπυρον, περαιωθέντες τον ποταμόν, τεταραγμένοις έμπίπτουσι και άμα
προς φυγήν τρέπονται8.

6. Georges Pachymérès, Relations historiques, VI, 32-33 V. Laurent - A. Failler, II, Paris 1984,
p. 640-653.
:

7. Le genre du substantif apparaît clairement dans l'une des occurrences du mot : τον θείον...
πάπυρον (Pachymérès, VI, 32 II, p. 64724"25).
8. Voici la référence aux deux passages du chapitre 32 qui sont cités ici : Pachymérès, VI, 32
:

II, p. 64327-6459 et 64724 26. Pour permettre de les repérer aisément dans le texte, les occurrences du
:

substantif πάπυρος et de son équivalent dans les deux traductions sont imprimées en italique. D'autre
part, le texte de l'édition doit être corrigé sur un point à la ligne 5 de la page 645, il faut lire εν'
:

εκαστον, et non εν εκαστον, comme le porte l'édition qui vient d'être citée, ou εν και εκαστον, comme
LE ROSEAU, LE PAPYRUS ET LE PAPIER 209

Voici la traduction qui a été donnée du passage dans la nouvelle édition de


l'Histoire :

« Le recours à Dieu fut donc préparé de la manière suivante, comme l'ordre en avait
été donné : le patriarche, les évêques, ainsi que tout le clergé, feraient d'abord une
veillée de supplication à Dieu contre ces gens ; ensuite, à l'aube, le patriarche et avec
lui six autres évêques parmi les plus importants endosseraient les ornements sacrés
et, tandis que les autres adresseraient là leurs invocations à Dieu, ils béniraient
l'huile sainte ; après avoir fait des cornets de papier, ils les plongeraient dans l'hui
le bénite et ils les remettraient ainsi aux gens chargés de porter ces objets à l'armée,
de manière qu'il y en eût en suffisance pour la masse des soldats, afin qu'un chacun
tînt un de ces papiers pour marcher contre les ennemis. Cela avait été prescrit et
exécuté au plus vite, et les divins cornets de papier, placés dans des récipients de
verre, furent expédiés avec des prières et en sûreté tout à la fois. <...> Dès l'aube
donc, les hommes de la Ville qui étaient venus porter secours et qui tenaient chacun
le divin papier garni d'huile traversent le fleuve, tombent sur des gens déconcertés
et les mettent aussitôt en fuite »9.

Une telle interprétation concorde avec la traduction latine qu'avait donnée


Pierre Poussines dans son édition du 17e siècle, et on peut penser qu'elle s'en
inspire directement. La voici :

« Porro quae ad Dei propitiationem attinebant, in hune modum praeparata sunt.


Denuntiatum patriarchae, episcopis, universo clero est, primum quidem ut noctem
simul totam implorando contra hostes Dei auxilio pervigilem ducerent, sub auroram
vero diei insequentis patriarcha, sex aliis e praecipuis episcoporum secum assumptis
et sacris omnes stolis induti, cunctis interim aliis Deum invocantibus, benedictionem
sacri olei solemnem rite peragerent ; turn paratos ad id fasciculos segmentorum
papyri consecrato tingerent oleo, mox darent expeditis cursoribus, qui hos ad exer-

l'a transcrit Pierre Poussines. En fait, les deux Barberiniani (sigles Β et C dans l'édition), qui sont les
modèles du premier éditeur, ont la bonne leçon. C'est donc à tort que celui-ci a retenu une leçon que ne
présente aucun manuscrit : έν κα\ εκαστον. Quant au dernier éditeur, il a retenu la leçon εν εκαστον,
qui se lit effectivement dans le manuscrit A, mais non dans Β et C, qui ont bien εν' (avec l'accent aigu
et le signe de l'élision tout à fait clairs), et non εν. Ajoutons que la locution pronominale εις έκαστος
est attestée dès l'époque classique. La locution pronominale française « un chacun » en offre un calque
parfait. L'expression est attestée en trois autres endroits de l'Histoire (I, p. 171 l(1 ; IV. p. 53928717|λ). Le
troisième emploi ne provient d'ailleurs pas de la plume de l'historien, car il se trouve dans la lettre que
l'historien s'est contenté de transcrire et qui est adressée par les archontes de l'Église au patriarche. Le
rédacteur de la Version brève, qui reprend l'un de ces trois emplois (II, p. 12719). utilise plus couram
ment la locution pronominale (I, p. 1527 222" 6028 61 1(U7 626 79W 1425 14928 15019 15314 ι II. p. 6917 16934
17026) ; on peut en déduire qu'il s'agit là d'une expression courante de la langue commune.
9. Ajoutons que la Version brève, loin d'éclairer le passage, n'en offre qu'un pâle résumé (I,
p. 186 "-187' et 18722 24) Και στάσις πάννυχος ύπο του πατριάρχου, αρχιερέων τε πάντων και των
:

του κλήρου ήδη τελείται, καί, ημέρας διαυγαζούσης, εύχέλαιον επιτελείται. κα\ καθαγνισθέν
ελαιον έν σκεύει ύελίνω τίθεται προς το στράτευμα διακομισθήναι και έν τω της συμπλοκής πολέμα)
χρισθήναι άν τότε το στράτευμα. Ταΰτα ήδη την ταχίστην τετέλεστο. <...> Τοΰτο άκουσθεν έν τω
■Ρωμαϊκω στρατω. τη έπιγεγονυία ήμερα τον ποταμόν Άσούνην διαπεραιοΰνται και τοις "Ιταλοί ς
συμπλέκονται, και δη τρέπονται Ιταλοί προς φυγήν.
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citum portaturi in procinctu stabant. Erat autem numerus chartularum oleo tincta-
rum quantus sufficeret, ut unicuique militi contra hostem ituro sua tribueretur, quam
secum in praelio gestaret. Haec ut imperata, sic executioni mandata confestim sunt.
Et sacri fasciculi chartarum in vasa vitrea injecti, simul religione congrua, simul
velocitate summa mittuntur in castra. <...> Ergo sub auroram nostri omnes armis
sumptis, correptaque quisque in manum tincta oleo sacro chartula, trajecto amne in
turbatos clade ducis hostes ruunt. Hi statim funduntur fuganturque »l0.

Avant de passer à l'examen de ce passage, mentionnons, selon la même dispos


ition, la cinquième et dernière occurrence du substantif, dans le chapitre suivant
de l'Histoire cette fois et à propos du triomphe organisé à Constantinople au lende
main de la bataille. Il n'est plus question d'huile sainte, mais du simulacre d'arme
remis aux vaincus pour les ridiculiser lorsqu'ils marchent dans le défilé avec les
vainqueurs, dans la tradition romaine du triomphe, où les vaincus figurent dans une
posture d'humiliation. Le narrateur donne une grande place à ce triomphe, dont
l'ordonnancement est décrit de manière pittoresque dans son récit, et il souligne à
loisir la pitoyable allure et posture des vaincus, plus que la fierté des vainqueurs.
Seul sera cité le passage où les prisonniers apparaissent avec leur arme factice.
Voici le texte :

"Ηγοντο δε στιχηδόν εκείνοι καθ' ενα, ώς είχεν έκαστος έφ' ϊππου κατά θάτερα
των πλευρών καθήμενος. ' Εδίδοτο δ' έκάστω κρατεί ν και κοντόν εκ παπύρου ή
τίνος άλλου εικαίου, ώς τρόπαιον πάντως του κατά σφάς πταίσματος. "Οχλος δε
παρ' έκάτερα πλείστος ϊστατο, οι μεν τα της τΰχης έποικτιζόμενοι καί γ'
έλεοΰντες είκαίως αγομένους τους μεγιστάνας, οι δε κα\ έπιμωκώμενοι, δεικνύν-
μετ'
τες οίον ές όπόσον φέρει ή άνοιας άπόνοια, ή μικρά μεν σαίνει, μεγάλα δε
τα κακά φέρει · άλλοι δε και συρίττοντες, οία τα του πλήθους, έχλεύαζον".

Voici la traduction qui a été donnée de ce passage dans la nouvelle édition :

« Les prisonniers étaient conduits en rang par un, chacun se tenant assis comme il
pouvait sur l'un des flancs du cheval. À chacun on donna aussi à tenir un javelot
en papier ou en quelque autre matière vile, comme trophée éclatant de leur revers.
Une foule très dense se tenait de chaque côté : les uns s'apitoyaient sur les caprices
du sort et prenaient en pitié les seigneurs ainsi conduits de manière vile ; les autres
se moquaient, en signifiant avec force jusqu'où mène la témérité jointe à la sottise :
elle fait de petites caresses, mais elle apporte de grands maux ; d'autres, en sifflant
comme fait la foule, raillaient »l2.

10. Édition de Pierre Poussines, I, Rome 1666, p. 348 et 350 (reprise dans l'édition de Bonn : I,
Bonn 1835, p. 51 1-512 et 514).
1 1 Pachymérès, VI, 33 II, p. 65 1 "8.
.

'

12. La Version brève a réduit le chapitre 33 à quelques phrases (I, p. 18728-1886) et ne retient rien
de ce qui est rapporté dans ce passage de son modèle.
LE ROSEAU, LE PAPYRUS ET LE PAPIER 21 1

Comme pour l'extrait précédent, la version française est fidèle à l'interprétation


de Pierre Poussines, dont voici la traduction latine :

« Ducebantur continua série captivi singillatim, idoneo intervalio invicem discreti.


Equo quisque proprio vehebat, non libratus in dorso cruribus hinc inde pendentibus,
sed sedens pedes compede vinctos in alterum equi latus demittebat. Inditus erat
manui cujusque contus ex papyro aut vili alia materia, insigne videlicet offensio-
nis belli qua erant in istam redacti sortem. Turba constipabatur utrinque densa,
quorumdam miserantium fortunae casus infestos, praesertim ubi in principes ac
primarios viros tali traductos ignominia incurrebant oculi, aliorum contra irridentium
insultantiumque ultro increpando, meritum eos ferre vaesaniae suae fructum, seram
poenitentiam. quae proies esse solet inconsultae amentiae, modicum quidem initio
quos abripit mulcentis, ad extremum gravissime multantis »l3.

Dans la traduction française, le substantif πάπυρος est donc traduit de manièr


e uniforme par le mot papier. La traduction latine de Pierre Poussines semble à
première vue moins explicite, mais, en confrontant les occurrences, on se rend
compte que, au moins pour la préparation de l'huile sainte avant la bataille et
malgré la traduction de la première occurrence qui semblait emprunter la bonne
voie, le traducteur entend bien qualifier de papier le matériau utilisé. Voici les
expressions successives qui sont employées : fasciculos segmentorum papyri,
numerus chartularum oleo tinctarum, sacri fasciculi chartarum, tincta oleo sacra
chartula. Mais, dans le dernier cas, l'interprétation de Pierre Poussines pourrait
être correcte, même si la traduction (contus ex papyro) garde une certaine ambi
valence.
Mais ces traductions sont certainement erronées. Il s'agit, dans tous les cas, du
papyrus, plus exactement de la tige du papyrus. Cette rectification n'indique pas
pour autant comment la tige devient le support de l'huile bénite. Selon l'historien,
les tiges de papyrus sont liées en faisceaux ou en bottes (οι φάκελλοι των παπύ
ρων)14 ; rien n'est dit de la longueur de ces segments, mais il doit s'agir d'un court
fragment de tige plutôt que d'une tige entière, fût-elle courte15. Les papyrus sont
alors plongés -et même immergés (βάπτειν)- dans l'huile que le patriarche,
assisté de six métropolites, vient de bénir. Puis ces faisceaux ou bottes de tiges sont
placés dans des récipients ou des vases de verre, sans doute pour empêcher que
l'huile ne s'écoule de manière incontrôlée et pour faciliter le transport. Le nombre
des tiges devait être important, puisqu'on prévoyait de fournir à chacun des soldats

1 3. Édition de Pierre Poussines. I. p. 352 (reprise dans l'édition de Bonn : p. 5 1 7-5 18).
14. Pachymérès, VI, 32 : II, p. 645". Ces tiges de papyrus liées en bottes sont mentionnées ailleurs.
Dans un passage d'Élien, cité par la Souda, on trouve l'expression suivante φάκελλον βΰβλου (β 587
:

A. Adler. I. p. 5004). Or βύβλος et πάπυρος sont synonymes : voir, par exemple. Eustathh dh
Thessalonique, Commentaire de l'Odyssée (G. Stallbaum, II. p. 264:) βίβλου, ο έστι παπύρου
Αιγύπτιας. Pour indiquer les « faisceaux » ou « bottes >> de papyrus, l'historien emploie le substantif
:

φάκελλος. qui indique ailleurs, selon la même image, des « liasses » de feuilles, sur lesquelles sont
consignées les doléances de la population (111. p. 27 lr ; IV. p. 405'" 5492").
15. Le papyrus qui est connu aujourd'hui comme plante d'appartement atteint 1.50 m à 2 m. Mais
le papyrus naturel peut pousser jusqu'à 3 ou 4 m.
21 2 ALBERT FAILLER

un de ces papyrus (εν εκαστον των παπύρων ενα κρατούντα)16. Le récit de l'histo
rien n'est donc pas sans imprécisions. Quant au rédacteur de la Version brève, dont
l'interprétation est souvent précieuse pour la compréhension du texte, il résume à
grands traits le passage, ne reprend jamais le substantif πάπυρος, ni d'ailleurs le
substantif φάκελλος, et se contente de faire mention de l'huile bénite, qui est expé
diéedirectement dans les récipients de verre, sans autre support ou intermédiaire17.
De même, il omet purement et simplement la mention de la tige de papyrus qui
tient lieu de javelot aux prisonniers latins dans le cortège triomphal18.
*
* *

II apparaît ainsi que le papyrus ne joue pas le même rôle dans chacun des deux
extraits transcrits plus haut : si le papyrus faisant fonction de javelot ne fait pas
difficulté, on voit mal comment se présentaient les tiges de papyrus qui portaient la
précieuse huile bénite et comment les soldats pouvaient les garder et les tenir en
montant au combat. Mais la confection de tels objets était sans doute une pratique
plus commune qu'on ne l'imaginerait, même si peu de cas sont signalés. Les deux
exemples qui suivent vont fournir des lieux parallèles et montrer que la mesure
prise par Michel VIII ne témoignait pas de l'imagination qu'on serait tenté d'y
voir ; le procédé était connu. De fait, on retrouve le mot πάπυρος employé dans le
même contexte de confection d'un cierge.
Le premier texte date du 1er siècle avant notre ère. Il provient d'Antipater de
Thessalonique et il est conservé dans Γ Anthologie palatine. Voici les deux vers en
question :

Λαμπάδα κηροχίτωνα, Κρόνου τυφήρεα λύχνον,


σχοίνω και λεπττ] σφιγγομένην παπΰρω...19.

Comme dans la description de ces papyrus enduits d'huile bénite que donne
Georges Pachymérès, la formule présente reste laconique sur cette lampe « faite de
jonc tressé et de léger papyrus ». Il doit s'agir d'un flambeau ou d'une torche dont

16. Pachymérès, VI, 32 : II, p. 64724"26 (avec la correction signalée à la note 8). En fait, seules les
troupes envoyées au secours ont été munies de papyrus, puisque la jonction avec les soldats assiégés
dans la forteresse n'a eu lieu qu'après la bataille.
17. Le texte de la Version brève est transcrit dans la note 9.
18. L'historien emploie le substantif ό κοντός. Il est difficile de déterminer exactement l'éventail
des sens que le mot peut avoir dans l'Histoire. On aurait pu le traduire indifféremment par « javelot »,
au lieu de lui donner parfois comme équivalents « lance » ou encore, avec un sens plus indéterminé,
« bâton ». Ajoutons que le mot convient parfaitement au rédacteur de la Version brève, qui le donne à
l'occasion comme un équivalent plus simple du substantif ύσσός de l'original (II, p. 1 43 9)
19. Anthologie palatine, VI, n° 249. Le texte est retenu par la Souda (π 268 : A. Adler, IV, p. 26' 3"14).
'
.

L'éditeur de l'Anthologie (P. Waltz, Paris 1960) donne de ces deux vers la traduction suivante : « Ce
cierge, revêtu d'une tunique de cire, ce flambeau fumeux de Cronos, fait de jonc tressé et de léger papyr
us... ». L'éditeur cite en note un passage éclairant de Pline l'Ancien (Histoire naturelle, XVI, 70), qui
se réfère à un même cierge, fait, cette fois, non de papyrus, mais d'une autre plante de même texture,
le jonc (« scirpus ») « scirpi fragiles palustresque... e quibus detecto cortice candelae luminibus
:

serviunt ».
LE ROSEAU, LE PAPYRUS ET LE PAPIER 2 13

la hampe est constituée de jonc et de papyrus, sans qu'on distingue comment ils se
combinent ensemble, ces matières étant à leur tour enduites d'une couche de cire.
Muni de ces interrogations, on peut évoquer un second témoignage, qui décrit
également, en des termes proches, un autre flambeau. Récemment édité, le texte est
dû à un écrivain du 1 2e siècle, Nicolas Mésaritès :

Την δε γε λαμπάδα την έκ κηροΰ κα\ παπύρου συνεστηκύΐαν, παπύρου μεν ές


τεμμάχια διαιρεθέντος λεπτά και ές άνδρόμηκες ποσωθέντος, περιειληθέντος δε
λίνφ, ΰστατον δ' έπιχυθεΐσαν κηρώ πυρ ι ρυτω γεγονότι απ' άκρου ές άκρον,
μετά δε προσψαύσασάν τε αέρι ψυχρώ, τί και ποιήσομεν20.

Le vocabulaire est tellement proche qu'on pourrait se demander si Nicolas


Mésaritès ne s'inspire pas de son ancêtre du 1er siècle avant notre ère. Mais il
faut plutôt considérer que l'objet est assez commun pour qu'il n'y ait pas besoin
de chercher une origine particulière. Un autre texte du même Nicolas Mésaritès
suggère que le papyrus est d'un usage commun dans la région et qu'il est utilisé
couramment dans la construction de simples cabanes dans la région de Néakômis,
lieudit situé sur la rive méridionale du golfe de Nicomédie, légèrement à l'ouest
d'Hélénopolis :

Έπι τη Νεακώμει ταύτη ούκ έκ τοίχων οίκίαι ούδ' έξ ασβεστών και λίθων
έπεγειρόμεναι κα\ έκ δοκών κορυφούμεναι, αλλ έκ λύγων έμπεπλεγμένων τετε-
χνασμέναι, έμπεπλασμέναι πηλώ κάκ παπύρου και βουτόμου σκεπόμεναΓ .

La confection des tiges de papyrus enduites d'huile bénite suit donc une tradi
tion. Aussi Georges Pachymérès n'insiste-t-il pas, car l'objet n'est pas nouveau ou
original. Il reste qu'une description précise est difficile : il s'agit de tiges de
papyrus qui sont rassemblées en bottes et trempées dans l'huile, puis expédiées
dans des vases en verre.

20. B. Flusin. Nicolas Mésaritès. Éthopée d'un astrologue qui ne put devenir patriarche, TM 14
{Mélanges Gilbert Dagron), 2002, p. 241 "2 '"■\ Voici la traduction que l'éditeur a donnée de ce passa
ge : « Et le cierge, composé de cire et de papyrus - le papyrus ayant été divisé en menues sections,
jusqu'à ce que la quantité atteigne la hauteur d'un homme, puis entouré de lin ; enfin on a versé sur ce
cierge de la cire liquéfiée par le feu, d'un bout à l'autre, avant de le mettre en contact avec de l'air
froid -, qu'en ferons-nous ? ». Le cierge est ensuite jeté au feu pour être consumé comme est consumé
celui qui espérait sa promotion. Il s'agit de la description ironique du chandelier patriarcal (το λαμπα-
δοΰχον ou το διβάμβουλον), qui est le second insigne, après le bâton pastoral (ή βακτηρία ou, de
manière plus précise, ή ποιμαντική βακτηρία), de la juridiction patriarcale.
2 1 A. Heisenberg, Neue Quellen zur Geschichte des lateinischen Kaisertums und der Kirchenunion,
.

II. Munich 1923, p. 45R~". On peut donner de ce texte la traduction suivante : « Dans cette Néakômis.
les maisons ne sont pas élevées avec des murs, ni avec des matériaux qui ne brûlent pas et des pierres
et couronnées de poutres, mais elles sont fabriquées avec des baguettes d'osier entrelacées, enduites
d'argile et couvertes de papyrus et de jonc ». Achille Tatios (Leucippe et Clitophon), Alexandrin lui
aussi, voit dans les papyrus le matériau des murs eux-mêmes τείχεσι τάΐς παπΰροις χρώμενοι. Un
auteur contemporain. Hérennios ( Γ'-2'; s.), dont le texte concerne cette fois la Syrie, décrit ainsi les
:

matériaux utilisés pour la construction de cabanes καλύβας τε επινυήσαι απο καλάμων κα\ θρύων
:

και παπύρου (F. Jacob ν. Die Fragmente der griechischen Historiker. III. Leiden 1958. p. 790).
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L'emploi du mot πάπυρος dans le récit de la parade triomphale organisée en


l'honneur de la victoire de Bellagrada est d'un intérêt identique, mais d'une inter
prétation plus aisée. À chacun des prisonniers, qui se tenaient à cheval en amazone,
on remit un simulacre d'arme, un javelot en bois en somme. Il s'agit donc d'une
tige de papyrus, dont la longueur n'est pas indiquée. Une fois noté que cette arme
factice ne pose aucun problème dans le contexte et qu'un javelot « en papier » était
en effet difficile à imaginer, il convient d'observer que cette information présente
un grand intérêt pour le déroulement des triomphes qui sont organisés dans la capi
talepour fêter la victoire. L'information n'a jamais été relevée, sans doute à cause
de l'erreur d'interprétation des éditeurs du texte, qui ont empêché qu'apparaisse le
vrai sens du mot et de tout le passage. Il existe pourtant de nombreuses études sur
les triomphes à Byzance. L'emploi de ces lances de bois rappelle le théâtre, et les
textes offrent des parallèles. Ainsi, lors de son procès, Jésus fut affublé d'un roseau
en guise de sceptre : les soldats qui le conduisent au Golgotha mettent un roseau
dans la main droite de celui qui se prétend le roi des Juifs22. De même, Philon
rapporte que, lors du passage à Alexandrie du roi juif Agrippa, la populace orga
nisa dans le stade un spectacle destiné à tourner en dérision l'illustre visiteur : on
se saisit d'un vagabond qui passait par là et qui se nommait Karabas, et on en fit un
roi, en lui dressant un diadème de papyrus et en lui mettant dans la main une tige
du même papyrus en guise de sceptre23.
Dans ses Relations historiques, Georges Pachymérès relate plusieurs triomphes
infamants, avec un luxe de détails auquel peu d'historiens s'astreignent, mais, parmi
les éléments qu'il met en scène dans ces récits, seule la mention des javelots de
papyrus présente une originalité évidente, qui ne semble attestée dans aucun autre
texte. Voici, dans l'ordre chronologique, les épisodes qui font état de tels triomphes
infamants. En 1264, les familiers de l'évêque d'Ainos, qui était intervenu pour
trouver un compromis entre le sultan Izz al-Dîn et les troupes byzantines assiégées
à Ainos, sont amenés à Constantinople pour être torturés et exhibés en « habits
de femme »24. En 1267, Georges Akropolitès est chargé de punir les moines du
Pantépoptès pour leur opposition à l'empereur ; le grand logothète leur fait subir
la torture avant de les faire traîner « dans un triomphe déshonorant à travers
l'agora»25 ; mais l'historien ne précise pas dans quelle tenue les moines durent

22. Matthieu, 27, 29 : καν πλέξαντες στέφανον έξ ακανθών έπέθηκαν έπι της κεφαλής αύτοΰ
κα\ κάλαμον έν τη δεξιά αύτοΰ... Κα\ έμπτΰσαντες εις αυτόν ελαβον τον κάλαμον και ετυπτον εις
την κεφαλήν αύτοΰ. Voir aussi Matthieu, 27, 48 ; Marc, 15, 19 ; 15, 36.
23. Philon, //; Flaccum, 37, 5 βύβλον μεν εύρύναντες αντί διαδήματος έπιτιθέασιν αύτοΰ τη
κεφαλή... Άντι δε σκήπτρου βραχύ τι παπύρου τμήμα τής εγχωρίου καθ' όδον έρριμμένον ίδών τις
:

άναδίδωσιν. Voici la traduction de A. Pelletier (Les œuvres de Philon d'Alexandrie, n° 3 1 , Paris 1 967,
p. 71) : « Ils aplanissent une feuille de papyrus qu'ils lui mettent sur la tête en guise de diadème...
En guise de sceptre, l'un d'eux lui remet un petit bout de tige de papyrus du pays, qu'il avait aperçu, jeté
au rebut, sur la route ». Il est juste, comme on l'a vu plus haut, d'établir une synonymie parfaite entre
βύβλος et πάπυρος. Il est douteux, par contre, qu' « une simple feuille » ait suffi pour constituer un
diadème.
24. Pachymérès, III, 25 I, p. 31311'2.
25. Idem, IV, 28 : II, p. 40927 2K.
:
LE ROSEAU. LE PAPYRUS ET LE PAPIER 215

défiler. En 1273, c'est le tour de Manuel Holobôlos, qui est torturé avec ses
proches, avant d'être traîné dans un défilé dégradant, au cours duquel il est lié à ses
co-accusés et frappé avec des viscères de mouton26. En 128 1 se déroule le « cortège
triomphal » de Bellagrada, qui fait précisément l'objet de cette étude et dans lequel
figurent donc les prisonniers de l'armée sicilienne avec leur «javelot de papy
rus»27. En 1292, Constantin Palaiologos, le frère cadet d'Andronic II, humilie un
certain Constantin Maurozômès pour se venger du camouflet infligé à sa propre
femme par Stratègopoulina, dont ce Constantin Maurozômès était réputé être
l'amant : il le fait déshabiller et porter ainsi « en triomphe » à travers l'agora dans
le plus simple appareil28. Les détails rapportés dans ces récits sont pour l'essentiel
attestés par d'autres descriptions de triomphes infamants. Seul se révèle original
- et apparemment objet d'une mention unique - le port de javelots factices imposé
aux prisonniers faits dans l'armée du roi de Sicile à Bellagrada.
Le relevé des nombreux triomphes infamants qui figurent chez les divers histo
riens byzantins a été fait par N. G. Polîtes, puis, de manière plus systématique, par
Ph. Koukoulés29. Mais on a négligé le passage singulier de l'Histoire de Georges
Pachymérès où est décrit le défilé des vaincus de Bellagrada affublés de leurs jave
lotsde papyrus. À juste titre, l'omission peut être imputée aux éditeurs successifs
de l'Histoire. Aucun autre texte ne semble présenter de cas identique ou ressemb
lant.Dans les divers triomphes rapportés par les historiens, il est continuellement
fait état du butin et des prisonniers, et certains détails sont donnés sur les humilia
tions imposées aux vaincus, mais ceux-ci ne sont jamais affublés comme ici d'une
arme fictive, qui donne à la scène une grande force parodique30.
Se pose enfin la question des caractéristiques et de l'origine de ce papyrus qui
est utilisé dans l'un et l'autre cas. Les auteurs anciens n'en signalent pas l'exis
tence en Asie Mineure ou sur le territoire de l'Empire byzantin, mais seulement en
Egypte, d'où il a d'ailleurs reflué aujourd'hui vers le lac Tana d'Ethiopie, en Syrie,
en Calabre et en Sicile, ou en Italie centrale. De même, les encyclopédies grecques
le présentent toujours comme une plante exotique. Mais l'Histoire de Georges
Pachymérès et les récits de Nicolas Mésaritès semblent témoigner de sa présence
en Asie Mineure au 13e siècle, aussi bien aux environs de Constantinople que sur
les rives du golfe de Nicomédie, et même en relative abondance, si l'on est à même

26. Idem. V. 20 Π. p. 50324-5054.


:

27. Idem, VI, 33 II. p. 6515-653".


:

28. Idem, VIII, 19 III. p. 175713.


:

29. N. G. Polîtes, 'Υβριστικά σχήματα. Λαογραφία 4. 1912-1913. p. 626-642 ; Ph. Koukoulés,


Βυζαντινών βίος και πολιτισμός. III. Athènes 1949, ρ. 184-208 (sous le titre' Η διαπόμπευσις).
30. Voir Ph. Koukoulés (H κατά την έπινίκιον πρόοδον υποδοχή του βασιλέως. Βυζαντινών
βίος και πολιτισμός, II. Athènes 1948, ρ. 55-60), qui s'inspire presque exclusivement de Constantin VII
Poiphyrogénète, et M. McCormick (Eternal victory. Triumphal rulership in Uite Antiquity, Byzantium
and the Early Medieval West, Cambridge-Paris 1986). qui ne traite guère de la période des Palaiologoi.
Mais Philon, dans le texte qui a déjà été cité plus haut (n. 23), offre un parallèle (Phii.on, In Flaccum.
38. avec la traduction de A. Pelletier) le vagabond Karabas. déguisé en roi. est entouré d'une garde
:

d'honneur, constituée de jeunes gens qui. « en guise de lanciers, bâton sur l'épaule, lui firent la haie des
deux côtés, en jouant les gardes du corps » (νεανίαι ράβδους e.JÙ των ο)μο)ν φέροντες ανπ λογχοφό-
p(i)v εκατεροοθεν ειστήκεσαν μιμούμενοι δορυφόρους).
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d'en équiper une troupe qui comprend des centaines de soldats, que ce soit comme
talismans pour la victoire ou comme sabres de bois pour la dérision. De plus,
Nicolas Mésaritès voit le papyrus servir de matériau de construction commun au
bord du détroit de Nicomédie. S'il est vrai que le roseau, dont la tige est plus raide
et les nœuds cloisonnants aptes à fournir une sorte de récipient pour un liqui
de,offrirait un meilleur profil pour les usages qui sont faits ici de la plante et que,
surtout, sa présence dans la région ne pose pas le même problème, il est diffi
cile cependant d'admettre, aussi bien chez Nicolas Mésaritès que chez Georges
Pachymérès, une même confusion entre les deux plantes aussi bien individualisées
et par leurs caractéristiques botaniques et par leur utilisation. Il restera tout de
même à bien identifier cette plante que les deux écrivains appellent papyrus.
De toute manière, dans les chapitres 32 et 33 du Livre VI de l'Histoire de
Georges Pachymérès, le mot πάπυρος ne désigne pas le papier, mais, plus simple
ment et plus littéralement, le papyrus. S'il avait voulu désigner le papier, l'historien
aurait sans doute employé le mot commun : ό χάρτης. Il a de fait recours à ce
substantif31, mais il l'utilise de manière ambivalente, puisque le mot peut désigner
et le papier en tant que substance et le feuillet dûment écrit ou prêt pour l'écriture,
feuillet qui sera le plus souvent en papier, mais à l'occasion en parchemin. Le
passage suivant, qui paraîtra au premier abord surprenant, le prouve : έμβάλλουσι
πυρ τοις χάρταις, βεβράναις ούσι32 (« on met le feu aux feuilles, qui étaient des
parchemins »). Quant au mot το χαρτίον, il apparaît bien dans le lexique grec de
l'Histoire de Georges Pachymérès, mais il n'appartient pas au vocabulaire propre
de l'historien : on le trouve seulement dans un titre de chapitre33 ; or les titres de
chapitres ne sont pas dus à l'auteur, mais ont été inscrits plus tard, dans une langue
plus ordinaire ou plus populaire.

Albert Failler
Institut Français d'Études Byzantines (IFEB)

31. En voici les occurrences dans l'Histoire de Pachymérès II, p. 399" m 44 Γ"5 62121 ; III, p. 733
1 1315 18727 1895 27714 27927 2812 12.
:

32. Idem, VI, 25 II, p. 62 12021.


:

33. Idem, IX, 24:111, p. 96 277 '.

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