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Publié par Radu Iliescu le vendredi, juillet 14, 2006 .

vendredi, juillet 14, 2006


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Libellés Arthur Rimbaud, littérature

Arthur Rimbaud

Arthur Rimbaud est, après Mallarmé, le plus commenté des poètes français.

Rimbaldite: l’attention de la réception critique s’est longtemps concentrée sur le


mythe personnel et s’est trop peu pliée sur l’œuvre même.

Les lectures de l’œuvre de Rimbaud réalisées dans la perspective du mythe de


l’écrivain ont connu deux directions distinctes: l’une ayant en vue le poète maudit et
l’autre le révolté.

Maudit ou révolté, ciseleur ou magicien du langage, Rimbaud est un novateur du


discours poétique.

Selon Barthes, le langage poétique moderne existe dans la littérature à partir de


Rimbaud, et non pas de Baudelaire.

L’œuvre de Rimbaud établit un nouveau rapport entre le texte et le lecteur. Le


langage rimbaldien produit un effet de stupeur.

L’écriture de Rimbaud se forme par l’effacement des éclats faux des prédécesseurs
et se confie à la toute-puissance du mot magique, capable de changer l’ordre des
choses.

Accéder à un autre monde que la réalité, par la mise en œuvre de toutes les facultés
du langage et de l’imagination, par l’intermédiaire d’une écriture objective, qui
exclut toute identité entre celui qui écrit et celui sur lequel on écrit, constitue la
particularité de la poétique rimbaldienne.

Les directions principales de sa poétique sont:


- l’expérience du voyant; (l’artiste surpris dans l’acte créateur)
- l’expérience de je est un autre; (objectivation du discours)
- l’expérience du voleur de feu. (recherche d’un nouveau langage poétique).

Pour Rimbaud, le vrai artiste est celui qui s’oppose aux créateurs vieillis: des lettrés
et des versificateurs, de faux nouveaux qui ne font qu’exercer les ancêtres et
reprendre les formes antiques. Il fait la distinction entre l’auteur-créateur et
l’écrivain-fonctionnaire.

Selon Rimbaud, la source de la vraie poésie devrait être les sensations, elles seules
objectives et justes.
Il pense l’acte créateur sous le signe de la volonté et du programme bien établi et
assumé.

Le Poète se fait voyant par un long, immense et raisonné dérèglement de tous les
sens. Toutes les formes d’amour, de souffrance, de folie; il cherche lui-même, il
épuise en lui tous les poisons, pour n’en garder que les quintessences.

Le programme poétique de Rimbaud est un programme de transposition du senti.


La mémoire des sens est vraiment objective. Le poète peut se reconnaître dans
toutes les visions produites par les sensations.

L’artiste qui se reconnaît dans les choses du monde, ouvre la voie à l’expérience de
l’objectivation (je est un autre).

Rimbaud comprend l’importance du dédoublement de la conscience artistique, qui


est l’un des aspects les plus importants de la littérature moderne.

En tant que voleur de feu, le poète est un Prométhée, chargé de transmettre ce qu’il
a inventé.

Il attend un langage universel, capable de transmettre d’âme à âme toutes les


sensations. Il proclame aussi l’autonomie du langage poétique.

L’aventure du voyant se trouve sous le signe d’une volonté créatrice et d’une


vigueur rares. A la différence de Verlaine, le symbolisme de Rimbaud est sauvage et
déchaîné.

Ses souvenirs sont des visualisations.

Puisqu’elle repose sur la sensation, toute vision est objective, car, selon Rimbaud, ce
n’est que la pensée qui est subjective. Née d’une sensualité volontaire, la vision
rimbaldienne se veut si parfaite qu’elle n’infirme jamais le réel.

La poétique rimbaldienne a un caractère ludique: le poète manœuvre le monde par


la vision. Le résultat de cette stratégie est la naissance d’un autre monde où le moi
poétique est à la fois metteur en scène et spectateur de ses propres transformations.
Le sonnet Voyelles représente la transcription immédiate de la vision.

L’attribution de la couleur aux voyelles semble arbitraire et les images semblent


s’associer sans aucune logique dans chacune des visions inspirées par les cinq lettres
de l’alphabet.

Rimbaud pratique l’association libre qui tend vers la métaphore. L’image poétique
rimbaldienne est ambiguë.

Sa poétique symboliste mise sur les effets du mot dans le contexte. Comme il se
proposait de renoncer aux clichés de ses prédécesseurs, ses associations lexicales sont
étranges, inouïes.

Situé entre le présent et l’avenir, entre le réel et l’imaginaire, le voyant doit savoir ne
trahir aucun de ses deux mondes.

Dans le monde inventé de vision en vision, prend naissance de ses manifestations


dans les objets du monde un nouveau moi qui, sans être la négation du moi subjectif,
n’est pourtant pas subjectif. L’objectivation du discours, trait indubitable d’une
poétique moderne, est indispensable à la poétique rimbaldienne du désordre.

Par Les Illuminations, Rimbaud met surtout en évidence son travail sur le mot
poétique. C’est le travail d’un poète qui veut transmettre à son récepteur sa manière
d’interpréter le monde par les mots.

Par la suggestivité des mots, il offre à ses lecteurs la possibilité d’agir seuls, dans
l’espace de la lecture, sans être obligés d’accepter les idées imposées. Ce désir du
poète rend sa création hermétique.

S’il y a, comme on le remarque souvent, un gouffre infrachissable entre le texte de


Rimbaud et ses interprètes, c’est parce que le poète veut transmettre sa technique,
sa modalité artistique d’envisager le monde, et non pas ses opinions sur le monde.
Rimbaud est moderne parce qu’il comprend, avant la lettre, l’importance de la
lecture plurielle. Il accorde donc à la lecture une place tout aussi importante qu’à la
création littéraire.

Son œuvre est une course contre le sens. Tout se passe comme s’il n’y avait pas de
référent ou comme si le référent était nié.

[source Yvonne Goga, Novateurs du discours poétique français]

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