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« LO MONN ALANVÉR, I DI NOU LÉ


RASIS ! »
DÉDÉ LANSOR
« Les cartes géographiques placent généralement l’Europe et la
France au centre du monde. L’équateur n’est pas au milieu de la
carte mais placé vers le sud de la carte. Les pays du Nord y occupent
donc plus de place. Le Nord est d’ailleurs placé en haut et le Sud en
bas. Or une représentation graphique n’est jamais neutre. En bref, tout
cela crée une certaine représentation du globe où les pays du Nord
occupent une place prépondérante »

CCFD-terresolidaire
Dans quel sens tournent les aiguilles
d’une montre ?
Pourquoi les aiguilles d'une montre tournent-
elles dans le sens des aiguilles d'une montre ?

Mouvement apparent du Soleil (nord)


Pourquoi les aiguilles d'une montre tournent-
elles dans le sens des aiguilles d'une montre ?

Mouvement apparent du Soleil (sud)


« Kisa lé kapab dir ousa i lé la Croix du
sud ? Ben, la Croix du sud, c'est pas
aussi l'identité ça ? C'est pas aussi "à
nous" ? »

Boris Gamaléya
Racisme

Racisme L’école de
universaliste 1492
Dualisme(s), colonisation, race et
racisme
Matière Forme
Créature Créateur
Non-être Etre
Corps Esprit
Nature Culture
Physis Nomos
Différence Identité
L’Autre Le Même
Barbare Civilisé
Femme Homme
La prédominance donnée à l'esprit dans la tradition occidentale fait que
le racisme ne serait qu'une affaire de pensées, de pensées hors-sol,
désincarnées, décorporalisées. Le corps est ici entendu dans une
perspective sociologique et non biologique.
De la même manière que la substance pensante de Descartes "qui pour
être n’a besoin d’aucun lieu ni ne dépend d’aucune chose matérielle", la
réflexion sur le racisme peut facilement se couper de la réalité matérielle,
inégalitaire, asymétrique. Ainsi, racisme et contre-racisme détachés de
leur contexte social sont mis en symétrie. Racisme et contre-racisme (aussi
maladroit soit-il !) se valent. Les polarités sociales deviennent
interchangeables, les causes et conséquences s'inversent, le réel se
retourne sur lui-même. Les victimes deviennent coupables et sont mis au
banc des accusés. La boucle est bouclée. La logique est implacable.
Amwin-minm
« Or, s'il est bon de rappeler que le genre, la nation, l'ethnie ou la race sont
des constructions sociales, il est naïf, donc dangereux, de croire et de
laisser croire qu'il suffit de « déconstruire » ces artefacts sociaux, dans une
célébration purement performative de la « résistance», pour les détruire:
c'est en effet ignorer que, si la catégorisation selon le sexe, la race ou la
nation est bien une « invention » raciste, sexiste, nationaliste, elle est inscrite
dans l'objectivité des institutions, c'est-à-dire des choses et des corps.
Comme l'indiquait déjà Max Weber, rien ne menace davantage un
mouvement, ouvrier ou autre, que « des objectifs qui prennent racine dans
la méconnaissance des rapports réels ». Et l'on peut en tout cas douter de
la réalité d'une résistance qui fait abstraction de la résistance de la «
réalité ». »
 Pierre Bourdieu, Méditations pascaliennes, Seuil, Liber, 1997, Points
Essais, 2003, p.156-157
« L’habitude de considérer le racisme comme une disposition de
l’esprit, comme une tare psychologique doit être abandonnée. »

« Le racisme n’est donc pas une tare de l’esprit humain. Il est nous
l’avons vu, une disposition inscrite dans un système déterminé. »

Frantz Fanon
L’école de 1492
Naissance de la modernité/colonialité
La grande découverte de l'âge renaissant [] sera la découverte de
l'humanité. [] La découverte de l'antiquité classique est une
découverte du même. [] Au contraire, la découverte des humanités
éparses sur la planète, découverte de l'autre.
Georges Gusdorf, Les origines des sciences humaines
 Tous les humains appartiennent à la même espèce zoologique, Homo
sapiens, parce qu’ils peuvent tous se reproduire ensemble. Cependant,
la vision du monde élaborée en Occident distingue plutôt deux
espèces humaines, sans autre trait commun qu’une vague
appartenance au « genre humain » : Nous, les Blancs, et les Autres, les
peuples de couleur (Tiers-Monde et « Primitifs »). Ces deux espèces sont
décrites par des disciplines et des théories opposées : l’Histoire, c’est
Nous, les Autres sont de la Géographie. La philosophie et la sociologie
Nous présentent comme des individus rationnels, créatifs, libres et
conscients, tandis que l’ethnologie met en scène des collectivités
d’êtres irrationnels, animées par un principe immuable – la race ou la
culture.
 Denis Blondin, Les deux espèces humaines, Autopsie du racisme
ordinaire
 « Hors de la civilisation occidentale moderne, les sociétés n'ont pas
connu l'opposition dualiste du corps et de l'âme, de la matière et
de l'esprit, des faits de natures et des faits de culture ».
 Ethnisme et racisme ou "l'école de 1492", Pierre-Jean Simon

Corps Âme
Matière Esprit
Nature Culture
La découverte du nouveau monde et, par voie de conséquence, sa
"recouverte" par l'expansion européenne, doit se comprendre comme
une reconfiguration de la métaphysique dualiste européenne qui de
contemplative deviendra active, avec l'avènement des temps
modernes et l'émergence de l'homo faber comme figure centrale.
Cette métaphysique produira la dualisation (polarisation) du monde
(matière/forme ; non-être/être ; corps/esprit ; nature/culture ;
obscurité/lumière ; non-européens/européens, non-blancs/blancs,
nord/sud, etc, etc.) tout en affirmant son unification.
 Amwin-minm
Différence/identité
« Tout le développement de la pensée occidentale ressemble à un
processus de discrimination. »
« La base de la culture occidentale est le principe de non-
contradiction. [] Il répugne qu'à la fois et sous le même rapport, une
chose soit et ne soit pas. »
« La culture occidentale est basée sur la compréhension de l'identité
personnelle comme différence d'avec l'autre. »
Raimon Panikkar
« Avant de devenir une catégorie centrale de la réflexion éthique,
politique et anthropologique, la notion de différence a longtemps été
comprise d'une manière négative. Dans la philosophie de la Grèce
antique, et, en particulier, dans la pensée de Platon et d'Aristote, la
différence est d'abord la négation de l'identité. Elle n'est pas pensée
dans son être propre, mais à partir d'un être auquel la pensée grecque
accorde un statut ontologique supérieur : l'Identique, qui est une
espèce du Même et se rattache à l'Un. Dans cette perspective, la
différence, qui appartient au genre de l'Autre ou de l'altérité et fonde
la pluralité ou le multiple, apparaît comme un moindre être. »
Alfredo GOMEZ-MULLER, « DIFFÉRENCE, philosophie », Encyclopædia
Universalis
« L'autre était pensé comme essentiellement différent, soit parce qu'il
était extérieur à la culture grecque en général (les Barbares) ou à la
cité (les métèques) et les étrangers), soit parce qu'il était d'une autre
nature (les femmes ou les esclaves) »
 Dominique Schnapper, La relation à l'autre, au coeur de la pensée
sociologique
« De manière explicite on trouve exprimés chez de bons auteurs fort
anciens ces modes de classement. Ainsi chez Aristote quand il analyse
dans La Politique les formes fondamentales de la domination et de la
subordination. Lesquelles établissent : 1. L'autorité du père sur ses
enfants et des vieillards sur les jeunes gens ; 2. La subordination des
femmes aux hommes ; 3 La subordination des esclaves à leurs maîtres.
La classification ethnique apparaît, elle, dans la supériorité affirmée
des Grecs sur les Barbares, une supériorité allant de soi pour Aristote
comme, à son époque, pour tous les Grecs.
Pierre-Jean Simon, Pour une sociologie des relations interethniques et
des minorités
« Il est donc évident qu’il y a par nature des gens qui sont les uns libres,
et les autres esclaves, et que pour ceux-ci la condition servile est à la
fois avantageuse et juste [...]. Tous les êtres qui sont aussi différents des
autres que l’âme l’est du corps et l’homme de la brute (tel est le cas
de tous ceux dont l’activité se réduit à user de leur corps et qui tire par
là le meilleur parti de leur être) sont par nature esclave. Aussi bien la
nature veut-elle marquer elle-même une différence entre le corps des
hommes libres et ceux des esclaves : les uns sont forts pour les tâches
nécessaires, les autres droit de stature et impropres à de tels activités,
mais aptes à la vie politique. »
 Aristote, Politique in Dominique Schnapper, La relation à l'autre, au
coeur de la pensée sociologique
Différence Identité
Inférieur Supérieur
Nature Culture
Nature/culture
« Dans la tradition occidentale, le « sauvage » est au « civilisé » ce que
la nature est à la culture, et ce que le corps est à l’esprit ».
Marshall Sahlins

Sauvage Civilisé
Nature Culture
Corps Esprit
Nature
Etymologie de nature :

"Nature" est issu du latin "natura" [2] qui signifie "le fait de la naissance"
le "tempérament" "le cours des choses".
[…]
Le "phusis" grec est issu du verbe grec "phuomai[8]" ou"fuomai"
("φυομαι"[9]) au sens de "qui a le sens du souffle", de "la vie" qui
deviendra la racine du mot "physique". Son équivalent est la racine
indo européenne antérieure "bhu" [10] signifiant "croitre", "être"
L’idée que la Nature cache des secrets me parut
alors étroitement liée au sens que, dans l’Antiquité
déjà, l’on donnait à l’aphorisme d’Héraclite : « La
Nature aime à se cacher », qui implique la même
métaphore.
[…]
L’idée de secret de la nature m’a conduit au voile
d’Isis, c’est-à-dire à l’Isis dont Plutarque raconte
qu’elle se définit elle-même en disant : « Je suis
tout ce qui a été, est et sera, et aucun mortel n’a
encore soulevé mon voile. »
« Conquête des œuvres de la nature »
« Mariage chaste et légal entre l'Esprit et la Nature ».
« Mon très cher fils, moi je t'assurerai un mariage saint, chaste et légitime avec les
choses elles-mêmes. Et de cette union, qui dépassera tous les souhaits des chants
nuptiaux, tu recueilleras une très heureuse race de héros en vérité »
« La nature des choses se livre davantage à travers les tourments de l’art que dans
sa liberté propre. La discipline de la connaissance scientifique et les inventions
mécaniques qu’elle conduit à réaliser, n’exercent pas une simple influence sur le
cours de la nature ; elles ont le pouvoir de la conquérir et de la soumettre, de
l’ébranler jusqu’au plus profond de ses fondations ».
« Je suis venu en vérité, écrit-il, pour vous conduire vers la nature avec tous ses
enfants, pour l’obliger à se mettre à votre service et devenir votre esclave »
« Mon seul souhait sur terre est d'étirer les limites déplorablement étroites de la
domination de l'homme vers l'univers de leurs frontières promises. »
Francis Bacon (1561-1626), pionnier de la pensée scientifique moderne
« La conception cartésienne permettait de concevoir la nature
comme une ressource naturelle […] Enfin ceci fut l’une des grandes
raisons, sinon la plus grande raison, de l’expansion coloniale […] [L]es
peuples autochtones eux-mêmes ont été considérés comme faisant
partie de la nature. »
Boaventura de Sousa Santos
Nature, colonialisme et racisme
« Nous avons assurément des renseignements sur l’Amérique et sa civilisation […] ils
disent simplement que cette civilisation était entièrement naturelle et qu'elle dut
s'effondrer quand l'esprit s'en approcha »

« Les Européens ont pour principe et caractère ce qui est concrètement universel,
la pensée se déterminant elle-même. […] Le principe de l’esprit européen est la
raison consciente de soi qui a, envers elle, la confiance que rien ne peut être, face
à elle, une borne insurmontable et qui, par suite, touche à toutes les choses, pour y
devenir présente à elle-même. L’esprit européen pose le monde en face de lui,
s’en libère, mais supprime à nouveau cette opposition, reprend son autre, le divers
multiple, en lui-même, en sa simplicité. C’est pourquoi règne, ici, cette soif infinie de
savoir, qui est étrangère aux autres races. L’Européen est intéressé par le monde, il
veut le connaître, s’approprier l’autre qui lui fait face, se donner, dans les
particularisations du monde, l’intuition du genre, de la loi, de l’universel de la
pensée, de la rationalité intérieure »
Hegel
La première (raison de la justice de cette guerre et de la conquête)
c'est que, étant par nature esclaves, les barbares (Indiens), incultes et
inhumains, refusent d'admettre la domination de ceux qui sont plus
prudents, plus puissants et plus parfaits qu'eux ; cette domination leur
apporterait de très grands profits ; et de plus c'est une cause juste, par
droit naturel, que la matière obéisse à la forme, le corps à l'âme, les
appétits à la raison, les brutes à l'homme, la femme au marié,
l'imparfait au parfait, le pire au meilleur, pour le bien de tous (« utrisque
bene ») »
Ginés de Sepûlveda, De la justa causa de la guerra contra los indios in
Enrique Dussel, 1492, l'occultation de l'autre
Théologien espagnol (1490-1573).
« La mère [qui] fournit la matière informe du corps, mais cette matière
se trouve formée et perfectionnée par la vertu séminale du père, qui
dispose la matière à la réception de sa forme ».
Saint-Thomas d'Aquin (1225-1274).

Mère Père
Matière Forme/Esprit
Le Moyen Age avait épuisé ses possibilités, l'écrasement despotique de
la nature physique de l'homme au profit de sa nature spirituelle y était
devenu insupportable. Mais, du coup, nous avons bondi de l'Esprit vers
la Matière, de façon disproportionnée et sans mesure.
Alexandre Soljenitsyne
« L’interface sexuelle » de la rencontre coloniale
« L'imaginaire associé à la colonisation d'un territoire et d'un peuple
renvoyait alors à la pénétration, au rapt, au viol, à la possession ».
Capucine Boidin
"le "primitif" est du côté de l'animal. De façon paradoxale, en même
temps qu'est déniée son humanité, il est placé dans un rapport
sexualisé avec le colon. La seule façon de résoudre cette
contradiction, c'est admettre que dans cette fantasmatique, la
femme elle-même ne fait pas partie de l'humanité ! "La colonie est
femme", le colon la féconde. Les peuplades exotiques présentent un
trouble attrait sexuel pour l'Européen. Plus proche des origines, elles
sont aussi supposées plus "chaudes" et plus promptes au désir
Marc Guillaumie
« Que faut-il pour féconder une colonie ? Des intelligences françaises,
de la bonté française, de la direction française »
Marius-Ary Leblond
La femme est
matière/nature

La colonie est
matière/nature

La colonie est
femme/nature
Culture
 La culture, mot et concept, est d'origine romaine. Le mot "culture"
dérive de colere - cultiver, demeurer, prendre soin, entretenu, préserver
- et renvoie primitivement au commerce de l'homme avec la nature,
au sens de culture et d'entretien de la nature en vue de la rendre
propre à l'habitation humaine. En tant que tel il indique une attitude de
prendre souci, et se tient en contraste avec tous les efforts pour
soumettre la nature à la domination de l'homme. C'est pourquoi il ne
s'applique pas seulement à l'agriculture mais peut aussi désigner le
"culte" des dieux, le soin donné à ce qui leur appartient en propre. Il
semble que le premier à utiliser le mot pour les choses de l'esprit et de
l'intelligence soit Cicéron. Il parle de excolerer animum, de cultiver
l'esprit et de cultura animi au sens où nous parlons aujourd'hui encore
d'un esprit cultivé avec cette différence que nous avons oublié le
contenu complètement métaphorique de cet usage.
 La crise de la Culture, trad. P. Lévy, Gallimard, folio, p. 271. Hannah
Arendt
 “Mais le XVIe siècle, c’était aussi, dans la pratique, l’expansion
planétaire de l’Europe et la mainmise brutale sur les trois autres
continents : l’Afrique, l’Asie et l’Amérique. De quel droit les
Européens se saisissaient-ils de territoires immenses ? De quel droit
réduisaient-ils en esclavage des peuples entiers pour les transférer
d’un continent à l’autre en vue de l’exploitation du monde ? Ces
problèmes touchent de très près le thème des rapports de l’homme
et de la nature, car par définition on surexploite les hommes et la
nature dans les colonies.”
 Joseph Ki-Zerbo
 « Le dualisme [nature/société] contenait un principe de différenciation
hiérarchique radicale entre la supériorité de l’humanité/société et
l’infériorité de la nature, une différenciation radicale qui était basée sur
une différence constitutive, ontologique, inscrite dans les plans de la
création divine. Cela a permis que, d’un côté, la nature se transformât
en ressources naturelles inconditionnellement disponibles à
l’appropriation et à l’exploitation de l’être humain dans un bienfait
purement exclusif. Et, de l’autre, que tout ce qui se considérait comme
nature pouvait être objet d’appropriation dans les mêmes termes.
C’est-à-dire, dans un vaste sens, la nature comprenait les êtres qui,
pour être si près du monde naturel, ne pouvaient pas pleinement se
considérer comme humains. De cette façon, a été reconfiguré le
racisme pour signifier l’infériorité naturelle de la race noire et, donc, la «
naturelle » transformation des esclaves en marchandises.
L’appropriation s’est mise à être l’autre visage de la surexploitation de
la force de travail.
 Boaventura de Sousa Santos
 « Les pays du tiers-monde, le "bon sauvage", sont considéré comme
tabula rasa (table rase), […] materia prima de la civilisation ».
 « L’indigène [...], l’habitant autochtone d’Amérique est comme
simple « matière » sans sens, sans histoire, sans humanité : il est un
simple récipient possible de l’évangélisation qui ne peut rien
apporter – ni l’on n’attend qu’il apporte quelque chose. « Non-être
» inventé. C’est la position eurocentrique extrême. »
 Enrique Dussel
 Secteur primaire
 « Le secteur primaire regroupe l'ensemble des activités dont la
finalité consiste en une exploitation des ressources naturelles ».
 Secteur secondaire
 « Le secteur secondaire regroupe l'ensemble des activités consistant
en une transformation plus ou moins élaborée des matières
premières »
 Source : INSEE
« La culture, dans son sens le plus large, est considérée comme
l'ensemble des traits distinctifs, spirituels et matériels, intellectuels et
affectifs, qui caractérisent une société ou un groupe social.
Déclaration de Mexico sur les politiques culturelles, UNESCO
« Si la culture est l'ensemble des comportements moteurs et mentaux
nés de la rencontre de l'homme avec la nature et avec son
semblable, on doit dire que le racisme est bel et bien un élément
culturel »
 Frantz Fanon
Racisme, économie et colonialité
« L'esclavage direct est le pivot de l'industrie bourgeoise aussi bien que les
machines, le crédit, etc. Sans esclavage, vous n'avez pas de coton ; sans
le coton, vous n'avez pas d'industrie moderne. C'est l'esclavage qui a
donné leur valeur aux colonies, ce sont les colonies qui ont créé le
commerce de l'univers, c'est le commerce de l'univers qui est la condition
de la grande industrie. Ainsi l'esclavage est une catégorie économique de
la plus haute importance. »
Karl Marx
« La découverte des contrées aurifères et argentifères de l'Amérique, la
réduction des indigènes en esclavage, leur enfouissement dans les mines
ou leur extermination, les commencements de conquête et de pillage aux
Indes orientales, la transformation de l'Afrique en une sorte de garenne
commerciale pour la chasse aux peaux noires, voilà les procédés idylliques
d'accumulation primitive qui signalent l'ère capitaliste à son aurore. »
Karl Marx
“L’idée de race est, sans aucun doute, l’instrument de domination
sociale le plus efficace inventé ces 500 dernières années. Produit du
tout début de la formation de l’Amérique et du capitalisme, lors du
passage du xve au xvie siècle, elle a été imposée dans les siècles
suivants sur toute la population de la planète, intégrée à la domination
coloniale de l’Europe. La race a été imposée comme critère
fondamental de classification sociale universelle de la population
mondiale, c’est autour d’elle qu’ont été distribuées les principales
identités sociales et géoculturelles du monde à l’époque.” [...] Sur la
notion de race s’est fondée l’euro-centrage du pouvoir mondial
capitaliste et la distribution mondiale du travail et des échanges qui en
découlent.”
Anibal Quijano
La colonialité a vu le jour avec l'organisation des Etats en un système
interétatique hiérarchisé. Formellement, les colonies se situaient au
niveau le plus bas. Mais ce n'était là qu'une des dimensions du
système. Même lorsque les colonies en tant que telles ont disparu,
celui-ci a persisté dans les hiérarchies sociales et culturelles entre
l'européen et le non-européen.
 [...]
La hiérarchie du système colonial se manifestait partout - dans les
domaines politiques et économiques certes, mais tout autant dans le
domaine culturel.
Anibal Quijano & Immanuel Wallerstein
Le racisme est une hiérarchie mondiale de supériorité et d'infériorité
humaines, politiquement, culturellement et économiquement produite
et reproduite pendant des siècles par les institutions du système-monde
moderne/colonial capitaliste/patriarchal occidentalo-christiano-
centré.
Ramon Grosfoguel
Désormais, on peut bien voir comment les causes du racisme, comme
phénomène interne aux États, rejoignent celles du sous-développement,
qui, lui, agit au niveau du système interétatique. En premier lieu, la
répartition mondiale des activités économiques (et par conséquent des
postes de travail) se fait de manière inégale et hiérarchique. De nos jours,
on la comprend selon la division axiale du travail, qui oppose le « centre »
et la « périphérie » dans l’économie-monde. Celle-ci a sans doute une
dimension « de classe ». Mais de façon encore plus évidente, elle possède
une dimension « ethnique ». Entre le racisme et le sous-développement, la
différence majeure tient aux variations de perspective qu’adoptent les
analystes. Au niveau de la nation, c’est la hiérarchie des classes qui
apparaît clairement ; très souvent, bien sûr, on doit admettre qu’elle
s’accompagne aussi d’une hiérarchie ethnique. Mais au niveau du
système-monde, la situation s’inverse. C’est la hiérarchie ethnique qui
devient très claire – elle s’exprime alors en termes de « nations » – même s’il
faut souvent admettre qu’elle recoupe une hiérarchie de classes.
Immanuel Wallerstein
Racisme et (in-)compréhension
« La fin du racisme commence avec une soudaine incompréhension. »
Frantz Fanon
 « Deux conceptions des relations
France-Réunion sont en présence,
pas encore en conflit ouvert. C'est
de cela qu'il s'agit. »
“Deux conceptions des relations France-Réunion sont en présence, pas
encore en conflit ouvert. C'est de cela qu'il s'agit.
La conception théorique, idéologique, idyllique selon laquelle La Réunion
c'est la France ; le métropolitain à La Réunion et le Réunionnais en France
sont, l'un et l'autre, chez eux ; les uns et les autres peuvent rester au pays
ou aller voir ailleurs, comme bon leur semble, dans la limite des besoins,
des nécessités et des compétences.
Et la conception ressentie, vécue, ici, selon laquelle La Réunion et la
France -françaises l'une et l'autre- sont, cependant, deux pays différents ;
selon laquelle le Réunionnais en France et le métropolitain à La Réunion,
ce n'est pas toujours pareil ; selon laquelle la mobilité des Réunionnais n'est
pas « comme bon leur semble », mais, administrativement, organisée,
cadrée, dans le public et, de plus en plus, dans le privé.”
Paul Hoarau
Conception 2
Conception 1
Conception 1 La La
 Conception 1 conception, conception
théorique, ressentie,
idéologique vécue,
idyllique. ici.
 “L’œil fonctionne comme une lanterne et rend visible. Eidos, theoria
sont les termes platoniciens qui se rapportent « visuellement » à la
connaissance, et la croyance dans cette fonction illuminatrice de
l’œil fonde ce que Derrida appelait la « photologie » de la
métaphysique occidentale.”
 Jeanne Szpirglas
« L’accès à la connaissance passe de façon privilégiée par la voie du
regard ».
 David Le Breton
« Assignation du voir au savoir ».
Jacques Derrida
« l'isomorphisme entre le visuel et le conceptuel ».
Jean-Luc Nancy
 « Un vocabulaire visuel ordonne les modalités de la pensée dans
diverses langues européennes. Voir c’est croire, comme le rappellent
des formules courantes : « Il faut le voir pour le croire », « Je le croirai
quand je l’aurai vu », etc. « Ah, mon oreille avait entendu parler de toi,
dit Job, mais maintenant mon œil a vu. » « Je vois » est synonyme de «
Je comprends ». Avoir vu « de ses propres yeux » est un argument sans
appel. Ce qui « saute aux yeux », ce qui est « évident », ne se discute
pas. Dans la vie courante, pour être perçue comme vraie, une chose
doit d’abord être accessible à la vue. « Voir » vient du latin videre issu
de l’indo-européen veda : « Je sais », d’où dérivent des termes comme
évidence (ce qui est visible), providence (pré-voir selon les inclinations
de Dieu). La teoria est la contemplation, une raison détachée du
sensible, même si elle y puise son premier élan. »
 David Le Breton
« Nul ne percera le secret des idéologies idolâtres d'elles-mêmes s'il ne
connaît le secret du logos idéal qui naquit en Occident avec les
Grecs. Nul ne connaîtra le combat du logos - sa logo-machie - s'il ne se
souvient que l'idole a même racine que l'idée, et que l'idée plonge ses
racines dans la raison grecque. Car cette raison contemple
"l'apparence générale des choses", l'eidos, cette mère de l'idée et
cette fille du regard puisque eidos signifie j'ai vu. »
Manuel de Dieguez
« Le voir appartient proprement aux yeux » ; « Mais nous appliquons
également ce mot "voir" aux autres sens lorsque nous recourons à eux pour
connaître » ; « En effet, nous ne disons pas : écoute comme cela luit, où :
sens comme cela brille, ou : goûte comme cela est rayonnant, ou :
touche comme cela est éclatant; mais nous disons dans tous ces cas :
vois, nous disons que tout cela est vu » ; « Mais nous ne disons pas non plus
seulement : vois comme cela rayonne - ce que les yeux seuls peuvent
percevoir - » ; « Nous disons aussi : vois comme cela résonne, vois comme
cela sent, vois quel goût cela a, vois comme c’est dur. » ; « C’est pourquoi
l’expérience des sens est en général désignée comme "désir des yeux",
parce que même les autres sens, en vertu d’une certaine ressemblance,
s’approprient la fonction des yeux lorsqu’il s’agit de connaître, fonction où
les yeux ont la primauté.
Saint-Augustin (354-430) - Un des quatre Pères de l'Église occidentale et
l’un des trente-six docteurs de l’Église
Par « sociologie des absences » j'entends une recherche qui vise à
montrer que ce qui n'existe pas est en fait activement produit comme
non existant
Boaventura de Sousa Santos
Sociologie des absences : 1) La première logique découle de la «
monoculture de la connaissance » et de la « rigueur de la
connaissance » ; 2) « La deuxième logique est fondée sur la «
monoculture du temps linéaire », selon laquelle l'histoire n'a qu'un seul
sens et qu'une seule direction » ; 3) « La troisième logique est fondée sur
la « monoculture de la naturalisation des différences » ; 4) « La
quatrième logique de production de non-existence est celle de «
l'échelle dominante ». 5) « Enfin, la cinquième logique est la « logique
productiviste » reposant sur la « monoculture des critères de la
productivité capitaliste ».
La troisième logique est fondée sur la « monoculture de la naturalisation des
différences ». Elle consiste à classer les populations par catégories qui naturalisent
des hiérarchies. La classification par race et par genre est la plus importante
manifestation de cette logique. Contrairement à ce qui se passe dans la relation
entre le capital et le travail, la classification sociale réside dans les attributs qui nient
l'intentionnalité de la hiérarchie sociale. La relation de domination est la
conséquence, et non la cause, de cette hiérarchie, et peut être assurément
considérée comme une obligation pour ceux qui ont été catégorisés comme
supérieurs (par exemple « le fardeau de l'homme blanc » dans sa « mission
civilisatrice »). Bien que ces deux formes de classification (race et genre) aient été
décisives pour stabiliser et intensifier la relation capital-travail à l'échelle mondiale,
la classification raciale est celle que le capitalisme a reconstruite en profondeur,
comme l'ont montré Immanuel Wallerstein et Étienne Balibar [1991] et, avec plus de
force, Aimé Césaire [1955], Aníbal Quijano [2000], Walter Mignolo [2003], Enrique
Dussel [2001], Nelson Maldonado-Torres [2004] et Ramon Grosfoguel [2007]. Selon
cette logique, la non-existence prend la forme d'une infériorité insurmontable
parce que naturelle. Les peuples inférieurs sont inférieurs parce qu'ils le sont de
façon insurmontable et ne peuvent donc pas constituer une alternative crédible
aux peuples supérieurs.
La quatrième logique de production de non-existence est celle de «
l'échelle dominante ». Selon cette logique, l'échelle adoptée comme
étant primordiale détermine le manque de pertinence de toutes les
autres. Dans la modernité occidentale, l'échelle dominante revêt deux
formes principales : l'universalisme et la mondialisation. L'universalisme est
l'échelle des entités ou réalités qui prévalent indépendamment des
contextes spécifiques. Il a donc la préséance sur toutes les réalités qui
dépendent des contextes et sont ainsi considérées comme particulières
ou vernaculaires. La mondialisation est l'échelle qui, durant les trente
dernières années, a pris une importance sans précédent dans les champs
sociaux les plus divers. C'est une échelle qui privilégie les entités ou réalités
étendant leur influence sur toute la planète, gagnant ainsi le droit de
désigner comme rivales les réalités locales. Dans ce cas, la non-existence
prend la forme du particulier ou du local. Les entités ou réalités définies
comme particulières ou locales sont emprisonnées dans des échelles qui
les rendent incapables de devenir des alternatives crédibles à ce qui est
supposé exister de façon universelle et mondiale.
« Réduire le racisme à l'hostilité est l'effet de l'égocentrisme fondamental
de la perception qui ne perçoit dans l'atteinte à l'autre que ce qui atteint
soi-même. »

[...]

« Réduire le racisme à la seule hostilité, ne le reconnaitre qu'à cette


extrémité, c'est succomber à une illusion d'optique qui dévie le rapport
que notre culture entretient avec le différent et en reconnaître la marque
dans le lieu seul où notre propre implication est reconnue. C'est sombrer
dans le piège de l'égocentrisme culturel qui rapporte l'atteinte à soi-même
et refuse l'existence spécifique du dominé. »
Colette Guillaumin, L'idéologie raciste
« Les vraies victimes du racisme, au point d'aboutissement de ce processus, ce ne
sont plus les minoritaires, les dominés, mais les majoritaires, les dominants, ceux qui
se trouvent du bon côté du manche. Lesquels peuvent désormais ouvertement, en
les accusant de racisme, se poser en victime de leurs victimes".
[...]
« Ce parler de racisme à propos de n'importe quoi - nous avons déjà rencontré ce
processus - c'est le mettre partout. Et si le racisme est partout, il est aussi bien nulle
part. Si tout le monde est raciste, personne ne l'est plus. Si n'importe qui peut être à
la fois raciste et victime du racisme dans l'une ou l'autre des formes désormais
multiples et diversifiées, parfois dérisoires de racisme, on en arrive à la situation où
les rôles des dominants et des dominés, des racisants et des racisés, des agresseurs
et des agressés, sont interchangeables et équivalents ? C'est-à-dire qu'il n'y a plus,
dans la dilution du phénomène, ni dominants ni dominés, ni victimes ni bourreaux. »
Pierre Jean-Simon P. 266-268
La colonialité de l’emploi à La Réunion
« Ainsi la migration est à l’origine de marchés de l’emploi dualistes où
certains individus sont favorisés et d’autres défavorisés. [] Les
immigrants nés en métropole parviennent ainsi à valoriser leur diplôme
et leur savoir-faire sur le marché du travail local, ils ont la situation
d’emploi la plus favorable. Cette situation, qui traduit l’existence d’un
marché du travail dualiste où certains individus sont favorisés au
détriment d’autres, présente un intérêt pour les immigrants arrivants de
métropole »
Franck Temporal, Migrations, emplois et inégalités à l’île de La Réunion.
Quel rapport pour la compréhension du développement
« Si l'organisation duale est typique du secteur industriel, cette dualité
est très fortement renforcée par la répartition ethnique des catégories
sociales, où les clivages entre "métro" (issus de la métropole) et créoles
(natifs de l'île de la Réunion) sont très marqués. En effet, il est important
de signaler que l'ensemble des membres du CODIR sont des
métropolitains. Cette organisation reflète une perpétuation d'un
clivage historique, entre, d'une part, les blancs issus de la métropole,
ayant les plus hauts grades, et, d'autre part, les créoles, ayant des
positions d'exécutants. Même si certains créoles ont des fonctions de
managers, aucun ne se situe en haut de la pyramide, au CODIR. »
Sextant, Arcelor Mittal Construction Réunion, Projet de réorganisation
industrielle, commerciale et administrative
Racisme anti-zorey : les discriminations dans les domaines de l’éducation, du
logement, de la santé, des loisirs, de la sexualité ou du travail envers les « zoreys »
sont, selon les études, pratiquement, sinon totalement, inexistantes. Ils
bénéficieraient même, mais c’est à vérifier il est vrai, de préjugés favorables. Une
étude psychosociologique de ce groupe serait à faire : quels sont leurs rêves en
venant à La Réunion ? Leurs aspirations ? Leurs représentations ? Où vont-ils en
vacances ? Quelles sont les formes de violence domestique ? Comment vivent-ils
les insultes qu’ils reçoivent ? Nous n’en savons rien. Par contre, ce que nous avons
comme exemple de leurs opinions envers les Réunionnais (à lire les compte rendus
de procès, quelques interviews..) est très souvent négatif … Les inscriptions anti-
zoreys ne sont pas du même ordre que les actes envers les Comoriens ou les
Musulmans de Madagascar. Ces inscriptions sont à analyser dans le cadre des
relations Réunionnais/zoreys, tous Français certes mais n’héritant pas de la même
histoire. Pour imiter le professeur Cambefort, nous le renvoyons aux études
sociologiques sur le racisme qui distingue entre opinions écrites à la craie et
discriminations concrètes.
Eric Alendroit, Carpanin Marimoutou, Ginette Ramassamy, Françoise Vergès.
Racisme, égalité et non-discrimination
Forme Matière
Formel Matériel

Idéel Réel

Idéalité Matérialité

Egalité Inégalité

Inégalité derrière la
Egalité devant la loi
loi

Symétrie Asymétrie

Homogénéité Hétérogénéité
Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, 1789
Article 1er. Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits.

Déclaration universelle des droits de l'homme, 1948


Article 1er. Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et
en droits.
Observation générale n° 18, Non-discrimination
Comité des Droits de l’homme, Trente-septième session, 10 Novembre
1989
Le Comité fait également observer que l’application du principe
d’égalité suppose parfois de la part des États parties l’adoption de
mesures en faveur de groupes désavantagés, visant à atténuer ou à
supprimer les conditions qui font naître ou contribuent à perpétuer la
discrimination interdite par le Pacte. Par exemple, dans les États où la
situation générale de certains groupes de population empêche ou
compromet leur jouissance des droits de l’homme, l’État doit prendre
des mesures spéciales pour corriger cette situation. Ces mesures
peuvent consister à accorder temporairement un traitement
préférentiel dans des domaines spécifiques aux groupes en question
par rapport au reste de la population. Cependant, tant que ces
mesures sont nécessaires pour remédier à une discrimination de fait, il
s’agit d’une différenciation légitime au regard du Pacte.
Observation générale no 20 La non-discrimination dans l’exercice des
droits économiques, sociaux et culturels (art. 2, par. 2 du Pacte
international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels),
Comité des droits économiques, sociaux et culturels
Pour que les États parties soient à même de «garantir» que
les droits visés par le Pacte seront exercés sans
discrimination aucune, la discrimination doit être éliminée
sur le plan formel aussi bien que dans les faits[7] :

Discrimination
Discrimination Discrimination
formelle concrète
Discrimination formelle: Éliminer la discrimination formelle consiste à
faire en sorte que la constitution, les lois et les textes de politique
générale d’un État n’entraînent pas de discrimination fondée sur des
motifs interdits; ainsi, les lois ne doivent pas refuser aux femmes l’égalité
de prestations de sécurité sociale au motif de leur situation
matrimoniale
Discrimination concrète: Remédier à la discrimination formelle ne suffit
pas à garantir l’égalité concrète envisagée et définie au paragraphe
2 de l’article 2[8]. L’exercice effectif des droits consacrés par le Pacte
est souvent fonction de l’appartenance d’une personne à un groupe
de population victime de discrimination sur la base de motifs interdits.
Pour mettre fin à la discrimination dans la pratique, il faut porter une
attention suffisante aux groupes de population qui sont en butte à des
préjugés hérités de l’histoire ou tenaces, plutôt que de simplement se
référer au traitement formel des individus dont la situation est
comparable. Les États parties doivent donc adopter immédiatement
les mesures nécessaires afin de prévenir, de réduire et d’éliminer les
situations et les comportements qui génèrent ou perpétuent une
discrimination concrète ou de facto.
Afin d’éliminer la discrimination concrète, les États parties peuvent, et
doivent dans certains cas, adopter des mesures spéciales pour
atténuer ou supprimer les situations qui perpétuent la discrimination.
Ces mesures sont légitimes dès lors qu’elles représentent un moyen
raisonnable, objectif et proportionné de remédier à une discrimination
de facto et sont supprimées lorsqu’une égalité concrète a été
durablement établie. Cependant, il peut être nécessaire de donner à
titre exceptionnel un caractère permanent à ces mesures positives,
par exemple aux services d’interprétation offerts aux membres de
minorités linguistiques et aux aménagements raisonnables destinés à
faciliter l’accès aux établissements de soins de santé des personnes
souffrant d’incapacités sensorielles.
Certaines formes directes ou indirectes de traitement différencié
peuvent être constitutives de discrimination au regard du paragraphe
2 de l’article 2 :

Discrimination
Discriminations Discriminations
directes indirectes
Il y a discrimination directe quand un individu est traité moins
favorablement qu’une autre personne dans une situation semblable
pour une raison liée à un motif interdit; par exemple, lorsque l’emploi
au sein d’instances éducatives ou culturelles ou l’appartenance à un
syndicat est subordonné aux opinions politiques des candidats ou
employés. La discrimination directe recouvre aussi les actes ou
omissions préjudiciables à raison de motifs de discrimination interdits
lorsqu’il n’y a pas de situation semblable comparable (cas d’une
femme enceinte, par exemple)
Comité des droits de l’enfants - 2009

Le Comité recommande à l’État partie de veiller à ce que les groupes


minoritaires et les peuples autochtones des départements et territoires
d’outre-mer bénéficient de l’égalité de jouissance des droits et à ce
que les enfants aient la possibilité de valider leurs connaissances
culturelles, sans discrimination. Il demande en outre instamment à
l’État partie de prendre des mesures pour éliminer toute discrimination
à l’encontre des enfants appartenant à des groupes minoritaires, en
particulier en ce qui concerne leurs droits économiques et sociaux.
Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de
discrimination raciale - 2010
« S’agissant de l’outre-mer, Mme Dah remarque le caractère très
général des paragraphes 126 à 164 du rapport à l’examen qui traitent
de cette question et rappelle que la France a l’obligation, en tant
qu’État partie à la Convention, de faire rapport au Comité sur la
situation qui prévaut dans les territoires placés sous sa juridiction. Elle
prend note du fait que l’année 2009 a été marquée par des émeutes
dans les territoires d’outre-mer français qui ont dépassé le cadre des
revendications sociales initiales et ont acquis une connotation
ethnique dans tous les territoires d’outre-mer français. À l’évidence, la
France a mal à sa pluralité et a ses principes. »
Comité des droits économiques, sociaux et culturels - 2015

Donner des informations, le cas échéant, sur le manque de ressources


à allouer pour l’enseignement des langues régionales et leur
promotion dans la vie culturelle. Fournir également des données
pratiques sur l’usage des langues régionales dans les médias dans les
collectivités territoriales d’outre-mer, notamment celles de Guyane et
de Nouvelle-Calédonie. Donner des informations sur les mesures prises
afin d’aider les groupes ethniques autres que ceux cités dans le
rapport de l’État partie à préserver leurs identités culturelles et à
développer leurs cultures respectives, y compris leur langue.
Comité des droits économiques, sociaux et culturels - 2016
Le Comité engage l’État partie à développer des méthodologies
appropriées de collecte de données et de production de statistiques
ventilées concernant les minorités ethniques visibles, notamment les
personnes d’ascendance étrangère ou les Roms dans le respect du
principe de l’auto-identification, permettant aux victimes de discrimination
indirecte de prouver celle-ci. Il demande également à l’État partie
d’inclure les départements et régions d’outre-mer et les collectivités
d’outre-mer (DROM-COM) dans ces statistiques. En outre, il lui
recommande de surveiller à travers des statistiques ventilées les impacts
des politiques publiques sur ces groupes. Il attire l’attention de l’État partie
sur la note d’orientation sur l’approche de la collecte de données fondée
sur les droits élaborée par le Haut-Commissariat des Nations Unies aux
droits de l’homme.
Conseil des droits de l’homme - 2017

13. Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a déploré le


manque d’outils statistiques permettant de déceler toutes les formes
de discrimination indirecte fondée sur l’origine, et engagé la France à
développer des méthodologies appropriées de collecte de données
et de production de statistiques ventilées concernant les minorités
ethniques, notamment les personnes d’ascendance étrangère ou les
Roms. Le Comité a demandé à la France d’inclure les départements
et régions d’outre-mer et les collectivités d’outre-mer (DROM-COM)
dans ces statistiques, et lui a recommandé en outre de surveiller à
travers des statistiques ventilées les effets des politiques publiques sur
ces groupes.
64. Le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale a
recommandé à la France d’envisager de revoir sa position sur la non-
reconnaissance des peuples autochtones des collectivités d’outre-mer, et
de veiller à conduire des politiques mieux ciblées et adaptées aux besoins
et à la situation spécifique de ces populations, notamment les peuples
autochtones et les personnes d’ascendance africaine116. Le Comité des
droits de l’homme a estimé que la France devrait réexaminer sa position
concernant la reconnaissance officielle des minorités ethniques, religieuses
ou linguistiques117 .

65. Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a recommandé


à la France de promouvoir le droit des personnes appartenant à des
groupes linguistiques régionaux ou minoritaires et, dans les DROM-COM,
des peuples autochtones, de pratiquer leur propre langue dans les régions
où les langues régionales sont traditionnellement parlées118
« [On] commet [l'erreur, le péché du racisme], non en la formulant et
en la pensant mais justement en la repoussant dans l'informulé, en la
négligeant, en la traitant par prétérition, en s'en gaussant ou en
ironisant avec légèreté à son sujet ou en l'évaporant dans
l'humanisme, bref en refusant de s'y arrêter, d'y réfléchir, de s'y
soumettre à son tour »
Gilbert Varet, Racisme et philosophie, Essai sur une limite de la pensée
Mérsi zot tout

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